Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 février 2018 à 9h35
Opex — Audition du général grégoire de saint-quentin sous-chef opérations à l'état-major des armées

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

Qu'en est-il du rôle de l'Algérie ? Nous savons que de nombreux terroristes se trouvent au nord du Mali. Certes, l'on peut regretter le manque d'engagement de nos partenaires européens. Mais, qu'en est-il de l'engagement de l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme ?

Par ailleurs, j'étais à Bamako il y a quelques mois. Notre attaché de défense signalait qu'il faudra encore beaucoup de temps avant que l'armée malienne soit formée pour pouvoir défendre convenablement le pays. En outre, certains des pays voisins estiment que les Maliens ne font pas suffisamment d'efforts en termes de sécurité.

Général Grégoire de Saint-Quentin. - Le LRU est une excellente arme qui permet des tirs précis à une grande distance - au-delà de 70 km et qui, dans notre arsenal, s'inscrit bien entre l'appui aérien et l'appui de l'artillerie classique. Nous avons pris la décision de ne pas le déployer dans l'opération Chammal et de privilégier le CAESAR. L'efficacité de ce dernier est éclatante. Il est en effet très précis pour un outil qui n'est pas doté de munitions à guidage terminal. Le LRU n'a pas été déployé, car nous ne jugions pas nécessaire d'augmenter notre capacité de frappe. Rappelons qu'après les Américains, nous sommes le pays de la coalition qui a déployé le spectre de moyens le plus large.

Le HK 416 est adopté d'emploi par le 1er RPIMa depuis 2006. Ce n'est pas un hasard. C'est une arme très aboutie, car elle a l'ergonomie du M16, qui bénéficie de 40 ans d'évolution et d'innovation, tout en adoptant un mécanisme particulièrement fiable, limitant les risques d'incidents de tir de manière très significative, quel que soit le terrain d'engagement - sable, jungle.

L'une des problématiques de l'emploi en opération du matériel est l'augmentation de la consommation du potentiel des machines. Un équipement déployé à Barkhane pendant un an correspond en termes de potentiel consommé à une utilisation pendant trois ans en France. Il faut adapter le MCO à la réalité de notre armée d'emploi. Notre Ministre s'est particulièrement saisie de ce sujet, notamment pour le MCO aéronautique.

A cela s'ajoute la problématique de l'obsolescence de certains de nos équipements comme le KC135, le VAB ou les patrouilleurs légers. Plus un équipement est vieux, plus il casse et plus il coûte cher à entretenir. Un effort va être fait dans la LPM pour remplacer rapidement cette gamme de matériels. Ce sera une très bonne chose pour faire baisser le coût de la maintenance et amènera une meilleure protection de nos hommes (programme Scorpion), face aux risques des engins explosifs improvisés.

La France est-elle une armée occupante au Mali ? Je crois qu'il faut faire très attention aux termes employés. Notre histoire nous a appris ce que veut dire être occupé par une armée étrangère et employer un tel terme pour définir Barkhane est très dur à entendre. Depuis cinq ans, à l'appel des autorités maliennes, nous payons le prix du sang au Sahel pour la stabilité de cette région et pour protéger la population des conséquences du conflit alors qu'elle est en proie à l'arbitraire des groupes armés et de leur violence indiscriminée, notamment par l'usage des mines. Cette réalité n'est pas celle d'une armée occupante. Toutefois, je partage votre point de vue sur le fait que la présence d'une force étrangère dans un pays peut toujours faire l'objet de tentatives d'instrumentalisation par des parties au conflit ou par leurs soutiens. Nous devons être particulièrement vigilants sur ce point.

En ce qui concerne la participation européenne, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait que 150 Allemands au Sahel. Ils sont plus près de 800 dans la MINUSMA. Certes, nos principaux partenaires européens ne sont pas autant représentés que nous, mais leur participation est en progression. L'Italie a annoncé l'envoi de plus de 450 personnels au Niger pour aider à la lutte contre les réseaux d'immigration clandestine. Il y a également un soutien financier important à la force G5 Sahel. Le Royaume-Uni met prochainement à notre disposition trois hélicoptères de transport lourd. De manière générale, il y a une prise de conscience que la stabilité du Sahel n'est pas une marotte française et que l'inaction aurait un impact direct sur la sécurité de l'Europe. Il faut d'ailleurs considérer les contributions de nos voisins européens, en capacités opérationnelles, de formation ou de financement à travers tout l'éventail des forces qui sont présentes au Sahel : la MINUSMA, Barkhane, EUTM, la force G5 Sahel, les armées nationales. Elles partagent toutes le même but : la stabilité du Sahel. Le vrai défi est qu'elles agissent de façon coordonnée. Il me semble que c'est le rôle de la France, qui a la plus forte empreinte avec Barkhane, d'essayer de fédérer les efforts et nous réunirons prochainement un certain nombre de mes homologues pour examiner avec eux comment nous pouvons être plus efficaces sur le terrain.

S'agissant du désengagement, c'est évidemment l'objectif à terme. Nous sommes là pour mettre les groupes terroristes à la portée des forces locales afin que celles-ci puissent durablement assurer la stabilité de leur pays respectifs sans intervention étrangère. C'est une mission qui demande du temps mais qui nécessite également d'adapter en continu la Force, dans son organisation comme dans ses modes d'action, à un environnement en constante évolution. C'est une réflexion permanente, partagée entre les états-majors à Paris et le théâtre.

L'armée malienne s'est déjà beaucoup restructurée mais elle doit le faire sous la pression des opérations, ce qui n'est jamais facile. Elle connait de lourdes pertes et il faut continuer à la soutenir. La France est fortement engagée dans cette tâche. Par un soutien direct et multidimensionnel de Barkhane sur le terrain mais aussi par un partenariat bilatéral des Eléments Français au Sénégal. Nous devons persévérer dans cette voie qui est la seule à même de permettre au Mali de préserver par lui-même son intégrité territoriale et sa souveraineté.

L'exemple de l'armée irakienne qui n'avait pas tenu le choc devant l'arrivée de Daesh à Mossoul en 2014 et a aujourd'hui reconquis la quasi-totalité de son pays avec le soutien de la coalition internationale est un bon exemple de ce qui peut fonctionner à partir du moment où les capacités militaires et le leadership sont en place.

En ce qui concerne Chammal, l'armée américaine ne se retire pas à proprement parler, mais elle prend en compte la fin des opérations contre Daech, le fait que les Irakiens prennent en main leur propre sécurité et la situation en Afghanistan. Les généraux américains sont conscients que ce qui a permis l'émergence de Daech, c'est le retrait précipité des instructeurs américains d'Irak en 2011.

Chacun sait que l'Algérie est un grand pays de l'espace Sahélo-Saharien qui a un rôle très important à jouer en matière de lutte contre le terrorisme dans cette région. Elle a beaucoup d'atout pour cela : ses capacités militaires et de renseignement, sa position géographique mais aussi la richesse de son expérience en la matière. C'est pour cela que nous pensons que nous devons intensifier le dialogue au niveau opérationnel entre le commandement de Barkhane et les autorités militaires algériennes de la zone. Cela viendra utilement compléter les facilités logistiques que l'Algérie accorde à l'opération Barkhane et qui sont très appréciables.

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