Intervention de Dorothée Schmid

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 février 2018 à 9h35
Audition conjointe sur les évolutions politiques et diplomatiques de la turquie

Dorothée Schmid, chercheur, responsable du programme Turquie contemporaine et Moyen-Orient de l'Institut français des relations internationales (IFRI) :

Vous avez dressé une description très juste de la communauté turque, à la fois très dynamique économiquement, structurée et endogame. C'était une communauté très clivée politiquement jusqu'à ce que l'AKP la reprenne en main.

Je pense que l'AKP possède deux instruments majeurs pour agir sur la diaspora turque. Le premier est constitué par la Direction des affaires religieuses (Diyanet). Le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM) est turc, et c'est évidemment un canal d'influence qui sera utilisé par la Turquie à l'avenir, mais la Turquie a une faible capacité à fédérer l'islam de France, la majorité des musulmans de ce pays n'étant pas turcs.

Le deuxième instrument réside dans la Direction de la diaspora créée en Turquie il y a quelques années. Elle témoigne de la volonté de faire des communautés turques installées à l'extérieur un véritable instrument d'action extérieure.

Comme l'a dit Élise Massicard, ceci se traduit par un certain nombre de prises de positions ou d'actions concrètes pour entrer dans le paysage politique, au-delà des questions concernant les Turcs et la diaspora, qui a la réputation de ne s'occuper que de questions turques et éventuellement de se mobiliser à propos du génocide arménien, mais peu sur d'autres questions.

La volonté de l'AKP de reprendre en main la diaspora s'est énormément affirmée après la tentative de coup d'État et la répression anti-Gülen. La chasse aux gülenistes a battu son plein dans toute l'Europe. On ne s'en est pas tellement rendu compte en France, où le mouvement Gülen était moins implanté que dans d'autres pays de l'Union européenne, mais cela a été un point très important de clivage et de tensions au sein des diasporas originaires de Turquie, qui comptent aussi beaucoup de Kurdes, ne l'oubliez pas.

Ce sont des points de tension qu'il faudra surveiller à l'avenir. Des menaces très fortes ont été récemment proférées à l'encontre d'une jeune Alévie qui avait exposé son militantisme. Élise Massicard, qui est la grande spécialiste des Alévis, me corrigera : les Alévis commencent à se structurer politiquement, même dans la diaspora française, ce qui n'était pas tellement le cas jusqu'à présent, contrairement à l'Allemagne.

Les clivages identitaires ressurgissent donc de façon différente de ce qu'on a connu dans le passé.

Quant à l'économie turque, elle offre en effet un grand paradoxe, puisqu'elle affiche de bons chiffres, mais inexplicables suivant les fondamentaux économiques.

Vous dites que l'on sait comment fonctionnent les banques turques : je serai ravie que vous me l'expliquiez, car je vous assure que les banquiers ne vont pas tellement voir ce qui se passe dans les bilans des banques turques !

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