Intervention de Agnès Buzyn

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 mars 2018 à 16h45
Situation dans les ehpad — Audition de Mme Agnès Buzyn ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ministre :

Monsieur Henno, vous avez souligné que la réforme était plutôt favorable au privé, mais qu'il ne fallait pas abandonner une philosophie adaptée. La mise en oeuvre est difficile. Je suis favorable à ce que les départements puissent moduler les tarifs. Actuellement, cela pose un problème juridique, mais nous explorons cette voie. Les départements souffrent d'avoir la charge d'une aide sociale excédant largement l'APA - ils ont aussi à gérer les mineurs non accompagnés, le revenu de solidarité active... Nul ne leur jette la pierre. Nous connaissons cette tension : comment mieux accompagner tous ceux qui en ont besoin ? Il faudrait instaurer une péréquation pour les dotations de solidarité - ce sujet sera abordé dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.

Monsieur Savary, la piste des viagers est intéressante mais elle ne règlera pas toutes les difficultés. Allons-nous vers une réforme systémique ou paramétrique de la dépendance ? Je suis incapable de vous le dire. Nous ouvrons à peine ce chantier, que nous osons enfin affronter. Il est temps ! En 2050, plus de 5 millions de personnes auront plus de 85 ans. Autant s'y préparer trente ans à l'avance...

La réforme systémique coûterait 7 milliards d'euros, avec 2 milliards euros d'APA. Cela rejoint la question de l'assurance privée ou du recours sur succession.

Monsieur Cardoux, à ma connaissance il n'y a pas de réforme ni de proposition d'une voie assurancielle. Cela relèvera du prochain débat public. Si nous voulons aller vers plus d'assurance privée - ce n'est pas actuellement le cas - il faudrait que celle-ci soit souscrite très tôt et quasiment obligatoire pour être efficace. On ne sait pas quel sera le prix de la prise en charge trente ou quarante ans après...

Monsieur Amiel, j'espère que la mission du médiateur n'apportera pas de simples rustines. Cette réforme tarifaire a été mûrement débattue et réfléchie pendant trois ans avec les parties prenantes et les départements. Il me semblait difficile, dès mon arrivée, de jeter aux orties cette réforme, à peine mise en oeuvre, et qui semblait faire consensus. Certes, le diable est dans les détails : la mise en oeuvre est chaotique, prouvant la difficulté d'une telle réforme. Le modèle évoluera grâce aux propositions du HCAAM et du HCFEA. Je ne suis pas sûre que le modèle actuel des Ehpad durera ad vitam aeternam. Il faut d'une part éviter qu'il y ait des perdants, d'autre part rétablir les équilibres. Ce sont peut-être des rustines, mais elles serviront comme telles, en attendant de trouver une solution, qui sera complexe ; nous avons besoin de plusieurs mois de concertation pour avancer vers un modèle différent.

Le désarroi quotidien du personnel est en partie liée au fait que les personnes accueillies meurent en moyenne dans les deux ans. C'est très anxiogène et déprimant. Nous devons former le personnel et organiser la fin de vie en Ehpad. La loi Claeys-Leonetti répond aux besoins. Désormais, des équipes mobiles de soins palliatifs - en nombre insuffisant - interviennent en Ehpad et remplacent les unités de soins palliatifs. La loi prévoit que les médecins généralistes peuvent provoquer la sédation profonde et prolongée en Ehpad. La Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie pour proposer des recommandations de bonnes pratiques et aider les généralistes à appliquer cette réforme, notamment dans la médecine de ville, à domicile ou en Ehpad. Il faut les accompagner. Comme vous, je ne pense pas qu'une loi supplémentaire résoudra la situation.

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