Je souhaiterais conclure en soulignant que mettre en place le financement de l'enquête Virage s'est révélé extrêmement compliqué. Une enquête de ce type coûte trois millions d'euros pour le paiement de l'institut de sondage. Plus d'une centaine de personnes a travaillé pendant neuf mois. La seule phase de questionnement par téléphone a représenté 27 000 heures de travail, le questionnaire durant une heure, cela sans compter le temps passé à appeler les ménages qui ont refusé de participer à l'étude, le temps de formation des enquêteurs et leur accompagnement. Recevoir des récits de violence à longueur de journée est difficile ! Le dispositif a mobilisé un grand nombre de personnes sur ce laps de temps.
À mon sens, il serait utile de créer une agence nationale de recherche sur les violences faites aux femmes comme nous avons créé, lors de l'épidémie de Sida, une agence nationale de recherche sur le Sida. Ces statistiques de violences faites aux femmes présentent l'ampleur des épidémies. Nous avons donc besoin d'une agence dotée de moyens, bénéficiant d'un financement interministériel, annualisé. De nombreux domaines sont touchés par ces violences : le travail, la famille, les études, la santé, la police, la justice, etc. Tous les ministères sont concernés. Le travail de préparation de l'enquête Virage s'est avéré compliqué et chronophage en raison de la recherche de financement, et l'enquête aurait pu ne pas voir le jour. Nous voulions interroger 35 000 personnes à l'origine, notamment pour obtenir des résultats plus précis sur les femmes migrantes. Les effectifs dans l'enquête restent trop faibles pour répondre à toutes nos questions à leur sujet.
La création d'une telle agence est une recommandation qui, en tant que chercheuse, me semble indispensable. Je crois que l'enquête ENVEFF a permis de sortir de l'ignorance et de la volonté de ne pas savoir. Elle a eu pour effet de contribuer à libérer la parole des victimes. Les résultats de Virage vont continuer d'aider les victimes. Avec ces statistiques, elles pourront constater qu'elles ne sont pas seules et leur peur de ne pas être crues diminuera. Outre l'enquête Virage, nous pourrions réaliser de nombreuses enquêtes, notamment sur la population qui arrive dans les services d'urgence des hôpitaux, les femmes qui font une IVG, etc. Ces enquêtes sont réalisées dans d'autres pays, mais ne sont pas menées en France ; c'est dommage.