Intervention de Laurent-Franck Liénard

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 13 février 2018 à 14h20
Audition de M. Laurent-Franck Liénard avocat

Laurent-Franck Liénard :

Je vous remercie de consacrer votre temps à ces hommes et à ces femmes, qui exposent leur vie pour protéger les nôtres. Cette démarche les conforte, tant ils ont l'impression d'être bien souvent laissés à eux-mêmes. Je ne témoignerai qu'à l'aune de ma propre expérience au sein de mon cabinet.

Depuis 25 ans, j'ai pu constater que la remise en cause stratégique de l'action policière était systématique et relayée par des associations qui tentent désormais de tuer l'État et de remettre en cause l'exercice de la force par ses représentants. Un policier n'exerce pas la violence, mais ses fonctions de représentant de l'État. Certes, certains policiers peuvent être des délinquants, mais ceux-ci ne représentent qu'une infime partie des forces de l'ordre. Les gendarmes, qui ont interpellé Adama Traoré, ont été immédiatement mutés, officiellement pour des raisons de sécurité, mais surtout suite au déchaînement médiatique dont ils ont été les victimes. Nulle autorité publique, au plus haut niveau de l'État, n'intervient plus pour soutenir les forces de l'ordre, en rappelant que la force doit demeurer à la loi.

Les policiers ont aujourd'hui perdu leur motivation professionnelle. Leur traitement ne prend nullement en compte leur prise de risque, ne serait-ce qu'au gré d'interpellations légères, sans parler des interpellations violentes. L'atmosphère devient kafkaïenne et nombre de policiers, soucieux de préserver leur vie ou d'éviter les procédures, demandent leur mutation dans des services non exposés et ne souhaitent plus participer au maintien de l'ordre sur le terrain. Ceux que je reçois et qui sont entrés dans la police, avec une vraie motivation, ne souhaitent plus se mettre en danger. L'impunité du délinquant est réelle - les vols à mains armées n'étant, le plus souvent, réprimés qu'avec deux ans de prison avec sursis- et la réponse pénale est devenue une farce, faute de délivrer de réelles sanctions. Les policiers, en dehors des homicides et des viols qui sont généralement punis de peines conséquentes, ont désormais l'impression de travailler pour rien. Toute question à un prévenu ne peut être posée qu'au terme d'une quinzaine de procédures. Nous sommes arrivés à la limite du système et ne parvenons plus à assurer la sécurité.

Lorsqu'un gendarme comparait en correctionnelle, il est assisté d'un officier supérieur en tenue qui représente son arme, tandis que le policier demeure seul, à l'exception peut-être d'un officier de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui veille à ce qu'il soit condamné. Cette absence de soutien de la hiérarchie s'explique par la logique de castes qui prévaut dans la police ; les officiers étant pris entre les commissaires qui dirigent et les policiers qui font le travail au quotidien. Restaurer l'esprit de la police impliquerait ainsi d'abandonner certains privilèges.

À cet égard, la création d'une académie de police, avec six mois de formation commune à l'ensemble des personnels, permettrait de mettre fin à un tel esprit et de réaffirmer la cohésion des corps, nécessaire pour faire front face à la délinquance.

En outre, je suis favorable aux caméras, afin d'éviter les vidéos et de garantir des images policières. Ces caméras permettront également de contrôler la véracité des témoignages et les agissements des personnes face aux policiers et d'améliorer la déontologie, en prévenant les débordements de certains agents, rendus possibles par le défaut d'encadrement.

Le policier, qui se défend, ne veux jamais la violence, mais doit réagir avec les moyens dont il dispose face une situation violente. Les gens sous l'uniforme aujourd'hui sont faibles physiquement, techniquement et légalement. La formation continue des policiers devrait être plus importante et contribuer à façonner la perception de la police par la population.

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