Intervention de Pierre-Édouard Colliex

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 8 mars 2018 à 16h15
Audition de Mm. Pierre-édouard Colliex médiateur interne de la police nationale et philippe buchin adjoint au médiateur interne

Pierre-Édouard Colliex, médiateur interne de la police nationale :

Je vais essayer, en précisant l'organisation de ce dispositif de médiation, de vous expliquer la nature de notre compétence et les limites de la vision que nous avons du malaise policier.

Les fonctions de médiateur interne de la police nationale ont été créées en 2013. Son rôle a été conforté récemment par un arrêté plus contraignant, fin 2017, qui précise que le médiateur interne connaît des litiges entre les agents de la police nationale et l'administration, et qu'il peut être également saisi de sujets d'intérêt général. Cet arrêté garanti également l'indépendance du médiateur interne et l'impartialité de ses avis.

Le médiateur interne de la police nationale rend également des recommandations de manière annuelle, notamment dans le cadre d'un rapport de fin d'année, qui est rendu public.

Le médiateur interne répond à une volonté de la police nationale de créer un dispositif interne pouvant constituer une alternative aux contentieux juridictionnels au profit des personnels de la police en conflit avec leur hiérarchie ou avec l'administration.

Depuis cinq ans, on compte environ 2 300 saisines, soit 400 à 500 saisines par an émanant de fonctionnaires de tous les corps - adjoints de sécurité, commissaires de police, personnels administratifs. L'ensemble des agents de la police nationale, quel que soit leur corps d'appartenance, peut saisir cette instance.

Au-delà de chaque saisine individuelle, les questions posées par les agents portent sur les ressources humaines - management, situations conflictuelles, souvent à dominante juridique et professionnelle.

L'instruction de ces dossiers donne une vision assez détaillée des griefs des policiers à l'endroit de leur administration, et dresse l'état des relations entre les agents de la police nationale, l'administration et la hiérarchie. Elle ne recense pas les griefs que les agents peuvent avoir vis-à-vis du public, de la justice ou d'autres instances, mais traite des relations internes à la police nationale.

Le but était de donner l'occasion à l'administration de mieux expliquer ses décisions, de les réexaminer, de corriger ses erreurs, d'harmoniser les pratiques de gestion et de prendre en compte des éléments d'opportunité et d'équité dans la résolution d'un conflit.

Il s'agissait également de permettre de stopper une dynamique conflictuelle qui se nourrit d'une absence de réponse de l'administration, qui crée souvent chez le fonctionnaire une situation de fragilité professionnelle et sociale néfaste.

Quels sont les sujets principaux qui motivent la saisine du médiateur interne ? 28 % sont liés à la mutation, 15 % à l'avancement, le reste ayant trait à des questions indemnitaires. Les autres questions concernent la notation ou des motifs d'ordre disciplinaire.

Nous rendons environ 55 % d'avis favorables à l'agent.

Sur les trois dernières années, dans environ 46 % des cas, l'administration a été favorable à la proposition du médiateur interne de la police nationale. Elle a rejeté 35 % de ses propositions. 17 % des dossiers sont encore en cours de traitement au sujet de questions de mutation ou d'avancement qui ne justifient pas une réponse immédiate de l'administration, celle-ci pouvant être apportée plus tard.

L'équipe restreinte du médiateur interne de la police nationale est composée, en ETP, outre votre serviteur, d'un magistrat de la juridiction administrative, M. Buchin, et de quatre collaborateurs.

De façon originale, ce dispositif est constitué d'un binôme composé d'un policier, qui connaît la maison de l'intérieur, et d'un juriste, gage d'indépendance.

Nous disposons par ailleurs d'une équipe de douze à treize délégués du médiateur interne de la police nationale, tous réservistes, généralement retraités du grade de commissaire divisionnaire, contrôleur général, commandant de police ou anciens administratifs. C'est une équipe assez diversifiée de personnes payées à la vacation, par territoire, réparties nationalement dans l'ensemble des secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP) du ministère de l'intérieur.

Il en existe sur tout le territoire, ce qui permet une certaine proximité avec les échelons hiérarchiques décisionnels et les fonctionnaires lorsqu'on a besoin de les recevoir. Nous exigeons un contact direct personnalisé avec chaque fonctionnaire qui nous saisit, ainsi qu'avec l'ensemble du réseau du Service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) pour les gens qui semblent en avoir besoin.

Des garanties de confidentialité existent pour les fonctionnaires qui nous saisissent. Nous n'avons pas de compte à rendre à l'administration à ce sujet. Le fonctionnaire nous saisit directement, par mail. Il n'est pas tenu de passer par l'échelon hiérarchique - même si nous sommes parfois saisis par le biais d'un rapport que le fonctionnaire a transmis à la hiérarchie, et qui nous arrive quelques semaines après.

L'intérêt la médiation réside dans le fait de pouvoir gérer chaque cas individuel et, au-delà, d'en tirer des enseignements sur l'état des forces de police afin d'améliorer les ressources humaines.

C'est ce point de vue qui inspire la façon de travailler de l'équipe. L'administration est très attachée au respect de l'éthique des fonctionnaires de police, et chaque citoyen est naturellement exigeant à cet égard en raison des pouvoirs qui leur sont confiés.

Il nous paraît normal que l'administration soit elle-même exemplaire dans la manière de gérer les policiers. Or on constate que ce n'est pas toujours le cas.

C'est à cela que l'équipe de médiation essaye de trouver une solution, non seulement en droit, mais également en termes d'équité par rapport aux conflits qui surgissent.

Il nous paraît important de prévenir les conflits qui surgissent entre les policiers et leur administration, notamment en renforçant la transparence en matière d'équité des décisions administratives.

On l'a dit, la mutation et l'avancement constituent les principaux sujets dans la carrière du policier. Ce qui l'intéresse, c'est de savoir où et quand il va être muté, et de connaître l'avancement dont il va bénéficier.

À ce sujet, il existe encore un certain nombre de frustrations chez les policiers.

La première réside dans la nécessité de poursuivre l'effort qui vise à supprimer les interventions dans les mutations et les avancements. Des avancées importantes ont été accomplies dans ce domaine.

Je traite 400 dossiers par an. Je me rends souvent compte qu'une intervention a dû avoir lieu, mais il m'est difficile d'identifier si elle provient de telle organisation syndicale, ou de tel responsable administratif ou politique.

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