Intervention de Agnès Buzyn

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 mars 2018 à 16h45
Situation dans les ehpad — Audition de Mme Agnès Buzyn ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Vous avez souhaité m'entendre après la présentation du rapport de M. Bernard Bonne. Je souhaite tout d'abord vous faire part de ma vision du sujet, en particulier de la tarification, qui est une préoccupation permanente depuis mon arrivée au ministère.

La réforme de la tarification a été votée dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement en 2015, ses décrets d'application ont été publiés en décembre 2016, elle a donc été mise en oeuvre début 2017, avec l'objectif d'améliorer les conditions de gestion des établissements.

Elle contient plusieurs volets, tels que la tarification « à la recette » dans un cadre pluriannuel en fonction des besoins plutôt que des discussions annuelles ; la signature, par les établissements, de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens ainsi qu'une progression sensible des tarifs des soins en fonction d'une estimation des besoins par établissement, pour laquelle le Gouvernement avait dégagé environ 100 millions d'euros par an depuis 2014. Enfin, et c'est sur ce point que le bât blesse, il était prévu de faire converger les tarifs « dépendance » autour d'une moyenne départementale.

Cette mesure n'avait pas fait l'objet d'une étude d'impact préalable et les conditions effectives de sa mise en oeuvre ont permis d'en mesurer les conséquences réelles. Si nous avons pu disposer rapidement d'une première estimation macroéconomique, ses effets sur les établissements eux-mêmes avaient été mal appréhendés.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai indiqué que j'étais prête à engager des enveloppes financières pour accompagner la réforme, mais je souhaitais mieux comprendre ses répercussions au cas par cas. J'ai ainsi nommé un médiateur, Pierre Ricordeau, inspecteur général des affaires sociales, qui a déjà rencontré les acteurs nationaux et a prévu une série de déplacements en régions jusqu'à la fin mars.

Les premiers retours indiquent que les impacts sont plus importants lorsqu'on les analyse au niveau des établissements que lorsqu'on les étudie par grandes masses ou par catégories. Même si très peu d'établissements perdent des recettes à la fois au titre des soins et de la dépendance, le nombre de ceux qui en perdent au seul titre de la dépendance est significatif, autour de 20 à 25 %, avec des niveaux de perte variables.

Les améliorations obtenues au titre de la convergence sur les soins sont parfois inférieures aux pertes liées à la convergence sur la dépendance. Ces différences sont dues à un dispositif de convergence « dépendance » vers une moyenne départementale, laquelle varie beaucoup entre départements. Une telle situation n'a pas pu être anticipée et préparée en amont.

Le secteur fondait beaucoup d'espoir sur la convergence « soins », mais ne s'attendait pas à ce que ses effets soient pour partie entamés par ceux de la convergence « dépendance ». Je peux donc comprendre les réactions, par exemple, de la Fédération hospitalière française (FHF).

J'ai pour objectif d'améliorer les conditions de prise en charge. Au vu des constats faits par le médiateur, nous devons nous donner le temps de mesurer la situation établissement par établissement pour définir un mécanisme qui ne remette pas en cause les fondements - que je crois toujours vertueux - de cette réforme, mais en neutralise les effets négatifs, par exemple en compensant sur un ou deux ans les pertes des Ehpad en difficulté. Le médiateur a commencé à y travailler. Monsieur Bonne, vous proposez un mécanisme différent, mais avec le même objectif. Nous devons en parler avec les départements, qui partagent notre constat.

Les retours du terrain, comme votre rapport, indiquent qu'il nous faut travailler à nouveau sur certains sujets, qu'ils soient directement liés à la réforme, comme l'hétérogénéité de la valeur du point départemental que vous évoquez, ou qu'ils en soient plus éloignés, comme l'organisation des soins ou le rôle du médecin coordonnateur.

Vous connaissez mon attachement à la prévention, il nous faut mieux la prendre en compte, y compris dans notre système tarifaire. On parle également beaucoup de l'habilitation à l'aide sociale, qui concerne à la fois l'accessibilité des Ehpad et leur équilibre économique. Enfin, d'autres questions sont essentielles, comme la qualité de vie au travail et la bientraitance.

La situation des Ehpad ne saurait être envisagée sous le seul angle tarifaire, mais elle doit s'inscrire dans la question plus vaste de la politique envers les personnes âgées. Nous devons ainsi réfléchir à l'Ehpad de demain. Dans cette optique, je présenterai fin mars une stratégie globale d'accompagnement de la longévité. J'ai commencé à rencontrer les parties concernées.

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