Nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de l'accord instituant la Fondation internationale UE-ALC (Amérique latine et Caraïbes), signé en octobre 2016, à Saint-Domingue, entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et les États membres de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), d'autre part. La CELAC regroupe tous les pays des Amériques à l'exception du Canada, des États-Unis et des pays, territoires d'outre-mer et régions ultrapériphériques de l'Union européenne dans les Amériques, soit 33 pays.
Cet accord s'inscrit dans le cadre des relations privilégiées que l'Union européenne entretient avec les États d'Amérique latine et des Caraïbes depuis la signature d'un partenariat stratégique à Rio de Janeiro en juin 1999. Ce partenariat se structure autour de trois piliers : le dialogue politique, les relations commerciales et l'aide au développement. Il est complété par un volet sur les questions relatives aux droits de l'homme, à la drogue, au climat, à l'énergie, aux migrations, aux sciences et aux technologies. Depuis 1999, le dialogue politique s'est traduit par la tenue de 5 sommets entre l'Union européenne et le groupe de Rio puis à partir de 2013, de 2 sommets entre l'Union européenne et la CELAC, qui a succédé au groupe de Rio. En revanche, le troisième sommet Union européenne-CELAC qui devait se tenir à San Salvador en octobre 2017 a été reporté sine die à la suite de la déclaration des 12 pays latino-américains dits du groupe « de Lima » au regard de la situation politique particulière au Venezuela. Une réunion ministérielle devrait avoir toutefois avoir lieu en juillet 2018 à Bruxelles, dans un contexte où de nombreuses négociations sont en cours avec les pays de la zone et où la Chine y gagne, comme dans d'autres zones, beaucoup de terrain. Un sommet CELAC-Chine s'est d'ailleurs tenu en janvier dernier au Chili.
Il faut ajouter que la Stratégie globale de l'Union européenne prévoit le rehaussement du dialogue politique et de la coopération avec cette région, en particulier dans le domaine des migrations, de la sûreté maritime, du désarmement, de la lutte contre la criminalité organisée et du terrorisme. En février 2018, le Service européen d'action extérieure (SEAE) et la Commission européenne ont entamé un processus de réflexions et de consultations qui s'achèvera en juin 2018 et qui devrait donner lieu à une communication conjointe en septembre ou octobre 2018 sur les relations de l'Union européenne avec l'Amérique latine et les Caraïbes.
Dans ce contexte, la Fondation UE-ALC a été créée comme un outil politique de l'approfondissement de ce dialogue birégional par le sommet de Madrid de 2010, en même temps qu'était élaboré un plan d'action UE-ALC qui compte désormais dix chapitres. Elle présente un intérêt certain en ce qu'elle vise à favoriser l'appropriation par la société civile de la coopération birégionale. Inaugurée à Hambourg en novembre 2011, elle a pris la forme d'un organisme de droit civil allemand, dans l'attente de la conclusion d'un accord international la transformant en organisation internationale de nature intergouvernementale.
C'est précisément l'objet de l'accord que nous examinons aujourd'hui. Ce nouveau statut confèrera à la Fondation UE-ALC la personnalité juridique internationale et la capacité juridique nécessaire pour mettre en oeuvre ses objectifs et ses activités sur le territoire de chacun de ses membres. Elle sera ainsi en mesure de conclure des contrats, d'acquérir et d'aliéner des biens meubles et immeubles ainsi que d'ester en justice sur le territoire français. La Fondation pourra également accroître ses financements, un certain nombre de pays de la CELAC ne pouvant pas lui apporter une contribution financière tant qu'elle relève du droit civil allemand.
En revanche, cette transformation ne modifiera ni le siège de la fondation qui restera à Hambourg, ni son objet, ni la nature de ses activités, essentiellement des études et des colloques, centrées sur 6 orientations sectorielles prioritaires définies en 2016 - enseignement supérieur et la connaissance, sciences, technologies et innovation, infrastructures, petites et moyennes entreprises, changement climatique et culture. La structure de la Fondation restera également la même, avec un conseil des gouverneurs représentant les pays membres de la fondation, un président - M. Leonel Fernandez Reyna, de nationalité dominicaine - et un directeur exécutif - l'italienne Paola Amadei -, nommés en janvier 2016 pour un mandat de 4 ans renouvelable une fois.
La Fondation UE-ALC continuera également de s'appuyer sur la coopération de 4 partenaires stratégiques issus des deux régions, dont le rôle est de coordonner, d'animer et de conduire, en lien avec les membres et autres partenaires de la Fondation, des activités liées à son champ d'expertise. Parmi ces 4 partenaires stratégiques, l'Institut des Amériques a été désigné en 2011 comme le chef de file pour les échanges académiques et scientifiques, sur l'initiative de la France qui souhaite avoir une certaine visibilité dans la relation birégionale et exercer une certaine influence dans le débat d'idées. La France, à la différence de l'Espagne et de l'Allemagne, n'a pas les moyens de mener seule une coopération active avec cette région. L'Institut des Amériques intervient notamment en tant que cheville ouvrière des sommets académiques UE-CELAC. Après Santiago en 2013 et Bruxelles en 2015, le troisième sommet académique UE-CELAC se tiendra à Cordoba en avril prochain.
La France contribue aux activités de la Fondation UE-ALC via une subvention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères versée à l'Institut des Amériques, qui était de 70 000 euros en 2017 contre 100 000 euros en 2012. En 2017, le budget prévisionnel de la fondation était de 2,36 millions d'euros. La contribution financière de l'Union européenne, en plus de celles des États membres, était de 3 millions d'euros sur la période 2015-2017 et une nouvelle subvention de 1,5 million d'euros a été apportée en octobre 2017, pour une période de 18 mois.
Le présent accord entrera en vigueur 30 jours après le dépôt par huit parties de chaque région de leurs instruments de ratification ou d'adhésion. La Fondation UE-ALC prendra alors la suite de la fondation instituée, en 2011, qui sera dissoute. Actuellement, neuf États membres de l'Union européenne ont déjà notifié leur ratification - l'Allemagne, l'Estonie, l'Espagne, la Finlande, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Suède - mais seulement trois États d'Amérique latine et des Caraïbes l'ont fait - le Belize, le Nicaragua et l'Équateur.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Outre l'intérêt juridique que présente l'accord pour faciliter le fonctionnement et les activités de cette fondation, la France est très favorable au dialogue avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes, avec lesquels elle partage nombre de points de vue sur les enjeux globaux, notamment ceux relatifs au changement climatique et au développement durable. Je profite de l'occasion pour exprimer le souhait d'une meilleure information de la commission sur les pays de cette zone qui revêtent une importance certaine.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 22 mars 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.