Le sujet est vaste, et nous sommes amenés à analyser des causes multifactorielles.
Nous avons déjà pu en identifier un certain nombre en auditionnant les syndicats, ainsi qu'un journaliste qui s'est immergé durant six mois dans différentes unités pour écrire un ouvrage intitulé « Paroles de flics ».
On est face à une police aujourd'hui en quête de sens et de reconnaissance, dont les revendications sont bien plus que des revendications salariales ou catégorielles, la condition sociale des policiers, notamment celles des jeunes que l'on envoie en début de carrière en Île-de-France, étant également problématique.
La surcharge des emplois du temps, ces dernières années, ainsi que l'éloignement, ont multiplié les problèmes de vie familiale ou d'ordre personnel, qui font partie des facteurs qui s'additionnent et qui poussent certains d'entre eux au geste extrême.
Selon vous, quelles sont les causes multifactorielles du malaise des policiers ? Quelle appréciation portez-vous sur le concept de police de sécurité du quotidien (PSQ), dont on n'est pas forcément convaincu que les moyens qui ont été annoncés suffiront - même si les directions paraissent être les bonnes ?
Nous voudrions surtout vous interroger sur un point exprimé de façon très brutale par les policiers, le divorce qu'ils vivent aujourd'hui avec une fraction de la population qui, dans certains quartiers, ne veut pas d'une présence policière qui empêche l'économie souterraine de fonctionner. Les policiers ont le sentiment que le harcèlement dont ils font l'objet au quotidien - injures, outrages, rébellion -, n'est pas mis en balance par rapport aux quelques bavures ou supposés bavures hypermédiatisées qui sont mises en avant, parfois même avant l'établissement des faits.
Il existe également un problème de relations avec la justice, avec qui le divorce est consommé. Il suffit de lire les déclarations syndicales de policiers ou de magistrats pour comprendre que ces deux mondes s'affrontent, alors que rien ne peut se construire sans symbiose. Quel est votre sentiment ?
Ces deux entités ont pourtant su se rencontrer intellectuellement au niveau de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), en surmontant bien des réticences, mais continuent à s'opposer, ce qui constitue une véritable difficulté pour le politique.
On pourra également évoquer les charges indues, la coproduction de sécurité, la montée en puissance des polices municipales. Aujourd'hui, les policiers ont le sentiment de travailler dans de mauvaises conditions, de prendre de plus en plus de risques dans une société de plus en plus violente, d'être totalement incompris par les magistrats et de travailler « pour rien » - je caricature -, la justice ne suivant pas, parce que la chaîne pénale ne fonctionne pas, les peines ne sont pas exécutées et la prison n'est pas ce qu'elle devrait être.