Le thème de cette audition est l'attractivité et la compétitivité juridiques du marché de l'art français. Nous y avons été conviés car nous avons une influence sur ce marché, mais uniquement via la régulation des ventes aux enchères, qui ne sont elles-mêmes qu'une des modalités de circulation des oeuvres. Inversement, cette régulation des ventes porte sur d'autres domaines que l'art, en particulier les chevaux et les véhicules.
Sous l'impulsion du droit européen, dans un contexte général de mondialisation du marché de l'art et de baisse de l'activité et de l'attractivité du marché de l'art français, les ventes aux enchères publiques ont connu deux réformes de grande ampleur, avec les lois de 2000 et de 2011. L'objectif de ces deux réformes successives a été de conjuguer la sécurité juridique pour l'ensemble des consommateurs - acheteurs et vendeurs - avec l'amélioration de l'attractivité économique en dynamisant et en rendant plus attractif le marché des ventes volontaires aux enchères publiques.
La loi du 10 juillet 2000 a mis fin au monopole des commissaires-priseurs en établissant une distinction entre les ventes judiciaires - prescrites par la loi ou par une décision de justice - qui relèvent désormais exclusivement des officiers publics et ministériels que sont les commissaires-priseurs judiciaires, et les ventes volontaires, ouvertes à toute personne dûment qualifiée, commissaire-priseur judiciaire ou autre. Pour favoriser la concurrence et participer à ces ventes volontaires ont été créées des sociétés de ventes volontaires, qui étaient soumises à l'agrément et au contrôle disciplinaire du Conseil des ventes volontaires (CVV), ainsi qu'à certaines conditions d'accès et d'exercice prévues par la loi.
La loi du 20 juillet 2011 est allée plus loin : elle a procédé à un assouplissement de l'encadrement de l'activité, en prévoyant notamment la faculté pour les sociétés de ventes volontaires devenues des opérateurs de ventes volontaires d'exercer sous la forme juridique de leur choix et en substituant à l'agrément préalable par le CVV une simple déclaration auprès de celui-ci. Elle a étendu le champ des activités des opérateurs, tant dans le domaine des ventes, désormais ouvertes, que dans tout autre domaine complémentaire : stockage, transport, édition... Elle a enfin diversifié les modes d'intervention, avec la faculté de recourir aux ventes de gré à gré.
La succession de ces deux réformes d'envergure montre que, depuis une quinzaine d'années, le législateur a donné aux professionnels tous les outils juridiques pour défendre leur position sur un marché de l'art de plus en plus mondialisé et concurrentiel.
D'autres assouplissements ont été effectués : libéralisation des frais de vente volontaire, qu'ils soient à la charge de l'acheteur ou du vendeur, autorisation de la technique du prix garanti, autorisation de consentir au vendeur une avance sur le prix d'acquisition du bien, autorisation sous conditions de la vente de gré à gré de biens déclarés non adjugés, responsabilisation poussée des commissaires-priseurs judiciaires et des experts, et réduction de la durée de prescription des demandes, qui est passée de 30 ans à 10 ans.
La place de Paris, après une phase de déclin, semble reprendre des couleurs sous l'effet de divers éléments qui ont été mis en relief par le rapport d'information de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, dit rapport Herbillon, de novembre 2016. D'autres indicateurs montrent que le marché reste concentré entre quelques grandes maisons qui, à elles seules, ont une activité supérieure à celle des quelque 400 autres maisons de ventes françaises - ce qui traduit une concentration sans doute insuffisante des opérateurs, sans parler des galeristes. Les conclusions du rapport Herbillon sont claires : la déstructuration de l'offre par éclatement entre de très nombreux opérateurs et l'internationalisation de la demande, avec le déplacement des fortunes vers la Chine et les pays anglo-saxons, ainsi que les règles de fiscalité, sont les principaux facteurs explicatifs du recul de la position de la France.
Nous restons cependant attentifs aux éventuels freins juridiques qui pourraient subsister dans la réglementation actuelle, même si jusqu'à présent nous n'avons pas été sensibilisés à l'existence de telles difficultés. Nous avons des échanges réguliers et constructifs avec le CVV ainsi qu'avec certains syndicats, comme le Symev. Ce syndicat nous a transmis des propositions. La réglementation des ventes volontaires ne semble pas être considérée par les professionnels comme un frein au développement du marché de l'art, bien au contraire. Ceux-ci y voient en effet un gage de qualité des prestations des opérateurs de ventes volontaires qui offrent, grâce à cet encadrement, une formation, une déontologie, une discipline, des assurances professionnelles, des garanties financières de représentation des fonds, ce qui constitue un avantage compétitif qui doit être mis en avant au niveau international. Les professionnels n'ont pas non plus fait part de difficultés ou de souhaits particulier sur les modes d'exercice auxquels ils pourraient recourir. Certains souhaitent l'extension du champ d'application des ventes volontaires aux biens incorporels. Cette piste nécessite une expertise complémentaire par la chancellerie.
Les principales critiques que les professionnels ont formulées avaient trait au fonctionnement du CVV, sans que son existence soit contestée. L'idée était plutôt de réclamer une modification de sa composition, de manière à en faire une autorité d'autorégulation qui serait composée uniquement de professionnels ; la présence d'un commissaire du Gouvernement resterait bienvenue afin d'éviter l'impression d'entre-soi. Des réflexions sont en cours sur cette question ancienne.
Certaines critiques portaient aussi sur le montant des cotisations affectées au CVV mais, celui-ci étant conscient de ce que la bonne santé de certaines maisons avait contribué à ce que les cotisations qui étaient assises sur leur activité génèrent des fonds propres et des réserves importants, nous avons pris un arrêté qui a réduit pour les trois années à venir le taux de ces cotisations, ce qui va conduire à solliciter les réserves du CVV.