Je me réjouis que la commission de la culture et la commission des lois puissent travailler ensemble. C'est un très bon signe pour tous les professionnels du marché de l'art.
Je suis président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires. En 2000, nos professions ont été scindées en deux : les opérateurs de ventes volontaires et les commissaires-priseurs judiciaires. La distinction est assez simple. Si vous venez me voir parce que vous souhaitez vendre un tableau, c'est l'opérateur de ventes volontaires qui est concerné ; si vous agissez dans le cadre d'une mesure de protection comme la tutelle ou à la suite d'une décision de justice, c'est le commissaire-priseur judiciaire qui est compétent.
Je représente aujourd'hui 419 commissaires-priseurs judiciaires, qui, à 99 %, sont également opérateurs de ventes volontaires. Nos problématiques sont donc communes avec celles des opérateurs de ventes volontaires et celles des différents acteurs du marché de l'art. Néanmoins, je vais conserver ma casquette de président d'ordre et d'officier ministériel pour aborder plutôt les problématiques juridiques qui nous concernent.
Je m'interroge notamment sur la dichotomie qui prévaut sur certains sujets. Lorsque vous faites une vente, elle est volontaire ou judiciaire. Voilà trois ans, dans le cadre de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les commissaires-priseurs judiciaires ont été confortés dans l'exercice d'une compétence qu'ils détenaient déjà pour la vente des biens incorporels. Il s'agit d'un marché gigantesque. Souvenez-vous du décès, voilà quelques mois, d'un chanteur très célèbre : il ne vous a pas échappé que l'expertise et la vente de ses droits d'auteur constituaient un enjeu très important. Pourtant, cette compétence est aujourd'hui ouverte aux commissaires-priseurs judiciaires mais non aux opérateurs de ventes volontaires. Cette dichotomie ne me semble pas justifiée juridiquement.
A contrario, les commissaires-priseurs judiciaires ne sont pas autorisés à faire des ventes totalement dématérialisées, alors qu'une succession importante avec une multitude de biens redondants, pourrait particulièrement s'y prêter. Seuls les opérateurs de ventes volontaires disposent de cette faculté. Là non plus, je n'arrive pas à comprendre cette dichotomie.
Enfin, s'agissant de la protection du patrimoine dans le cadre des tutelles, aujourd'hui deux articles se combinent : l'article 253 du code de procédure civile et l'article 503 du code civil, qui prévoient un inventaire sous trois mois, mais sans rendre obligatoire l'intervention d'un opérateur de ventes volontaires ou d'un commissaire-priseur judiciaire. La personne en charge de la protection du majeur peut donc elle-même réaliser l'inventaire. Quelles que soient sa bonne foi et sa volonté de bien faire, celle-ci a-t-elle la capacité à évaluer une oeuvre d'art comme une faïence de Moustiers ? Aux termes de la loi, il n'y a pas de valorisation obligatoire de cet inventaire, sauf si un bien est estimé à une valeur supérieure à 1 500 euros. Une personne sans compétence artistique est donc chargée d'intervenir auprès d'une personne en situation de faiblesse, pour dire s'il y a lieu de réaliser un inventaire et si un bien a une valeur supérieure à 1 500 euros. Je pense qu'il faut rapidement corriger ce point.