En effet, les coûts associés au respect de ces normes sont considérables.
La question des barrages hydroélectrique est délicate à traiter, et ce depuis plusieurs années. D'autres représentants de l'Autorité seront entendus sur ce sujet dans les prochains jours. Le modèle français a présenté beaucoup d'efficience dans la régulation des marchés, et les choix ne sont pas totalement arrêtés sur l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques. Quels bénéfices peut-on en retirer ? Chaque marché doit être envisagé séparément, et les décisions sont autant politiques qu'économiques. Nombre de marchés ont été ouverts en France à la suite de décisions prises au niveau européen, avec un bilan contrasté en termes d'efficacité.
Pour les télécommunications, l'ouverture a été réalisée en France sous l'instigation européenne. Après avoir examiné durant plusieurs années la situation d'autres pays non soumis à cette concurrence, on a constaté que la qualité des prestations versées au consommateur était meilleure. Dans le même temps, les prix sont restés extrêmement bas eu égard aux nouveaux services qui se sont développés. En France, un abonnement internet ou triple play est facturé 20 à 40 euros par mois, pour une centaine d'euros aux États-Unis, et pour des services moins bons. Le marché américain des télécommunications est moins concurrentiel que le nôtre sur certains aspects. L'accès progressif d'autres opérateurs tels que Free sur le marché a donc eu des effets bénéfiques en termes d'innovation et de coût.
La situation est plus compliquée sur les marchés de l'énergie. Il faut raisonner marché par marché, sans calquer un modèle unique. Pour le ferroviaire, sujet brulant aujourd'hui, la France est en décalage par rapport à d'autres pays européens. L'objectif final est celui de l'amélioration du service au client, en prenant en compte les nécessités d'investissement dans les infrastructures.
La proposition de directive relative au réseau européen de concurrence vise à renforcer tous les moyens des autorités de concurrence en Europe. Le modèle législatif français est bien complet, mais ce n'est pas le cas de tous les États membres, qui ne peuvent pas toujours infliger des sanctions administratives et disposent parfois d'une faible autonomie. Ce projet, en phase finale d'élaboration par la Commission et le Parlement européen, tend vers une harmonisation totale des règles, avec la même palette d'outils pour tous les pays européens. Les entreprises déployées à l'étranger et victimes de pratiques déloyales pourront faire appel à des autorités de concurrence efficaces pour rétablir la concurrence.
Peut-on parler de doublon entre la DGCCRF et l'Autorité de la concurrence ? Je salue les choix opérés en 2008 et 2009, notamment la création et la refondation de l'Autorité, qui était dotée à l'origine de toute une série de pouvoirs pour remplir sa mission spécifique, essentiellement liée à la concurrence. Dans le même temps, des mécanismes de coopération très poussée avec la DGCCRF ont été mis en place contrairement à d'autres pays, avec un vif succès. Nombre de signalements proviennent d'ailleurs de la DGCCRF qui agit par le biais de ses services déconcentrés. Le cartel des revêtements de sols, par exemple, a été détecté par une entreprise ayant contacté la direction générale de la concurrence, qui a ensuite transmis le dossier à l'Autorité de la concurrence, laquelle a mené ses propres investigations pour démêler cet écheveau. Sans DGCCRF, les infractions commises en province, souvent les plus pénalisantes pour les PME, ne seraient pas repérées. C'est pourquoi nous entretenons des relations très nourries avec elle. Le modèle fonctionne très bien, mais les coopérations pourraient être encore renforcées et les dossiers mieux répartis entre la DGCCRF et l'Autorité de la concurrence.
Sur les tarifs des péages des autoroutes, l'Autorité avait rédigé un rapport voilà quelques années. Nous avions proposé de compléter la loi relative à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Celle-ci est désormais dotée des moyens de contrôler les sociétés d'autoroutes et a remis des rapports nourris et vigoureux sur ce sujet. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, mais nos outils d'identification, d'analyse et de suivi des comptes des sociétés visées sont plus efficaces.
Les relations entre les hôteliers et les plateformes telles que Airbnb relèvent des choix du Gouvernement, mais une prestation hôtelière diffère de la location de son logement. Ce sont deux activités bien distinctes soumises à une législation différente. Faut-il revoir les dispositions sociales et fiscales pour rétablir l'équité ? Comme pour le commerce physique et le commerce en ligne, nous devons faire attention aux distorsions de concurrence lorsque nous ne parvenons plus à distinguer les différents marchés. Mais l'inverse est vrai également : nous avons eu la tentation d'appliquer des règles à de nouveaux entrants, alors que ce n'était pas pertinent.
Faudrait-il que l'Autorité se saisisse de cette question ? Le thème de l'économie collaborative pourrait faire l'objet d'une étude pour l'un de nos prochains avis, comme ce fut le cas lorsque nous avions formulé des recommandations au Gouvernement pour les VTC. Nous devons être vigilants sur ces sujets que nous voyons surtout à travers le prisme de la concurrence et d'éventuelles discriminations injustifiées, même si d'autres préoccupations, notamment sociales ou fiscales, peuvent entrer en ligne de compte.
Sur le médicament et la biologie médicale, je ne peux pas vous faire part des résultats de notre avis, mais les premiers éléments se dégageront à l'été prochain, et nous devrions avoir terminé à la fin de l'année 2018. À côté de sujets traditionnels comme la distribution des médicaments, nous examinons certains sujets pour la première fois comme la structure du capital des laboratoires de biologie médicale ou la formation des prix du médicament, qui est une question extrêmement complexe. Nous sommes prêts à entendre tous les acteurs du marché, y compris les distributeurs-répartiteurs ; nous recevons d'ailleurs beaucoup de demandes en ce sens, parmi lesquelles des contributions écrites assez nourries. Quant au monopole officinal, c'est un sujet très délicat lié à des enjeux de service public sur le territoire.
