Intervention de Alain CAZABONNE

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 février 2018 à 9h50
Projet de loi autorisant l'approbation du protocole annexe à la convention générale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en france aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en algérie — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain CAZABONNEAlain CAZABONNE, rapporteur :

Nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation du protocole annexe relatif au transfert en France de patients algériens dans le cadre de soins programmés.

En clair, il s'agit de fusionner les deux voies de transfert existantes, l'une légale, l'autre contractuelle, au sein d'un même dispositif, sécurisé sur le plan juridique comme financier.

En effet, ce nouveau protocole a d'ores et déjà permis d'obtenir le règlement d'une grande partie des dettes hospitalières algériennes, et assurera à l'avenir un paiement régulier de leurs dépenses de santé.

Il concernerait quelque huit cents patients algériens chaque année, un chiffre qui n'a pas vocation à augmenter dans les prochaines années.

Par ailleurs, cet accueil de patients étrangers est souhaité par nos hôpitaux dans une perspective de rayonnement international, et de valorisation de leurs équipes médicales.

Je vais maintenant vous présenter le contexte dans lequel cet accord a été conclu, ainsi que ses principaux points forts.

La France et l'Algérie sont liées par ce dispositif depuis plus de trente-six ans. Très peu utilisé depuis le début des années 2000 en raison, notamment, du caractère limitatif de son champ d'application personnel, ce dispositif a progressivement été abandonné au profit de relations contractuelles directes entre la caisse algérienne de sécurité sociale, la CNAS, et les établissements de santé français, en particulier parisiens, c'est-à-dire l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Mal encadrées sur les plans juridique et financier, ces relations contractuelles ont engendré de nombreuses complications et des contestations de la CNAS portant sur le montant de ses dettes. Face à ces difficultés, plusieurs hôpitaux ont cessé d'admettre les patients pris en charge par cette caisse. Seuls les hôpitaux parisiens ont continué de soigner des patients algériens dans ce cadre, mais l'AP-HP a déploré à son tour des problèmes de recouvrement de ses créances.

Au 31 août 2017, le montant des créances étrangères de l'AP-HP s'élevait à plus de 115 millions d'euros, soit peu ou prou l'équivalent du montant qu'elle facture chaque année à des patients résidant à l'étranger. Ce stock de créances, certes important, doit toutefois être mis en regard des 92 milliards d'euros de soins délivrés chaque année par les établissements publics et privés français ; la pérennité financière de notre système de santé n'est donc pas du tout menacée. Il n'en demeure pas moins que cette situation doit nous préoccuper, et que des mesures doivent être engagées pour recouvrer ces créances au plus vite, tout en évitant qu'elles n'augmentent davantage à l'avenir.

L'Algérie est le pays dont la dette hospitalière est la plus importante puisqu'elle représentait l'an dernier le quart des créances étrangères de l'AP-HP, soit un peu moins de 29 millions d'euros pour les seuls hôpitaux parisiens. Parmi les dix débiteurs les plus importants, nous retrouvons trois autres pays d'Afrique, un pays du Golfe, quatre États membres de l'Union européenne, et les États-Unis en troisième position. La question du recouvrement est donc loin de ne concerner que l'Algérie.

S'agissant de la dette algérienne, au 31 mars dernier, elle s'élevait au plan national à près de 39 millions d'euros. Il convient à cet égard de distinguer deux types de dettes qui obéissent à des logiques différentes.

Il y a tout d'abord la dette privée, c'est-à-dire celle contractée par les ressortissants algériens titulaires d'un visa touristique qui se rendent directement dans nos hôpitaux. Elle représente les trois quarts de la dette globale. Pour l'essentiel, les soins prodigués à ces particuliers ne peuvent pas être pris en charge par les assurances privées souscrites en vue de l'obtention de leur visa, puisque les pathologies faisant l'objet de ces soins sont souvent préexistantes à leur entrée sur notre territoire. Pour des raisons déontologiques, voire humanitaires, ces patients sont malgré tout soignés en France en dépit du risque d'impayés. Des mesures ont néanmoins été prises par les hôpitaux afin de recouvrer ces créances. À titre d'exemple, les établissements de santé exigent désormais de régler à l'avance l'intégralité du devis avant de dispenser des soins. Les hôpitaux signalent également les impayés aux ambassades françaises, qui conditionnent l'octroi de nouveaux visas au règlement des impayés. Ces mesures sont efficaces puisqu'elles ont permis de faire baisser le stock de créances de 17 % en l'espace d'un an, ce qui représente un montant de 6 millions d'euros environ.

