Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 8 mars 2018 à 15h00
Simplification du code de commerce — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans une économie mondialisée et concurrentielle, l’adaptation constante du droit des sociétés est un impératif, afin de doter nos entreprises des moyens juridiques de développer leurs activités et de garantir un environnement économique de confiance. C’est l’enseignement à tirer des travaux de l’économiste britannique Douglass North, récompensé par un prix Nobel pour ses recherches sur les institutions.

En France, la matrice du droit des sociétés est définie par la loi du 24 juillet 1966, qui a bien été amenée à évoluer pour s’adapter aux mutations de l’économie. Plusieurs innovations ont ainsi utilement accompagné nos entreprises : je pense en particulier au succès de l’ouverture du statut de société anonyme simplifiée – les SAS – à l’ensemble des entreprises par la loi du 12 juillet 1999.

Lors du précédent quinquennat, de nombreuses dispositions ont été introduites dans la loi pour simplifier la vie de l’entreprise et relancer la croissance et l’activité. Nous les avons soutenues à chaque fois. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit directement dans l’esprit de ces précédents textes, puisqu’elle agrège le reste des mesures identifiées par notre collègue Thani Mohamed Soilihi lorsqu’il en était rapporteur qui n’y avaient pas été intégrées.

Si nous sommes favorables à la plupart des dispositions de cette proposition de loi, nous sommes en revanche plus réservés sur le choix du véhicule législatif, alors que le Gouvernement a annoncé vouloir soumettre au Parlement un projet de loi intitulé « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » – PACTE – au cours du printemps prochain. La contrainte temporelle qui enserre l’examen des propositions de loi raccourcit considérablement les débats, lorsqu’on respecte l’initiative parlementaire, comme cela a toujours été le cas pour le groupe du RDSE. Notre volonté de ne pas faire obstacle au travail de notre collègue nous a donc conduits à retirer un certain nombre d’amendements.

Nous considérons néanmoins que les circonstances de cet examen ne sont pas optimales.

Comme je l’évoquais, plusieurs dispositions prévues à l’origine ont été introduites dans d’autres lois, soit avant l’examen du texte en commission – intervenu, déjà, deux ans après son dépôt –, soit plus tard, en raison de l’adoption de la loi Sapin II.

Nous examinons cette proposition de loi, cela a été dit, près de quatre ans après son dépôt !

Ce calendrier particulièrement étendu dans le temps a contraint le rapporteur à déposer de nombreux amendements de coordination en séance. Leur examen réduira un peu plus nos débats sur le fond des dispositions proposées, par ailleurs très techniques.

Nos réserves portent également sur la terminologie de la « simplification », qui devient l’alpha et l’oméga de l’initiative législative.

Cette terminologie masque parfois le caractère « fourre-tout » de textes, dont on ne sait plus définir le sens ni la colonne vertébrale. Ainsi, cette proposition de loi aurait gagné en clarté en se limitant à l’adaptation du droit des sociétés anonymes au nouveau contexte économique, puisque ce sujet en est le cœur.

De nombreuses ordonnances ont été prises en parallèle, comme les ordonnances ayant trait à la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés ou encore à la simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence. Leur ratification, telle que proposée, aurait pour conséquence de rendre obsolètes d’autres dispositions, comme le rapporteur en a également pris acte.

Depuis plusieurs années, le législateur veille à préserver la sécurité juridique des acteurs économiques et à garantir une relative stabilité du droit. Nous estimons que la multiplication de véhicules législatifs de simplification n’est pas de nature à permettre une bonne lisibilité des réformes, et s’éloigne de cet objectif de sécurité.

Sur le fond, parmi la quarantaine d’articles restant d’actualité, plusieurs dispositions auraient mérité des discussions approfondies, afin de juger de leur impact. Je n’en citerai qu’une : la modification des règles de vote au sein des assemblées générales.

Sur ce point, si une évolution de la prise en compte des abstentions par les actionnaires semble a priori pertinente, celles-ci étant actuellement comptabilisées comme des votes négatifs, certains membres de mon groupe auraient souhaité que cette mesure s’accompagne d’une modification importante des règles de quorum des assemblées générales, afin de permettre aux actionnaires de s’adapter progressivement à la nouvelle donne.

D’une façon générale, nous restons dans l’attente de débats approfondis sur les liens entre sociétés anonymes et économie réelle.

Une récente étude publiée par Le Parisien et l’Institut de l’entreprise souligne les écarts de confiance des Français envers les entreprises, selon leur taille : 90 % d’opinions favorables pour les PME contre 44 % pour les grandes entreprises. Ces chiffres appellent à la réflexion !

Les grandes sociétés anonymes pâtissent encore trop souvent de la perception dégradante de nos concitoyens, qui les associent à un « capitalisme d’héritiers », quand les petites structures sont valorisées du fait d’une volonté de faire émerger un « Mittelstand à la française » – ce terme est employé pour désigner le réseau des entreprises allemandes de taille moyenne et intermédiaire.

En période de tarissement des capacités de financement, la popularisation du régime de la société anonyme devrait être davantage encouragée, y compris auprès des entreprises plus petites.

Enfin, en cette journée du 8 mars, gageons que nos prochaines discussions nous permettront aussi de dresser le bilan d’application de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite « Copé-Zimmermann ».

Cette loi oblige les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire à compter au moins 40 % de femmes dans leur conseil d’administration, ce qui n’est pas encore le cas.

Malgré ces quelques réserves, le groupe du RDSE portera sur ce texte un regard très bienveillant.

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