S'agissant de la publicité en ligne, l'un des intérêts des avis sectoriels est de pouvoir décrypter un marché et, en cas de problème, de ne pas rester les bras croisés. Si l'investigation préliminaire permet de constater des pratiques infractionnelles, nous ouvrirons une enquête et prononcerons d'éventuelles sanctions pour atteinte à la concurrence au cours des prochains mois.
La question de l'étiquetage, qui pourrait porter préjudice aux agriculteurs et aux producteurs, relève plutôt de l'action de la DGCCRF, comme je l'ai dit récemment à l'Assemblée nationale. Je ne peux pas me prononcer sur la définition et l'application de cette réglementation. Il en est de même des ententes entre les organisations de producteurs, sur lesquelles travaillent certaines de mes équipes. Rassurez-vous, l'avis sera rendu rapidement en raison de l'amicale pression du Gouvernement.
Le rapprochement, à brève échéance, des distributeurs ayant constitué des centrales d'achat est un phénomène frappant en France. Les quatre très grandes centrales détiennent chacune une part considérable du marché. Depuis notre avis en 2015 se sont constituées des centrales européennes, voire internationales, ce qui renforce le problème évoqué par les producteurs de l'industrie agroalimentaire, qui se sentent soumis à une pression très forte.
À l'époque, rien ne pouvait être fait, puisqu'il ne s'agissait pas de concentration au sens strict de la loi française. En 2015, un régime sui generis a été créé, à savoir une notification pour information, permettant seulement à l'Autorité de se pencher sur les contrats de constitution de centrale de référencement. Nous avons eu des échanges avec le Gouvernement sur ce point et formulé des propositions législatives en vue de renforcer les pouvoirs de contrôle de l'Autorité sur le bilan concurrentiel des centrales, qui pourraient aller jusqu'à la remise en cause de certains accords nuisibles pour la concurrence.
Ce phénomène majeur soulève des questions en termes d'application de la loi nationale en cas de négociations à l'étranger, dont la DGCCRF est saisie. Il faudra peut-être créer des règles européennes pour contrôler les rapprochements, car les avancées obtenues en 2015 ne sont pas suffisantes. Il faudrait notamment pouvoir examiner, deux ans après la constitution d'une centrale d'achat, ses effets sur les producteurs et le fonctionnement du marché.
Concernant l'outre-mer, je n'ai pas la réponse à la politique de Monoprix pour la banane, mais je suis maintenant également sensibilisée à cette question. La loi Lurel nous a donné de nouvelles règles à appliquer et a interdit les accords exclusifs à l'importation, élément structurant des marchés qui, du fait de leur taille modeste, sont confrontés à des prix très élevés. L'année dernière, nous avons sanctionné des entreprises, dont Materne, qui avaient méconnu les principes de la loi Lurel. Mais nous prenons en compte les réalités propres aux territoires. C'est pourquoi, lorsque nous avons infligé des amendes contre une entente en Martinique, nous avons considéré la taille limitée des entreprises pour éviter des mesures disproportionnées.
La sanction de 300 millions d'euros prononcée contre les trois fabricants de revêtements de sols, dont deux géants internationaux et un syndicat professionnel, est hors norme par son montant. Le code de commerce prévoit une sanction maximum de 10 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise visée. Un communiqué sur les sanctions, établi en 2011 conformément au modèle de la Commission européenne, décrit très précisément le mode de calcul des sanctions : ont été pris en compte la valeur des ventes, la durée de l'infraction et le dommage à l'économie. En l'espèce, la sanction, certes très élevée, se situe tout à fait dans la moyenne européenne, eu égard à l'importance des marchés et au préjudice causé au consommateur.
Je n'ai aucun élément à vous transmettre sur la date limite de consommation des yaourts, qui relève plus de la DGCCRF.
Les bouquets satellitaires sont soumis à un mécanisme de marché, c'est-à-dire au choix des opérateurs. Je n'ai pas vraiment de réponse à ce sujet.
Quant à Engie et aux autres distributeurs sur le marché du gaz, la situation est désormais celle d'un marché concurrentiel depuis la décision du Parlement. Un ancien monopole n'étant pas une infraction en soi, il est évidemment admis d'aller sur les segments concurrentiels du marché. Nous avons voulu que certaines règles soient respectées, tout en gardant à l'esprit que cela pourrait s'appliquer à La Poste ou à la SNCF. Or Engie a commis des pratiques répréhensibles ayant justifié une sanction qui, si elle peut sembler importante, est modérée par rapport aux critères classiques.
J'évoquerai maintenant l'amende record d'Orange Caraïbe. Aujourd'hui, le risque concurrentiel pour une entreprise est double : d'abord, être sanctionnée par une autorité de concurrence ; ensuite, faire l'objet d'une action indemnitaire, puisque, dans le cadre de la directive relative aux actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence, transposée en droit français, dès lors qu'une entreprise a été condamnée, toutes les victimes potentielles peuvent former un recours sans avoir à démontrer l'infraction commise. Seule l'existence d'un dommage est requise. Le risque de condamnation est ainsi démultiplié : Orange, qui devait payer au départ une amende de 63 millions d'euros, doit payer 346 millions d'euros. Nous enjoignons les entreprises à être très vigilantes et à se conformer à la réglementation, et préparons un guide en direction des PME avec l'aide du MEDEF et de la CPME.