Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille, dite convention « STCW-F », pour International convention on standards of training, certification and watchkeeping for fishing vessels personnel.
Adoptée à Londres, le 7 juillet 1995, sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI), cette convention internationale est entrée en vigueur le 29 septembre 2012. À ce jour, 22 pays l'ont ratifiée, dont 7 États membres de l'Union européenne - Danemark, Espagne, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal et, en février 2018, la Roumanie -, l'Union européenne ayant autorisé les États membres à adhérer à cette convention dont certaines stipulations relèvent de sa compétence exclusive en mai 2015.
Elle se présente comme le pendant, pour la navigation de pêche, de la convention sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille pour la navigation de commerce, dite « convention STCW », adoptée en 1978 et entrée en vigueur en 1984, même si ces formations ne sont pas identiques puisqu'il s'agit de deux types de navigation différents. Elle poursuit le même objectif d'améliorer la sauvegarde de la vie humaine en mer et la protection du milieu marin, en fixant pour la première fois des prescriptions minimales obligatoires au niveau international pour la formation, la qualification des marins à la pêche, ainsi que des règles strictes en matière de délivrance des brevets pour chaque fonction occupée.
La convention STCW-F répond à des besoins réels, car le secteur de la pêche est fortement accidentogène. On dénombre environ 24 000 morts par an dans le monde et, en France, le dernier rapport du Bureau d'enquêtes sur les événements de mer comptabilise 243 accidents à la pêche pour l'année 2016. Sur les 12 enquêtes techniques ouvertes après accident en 2016, neuf concernent le secteur de la pêche, dont un décès à la suite d'une chute à la mer.
Pour permettre la ratification de cette convention par la France, une réforme globale, associant étroitement les professionnels et répondant aux exigences de la convention STCW-F, a été menée dans le cadre du décret du 24 juin 2015, qui constitue désormais le socle règlementaire du dispositif de formation professionnelle maritime pour les navires de commerce, de plaisance et de pêche. Ce décret est d'application obligatoire depuis le 1er septembre 2016. Par certains aspects, les normes de la convention STCW-F sont en deçà de celles du décret de 2015. Ainsi, le niveau le plus élevé de qualification de la convention ne correspond pas à au niveau le plus élevé du décret - capitaine de pêche -, mais à celui qui lui est juste inférieur - patron de pêche. Plus généralement, les normes françaises de formation des marins pêcheurs sont d'un niveau élevé.
Voyons plus précisément le contenu de cette convention. Elle définit de manière détaillée les prescriptions minimales obligatoires pour la délivrance des brevets de capitaine et d'officier chargé du quart à la passerelle pour des navires de pêche d'une longueur supérieure ou égale à 24 mètres, en distinguant selon qu'ils naviguent à plus ou moins de 100 milles des côtes, des brevets de chef mécanicien et de second mécanicien sur des navires de pêche d'une puissance propulsive supérieure à 750 kW, des certificats d'opérateur des radiocommunications. Ces brevets ne sont délivrés que si les conditions requises en matière de service, d'âge, d'aptitude physique, de formation, de qualifications et d'examens sont remplies. Les brevets et les attestations de délivrance répondent à des exigences de forme et la tenue d'un registre est obligatoire. En outre, ces brevets devront être revalidés tous les cinq ans, en démontrant une durée de navigation suffisante, en passant un test de connaissance ou en effectuant un stage de revalidation. Les matelots - soit la moitié des marins à la pêche français - en sont toutefois dispensés. L'octroi des dérogations répond à des conditions très strictes : circonstances d'extrême nécessité, pour une période de 6 mois, uniquement en faveur des marins disposant du brevet immédiatement inférieur à celui exigé et pour des fonctions autres que celles d'opérateur des radiocommunications.
Les États parties devront adopter un système de contrôle interne de la qualité du dispositif de formation et de la délivrance des titres. Ils devront aussi mettre en place des procédures permettant d'effectuer une enquête impartiale en cas de manquement, en vue du retrait, de la suspension ou de l'annulation des brevets, et adopter des sanctions pénales ou disciplinaires en cas de non-respect de la présente convention. Ces sanctions existent déjà dans le droit français.
S'agissant du contrôle auquel chaque partie doit soumettre les navires de pêche d'une autre partie lorsque ceux-ci se trouvent dans ses ports, la convention prévoit que lorsqu'un manquement représentant un danger est constaté, des mesures doivent être prises pour que le navire n'appareille pas, et le secrétaire général de l'OMI doit en être informé. En application du principe dit du traitement « pas plus favorable », les navires battant pavillon d'un État non-partie à la convention ne doivent pas bénéficier d'un régime plus favorable que celui réservé aux navires battant pavillon d'un État partie - par exemple, une inspection moins détaillée du navire.
La convention prévoit aussi une formation de base en matière de sécurité destinée à l'ensemble du personnel des navires de pêche. Elle pose également les principes fondamentaux à observer lors du quart à la passerelle à bord des navires de pêche comme la composition des équipes de quart, le maintien en permanence d'une veille constante et vigilante, l'attention portée aux autres navires en train de pêcher et la veille radioélectrique.
Classiquement, une période transitoire est prévue. Les marins pêcheurs concernés auront jusqu'au 1er septembre 2020 pour faire revalider les titres de formation professionnelle ou faire éditer des titres conformes à la convention STCW-F. L'ensemble des marins pêcheurs aura jusqu'à cette même date pour se conformer à l'obligation de formation à la sécurité.
La mise en oeuvre de la convention concernera la totalité des marins travaillant dans le domaine de la pêche, soit plus de 18 000 marins. Parmi eux, 10 000 marins devront demander la transformation de leurs brevets - soit un coût pour l'État de 52 000 euros - et 8 000 marins devront être formés à la sécurité, soit un budget de 6 millions d'euros.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Cette convention internationale est déjà transposée dans notre droit interne, à l'exception des dispositions relatives à la reconnaissance des titres qui relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. Elle élèvera le niveau global de sécurité maritime et participera à la réduction de la concurrence avec les pavillons étrangers qui pratiquent le dumping social. En outre, le rapprochement des formations exigées pour la navigation de pêche et la navigation de commerce facilitera la mobilité des navigants entre ces deux secteurs, ce qui améliora la situation du marché de l'emploi maritime en le décloisonnant.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 22 mars 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.