Intervention de Jean-Marie Bockel

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 15 février 2018 : 1ère réunion
Table ronde « être élu en 2018 la nouvelle donne

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel, président :

Le Président du Sénat, Gérard Larcher, a exprimé à plusieurs reprises le souhait que nous nous saisissions de la question du statut de l'élu local, problématique inscrite à l'ordre du jour de la conférence des territoires organisée à Cahors. Je suis alors intervenu sur cette thématique que le Président de la République avait lui-même évoquée lors de la première conférence des territoires, le 17 juillet 2017.

La délégation, reconstituée début novembre, a validé ce thème de travail lors de sa réunion du 16 novembre 2017. Pour que l'ensemble des sensibilités soit représenté, dans un esprit consensuel, un groupe de travail a été constitué sur le statut de l'élu local, qui correspond au Bureau, à quelques ajustements près. Ce groupe de travail s'est réuni le 7 décembre et a défini un programme d'auditions et de tables rondes qui se tiendront soit en séance plénière, comme aujourd'hui pour cette table ronde inaugurale, soit dans un cadre plus restreint, mais ouvert.

La table ronde de ce jour s'intitule « Être élu local en 2018 : la nouvelle donne ». Elle offre l'occasion de faire le tour des principaux problèmes, avec madame la ministre et les représentants des associations d'élus présentes. Quatre tables rondes suivront sur le régime indemnitaire, le régime social, la formation permanente et la préparation de la reconversion en fin de mandat, la responsabilité pénale et les obligations déontologiques.

Pour cette réunion de lancement, nous avons souhaité disposer d'éléments d'appréciation précis. Nous avons donc adressé aux élus un questionnaire étayé fin 2017. Les questions étaient nombreuses et certains n'ont pas répondu à toutes. Nous avons tout de même obtenu 17 500 réponses.

Je souhaite tout d'abord tirer quelques enseignements de ces contributions : sur 17 500 contributions, 7 300 étaient complétées de la première à la dernière page. Ce chiffre très significatif présente une incontestable valeur démonstrative. Je remercie les associations présentes, telles que l'AMF, qui ont relayé le questionnaire auprès de leurs membres. Nous procédons actuellement à une analyse approfondie des résultats.

La totalité des fonctions locales est représentée dans les réponses. Plus de six répondants sur dix occupent un mandat communal, un tiers des fonctions intercommunales. Les maires représentent un quart des participants (4 200 participants). Tous les niveaux, départementaux et régionaux, sont également représentés. Les répondants sont issus de l'ensemble des territoires métropolitains et des départements et régions d'outre-mer. Les régions ayant de nombreuses communes rurales sont plus représentées que les autres, mais cela traduit une réalité de notre territoire. Les réponses sont révélatrices du profil des élus locaux : deux tiers d'entre eux sont des hommes...

Les élus locaux portent un jugement contrasté sur les réformes engagées par l'État au cours des dernières années. Les réformes relatives aux compétences locales, à la carte des intercommunalités, des régions et des services déconcentrés sont toutes jugées négativement, dans des proportions allant de 35 % à 50 %. La réforme annoncée de la baisse du nombre d'élus locaux suscite une majorité d'oppositions, à 55 %. La loi sur le non-cumul des mandats est perçue favorablement par 74 % des répondants. La crise des vocations apparaît comme une réalité à la lecture du document : les répondants ont identifié plusieurs freins à l'accès aux mandats locaux. Selon eux, les cinq difficultés majeures, dans un ordre décroissant, sont le degré d'exigence des citoyens, la difficile conciliation du mandat et de la vie professionnelle, le risque juridique et pénal, la lourdeur des responsabilités et la difficile conciliation du mandat avec la vie personnelle. 43 % des répondants ont indiqué avoir éprouvé des difficultés à constituer leur liste, avec trois profils particulièrement difficiles à mobiliser : les moins de 35 ans, les femmes et les salariés du secteur privé.

La crise des vocations doit être corroborée par le fait que 45 % des répondants envisagent de quitter la politique à l'issue de leur mandat. Parmi les principaux motifs invoqués, les premiers sont de nature objective (le temps accordé à la politique au détriment de la famille et du travail, l'âge atteint par l'élu), et d'autres de nature plus subjective (le sentiment du devoir civique accompli ou, au contraire, le sentiment de déception).

Les élus relayent des inquiétudes sur le risque pénal inhérent à leur fonction. Près de 87 % des participants évoquent un déficit d'information sur la question, notamment sur la problématique de la transparence de la vie publique. Une forte proportion souhaite une évolution du cadre juridique : ainsi, les trois quarts des répondants souhaitent réviser le régime de responsabilité pénale et ils sont encore plus nombreux à vouloir réviser le régime de répression des délits non intentionnels.

Un autre point concerne l'insatisfaction sur le régime indemnitaire et social. 85 % des répondants indiquent bénéficier d'une indemnité de fonction et jugent le régime insuffisant, quoique lisible, et trouvent que l'ensemble des élus devrait pouvoir en bénéficier. Le tiers des répondants connaît ses droits à la retraite : pour eux, le régime n'est ni protecteur ni lisible.

Sur la conciliation entre le mandat local et l'activité professionnelle, la moitié des répondants a indiqué exercer une activité professionnelle tandis que plus d'un tiers est à la retraite. Les deux secteurs d'emplois les plus représentés sont la fonction publique (20 %), l'entreprise (17 %) et un panel de professions libérales, agriculteurs, artisans et ouvriers. 83 % des répondants ont précisé que leur fonction élective ne les empêche pas d'exercer une activité professionnelle. Plus d'un quart des élus estime consacrer plus de 35 heures hebdomadaires à leur mandat, et plus de la moitié plus de 25 heures.

Les dispositifs destinés à faciliter l'accès d'une activité professionnelle en parallèle d'un mandat sont peu utilisés : moins d'un tiers des répondants a eu recours aux autorisations d'absence. Les autres dispositifs sont encore moins cités.

Enfin, 55 % des élus ont bénéficié de formations aux fonctions d'élu local, essentiellement dispensée par les associations d'élus locaux (56 %) ou les services des collectivités (moins de 20 %). 88 % des répondants jugent nécessaires d'adapter ces formations : 70 % souhaitent des formations diplômantes et cinq domaines devraient être renforcés : la finance et la comptabilité publique (un quart), le droit de l'urbanisme (un cinquième), la responsabilité pénale, le droit des marchés publics (15 %) et le droit de la fonction publique (8 %).

Au-delà de ces appréciations, les répondants ont identifié cinq champs prioritaires : la protection juridique et le statut pénal, la conciliation avec une activité professionnelle, le régime indemnitaire, la formation et la protection sociale.

Après l'intervention de madame la ministre, nous souhaitons aborder prioritairement trois sujets : la responsabilité juridique, la conciliation avec une activité professionnelle et le régime indemnitaire.

Pour la fluidité des débats, je vous incite à intervenir en cinq minutes. Madame la Ministre devra partir à 10 heures.

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