Je suis maire depuis 1995 d'une commune de 14 000 habitants. La commune de Lamballe est une commune qui ressort de la loi Marcellin - donc commune associée - et une commune nouvelle. Les six entités qui forment la commune de Lamballe compteront 35 élus en 2020, contre 90 selon l'ancien modèle pour le même territoire. L'ancien territoire de la communauté comprenait 17 communes et regroupait 27 000 habitants, la moitié résidait dans la ville de Lamballe qui n'avait que 33 élus, l'autre moitié en ayant 150.
En France, les élus peuvent théoriquement concilier leur mandat avec une autre activité. Le grand danger consiste alors à laisser les services faire : l'administration territoriale est alors prise en charge par les services, si les élus ne sont pas suffisamment présents. Ce danger, qui guette toutes les collectivités, n'est pas admissible. Les élus doivent être présents, mais également détenir des connaissances techniques. Il est important qu'ils soient formés.
Les non-cumuls de mandats, dans les strates et dans la durée, amèneront des sorties. Lorsque j'ai été élu en 1995, j'étais conducteur routier et travaillais dans une petite entreprise. La seule sortie possible était la démission. L'entreprise de transport ne pouvait me promettre de me reprendre six ans après, si je n'avais pas été réélu. Si le non-cumul est institutionnalisé dans la durée, il conviendra donc de prévoir des sorties, faute de quoi les salariés du privé ne se présenteront pas aux fonctions électives. Les effets politiques et sociétaux doivent être anticipés. Les élus prendront le risque de deux ou trois mandats et se retrouveront sans rien à l'âge de 55 ans. Les effets sur la retraite et sur les rémunérations doivent être pris en compte. Autrement, ce sera une prime aux retraités, aux détachés ou à la nouvelle carrière des attachés parlementaires ou responsables de cabinet. Les maires des communes de plus de 10 000 habitants provenant du secteur privé ne sont déjà plus très nombreux. Ces questions doivent être traitées en termes de reconnaissance et de rémunération, directe et indirecte, mais aussi de formations qualifiantes, dans la durée, et de possibilités de sortie, sans quoi les personnes ne pourront prendre le risque de s'engager. Je constate depuis 2014 que certains jugent trop dangereux de s'engager, pas simplement du fait des risques pénaux, mais aussi pour la suite. De ce point de vue, une sécurisation des élus semble nécessaire.
Le point concerne également les adjoints et les vice-présidents des communautés : quand une communauté comporte des distances à parcourir de 50 à 70 km, et gère des budgets de plusieurs millions d'euros, les élus sont indemnisés entre 800 et 900 euros. Ils travaillent à temps partiel et effectuent des déplacements avec leur véhicule. De vrais problèmes se posent avec une telle organisation. Pour impliquer davantage les adjoints et les vice-présidents, il convient de leur donner des moyens. Nous nous interrogeons ainsi sur les véhicules de service pour les vice-présidents puisque nous ne pouvons pas les rembourser lorsqu'ils se trouvent sur leur propre territoire. Ce travail des vice-présidents et des adjoints doit être reconnu, puisque les situations ne sont plus du tout les mêmes qu'avant.
L'accession des femmes à de telles responsabilités pose la question de la garde des enfants, notamment pour les parents isolés, ainsi que celle des horaires de réunion.
Enfin nous nous interrogeons sur la question de l'harmonisation des statuts de communautés de communes et de communautés d'agglomération lorsque le nombre d'habitants est similaire. Ceci soulève également la question du statut des conseillers délégués dans les communautés de communes, puisqu'ils n'ont pas le même statut que dans les communautés d'agglomération.