La dette publique, ou « institutionnelle », correspond quant à elle aux dettes contractées par l'État vis-à-vis de nos hôpitaux par le biais de son ambassade ou de son système d'assurance maladie. La résorption de la dette publique algérienne était au coeur des négociations du présent protocole annexe. Sa signature a été rendue possible grâce à un accord trouvé avec la CNAS sur l'apurement de ses dettes qui ont, depuis, sensiblement diminué. Aujourd'hui, toutes les dettes antérieures à 2016 ont été réglées, ainsi que la majeure partie des dettes contractées cette année-là. Les remboursements sont désormais effectués dans un délai de trois mois, sur la base d'un décompte semestriel des créances, et la partie algérienne respecte cet engagement.

Le nouveau dispositif que nous examinons ce matin permettra d'éviter les écueils rencontrés par le passé. Quatre nouvelles dispositions méritent d'être soulignées.

Premièrement, son champ d'application a été élargi pour permettre aux ayants droit des bénéficiaires actuels, à savoir les salariés et les fonctionnaires, d'être soignés en France dans le cadre du nouveau dispositif, tout comme les démunis non assurés sociaux. Cela permettra à l'avenir d'orienter l'ensemble des bénéficiaires de soins programmés vers ce nouveau cadre réglementaire sécurisé, sans pour autant accroître leur nombre.

Deuxièmement, pour limiter le risque de contentieux, le nouveau protocole annexe instaure une procédure administrative claire pour la prise en charge du patient et, le cas échéant, pour la poursuite ou la modification des soins qui lui sont apportés. Le protocole prévoit ainsi l'établissement d'un devis et la proposition d'une date pour la réalisation des actes thérapeutiques, permettant alors à nos hôpitaux d'anticiper au mieux l'arrivée du patient. Je précise à cet égard que l'accueil de patients étrangers ne retarde en rien la prise en charge des patients résidant en France, étant donné que les patients étrangers sont accueillis suivant la disponibilité des places dans nos unités de soins.

Troisièmement, s'agissant des remboursements, le nouveau protocole met en place un dispositif simplifié et déjà éprouvé, destiné à sécuriser les créances françaises. À ce titre, il impose le versement annuel d'une avance fixée à 35 % du montant des créances soldées l'année précédente afin d'éviter que les dettes ne s'accumulent pour la partie algérienne. En cas de contestation sur la nature ou le montant des prestations, la CNAS pourra faire appel à une expertise médicale dont les conclusions s'imposeront aux deux parties.

Enfin quatrièmement, pour assurer la protection des données échangées, le nouveau protocole annexe prévoit la création de canaux d'information sécurisés, tant pour la facturation que l'échange de données médicales, et l'élaboration d'un arrangement technique qui sera soumis à la CNIL pour agrément.

Ainsi, le nouveau dispositif a vocation à se substituer aux deux voies de transfert existantes : la voie légale d'une part, c'est-à-dire le protocole en vigueur, et la voie contractuelle d'autre part. Il permet également d'aplanir une situation qui fut difficile pendant de nombreuses années que ni la France, ni l'Algérie, ne souhaitent voir se reproduire.

Ce nouveau cadre juridique permettra chaque année à quelques centaines de patients algériens, mille tout au plus, de bénéficier d'actes médicaux qui ne sont pas dispensés dans leur pays. Ce nombre devrait décroître à mesure que l'offre médicale algérienne se développe. En effet, cinq hôpitaux sont actuellement en cours de construction ; un consortium franco-autrichien, auquel participe notamment l'AP-HP, a d'ailleurs été retenu pour la construction d'un centre hospitalier universitaire de cinq cents lits à Constantine.

Pour les hôpitaux français, ce protocole représente près de 17 millions d'euros de créances annuelles, dont le recouvrement est désormais sécurisé. Il constitue également pour eux l'occasion de valoriser leur expertise et leurs savoir-faire. À l'heure où notre pays souhaite développer l'attractivité de ses établissements de santé et s'assurer une place de choix au sein du marché international de l'offre de soins - autrement appelé « tourisme médical » -, estimé aujourd'hui à plus de 60 milliards d'euros, les instruments juridiques, administratifs et financiers proposés dans ce nouveau dispositif sont les bienvenus.

En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, et compte tenu de l'importance que représente ce protocole pour la coopération franco-algérienne, mais aussi pour le rayonnement international de nos établissements de santé, je ne peux que préconiser l'adoption de ce projet de loi, approuvé à l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre dernier.

Son examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 15 février prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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