J'approuve vos interventions. J'appartiens à la Fédération féminine d'organisation et de revalorisation culturelle, économique et sociale (Forces) présidée par Christiane Gaspard-Méride, et à l'Observatoire féminin de Guadeloupe. Il y a un très fort taux de violences familiales, avec des conséquences évidentes pour les femmes, dans mon département. Il y a quinze jours, notre collègue Catherine Conconne a mentionné, lors des questions d'actualité au Sénat, un meurtre qui s'est déroulé en Martinique. C'est un problème récurrent, lié à la situation économique et sociale, et qui a des conséquences importantes sur les enfants : les enfants risquent de reproduire ces comportements une fois adultes ; c'est très grave.
De nombreuses associations tentent d'accompagner les femmes, avec la Délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité de la Guadeloupe (DRDFE). Une Maison des femmes a été créée dans une ville - mais elle n'est pas aussi développée qu'en Seine-Saint-Denis, si j'en juge par l'audition de sa fondatrice, le Docteur Ghada Hatem, par la délégation aux droits des femmes, le 14 décembre 20174(*). De nombreuses initiatives émanent des bénévoles et parfois, des contrats aidés, mais les moyens manquent.
Interrogeons-nous aussi sur la transmission et l'éducation des garçons. Nous avons des partenariats avec l'éducation nationale et les fédérations de parents d'élèves pour sensibiliser chacun à l'égalité femmes-hommes. Un référent de l'éducation nationale intervient sur ce sujet sur le territoire du rectorat.
Certaines initiatives ne portent pas encore tous leurs fruits car les personnes qui sont les plus touchées ne viennent pas forcément. Je prends un exemple : depuis deux ans, l'association Forces a mis en place des groupes de parole pour répondre à la demande des femmes. En créole, on dit « façader » : se parler face à face. Il faut aussi interroger notre façon d'éduquer les garçons. Auparavant, l'éducation était focalisée sur le matriarcat : ce sont les femmes qui transmettaient les valeurs, mais qui prodiguaient également une éducation différenciée entre filles et garçons. Les hommes n'étaient pas là pour transmettre certaines valeurs. Tout reposait sur les femmes. Elles autorisaient davantage de choses aux garçons, tandis que les filles restaient dans l'ignorance. Désormais, les choses ont évolué et dans ces « façades », ces groupes de parole, on réalise que les hommes sont frustrés car les femmes ont pris une certaine indépendance. Auparavant, lors d'une situation critique, la famille voulait apaiser la situation, éviter que d'autres personnes soient informées, et la femme obéissait. Il y a quelques années, aux urgences, une femme des Abymes déclarait ainsi, un couteau dans le ventre, aux côtés de son conjoint, qu'elle était « tombée dessus ». Comment peut-on tomber sur un couteau ? Elle est décédée sans avoir dénoncé son mari. Désormais, la famille est souvent moins soudée.
Le paradoxe est que malgré ces violences, les femmes sont très fortes dans les Antilles. On peut dire que, dans une certaine mesure, elles ont pris le pouvoir, comme le suggère l'exemple de Gerty Archimède, députée, avocate et conseillère générale, et de Lucette Michaux-Chevry, qui est devenue ministre. Beaucoup ont été maires ou conseillères générales avant même l'adoption de lois sur la parité.
Des femmes meurent sous les coups de leur compagnon, pour n'avoir rien dit. Il faut former les personnels des urgences pour accueillir la parole de ces victimes. De nombreuses femmes portent plainte puis la retirent, sous la pression de leur environnement. Certaines acceptent la violence de leur compagnon car elles sont dépendantes, affectivement ou financièrement. Toutes les violences ne sont donc pas forcément répertoriées. Les violences faites aux femmes posent aussi un problème d'absentéisme au travail, et créent des déséquilibres dans l'entreprise. Elles ont donc des conséquences économiques très négatives.
Les enfants sont également touchés : tout le monde se connaît dans l'archipel, les femmes ne peuvent fuir loin, et il faut scolariser les enfants. Cela les empêche de quitter leur compagnon violent. Le rapport du CESE doit nous faire réagir. Cette violence familiale se retrouve dans l'école, dans la rue ou même au carnaval ! Il n'y a pas suffisamment de dialogue au sein des familles, ce qui provoque des frustrations, engendrant de la violence et celle-ci se propage.