Intervention de Béatrice Deshayes

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 mars 2018 à 9h50
« adapter les règles de l'impôt sur les sociétés au nouveau contexte international et européen » : Audition conjointe de M. Grégory Abate sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises à la direction de la législation fiscale M. Bernard Bacci directeur fiscal du groupe vivendi Mme Béatrice deShayes directrice fiscale du groupe lvmh M. Daniel Gutmann avocat associé du cabinet cms francis lefebvre avocats et de Mme Stéphanie Robert directeur de l'association française des entreprises privées afep

Béatrice Deshayes, directrice fiscale du groupe LVMH :

LVMH est avant tout l'un des derniers grands exportateurs français. Le made in France est un actif majeur pour nous, et c'est une composante essentielle de la désirabilité de nos produits. LVMH se réjouit de la baisse tendancielle des taux d'impôt sur les sociétés, qui nous semble saine : au sein de l'Union européenne, ces taux sont passés d'une moyenne de 35 % en 1997 à 25 % aujourd'hui.

Le chiffre d'affaires de LVMH est de 42 milliards d'euros, dont 10 % sont réalisés en France. Notre premier marché est le marché américain, qui représente 25 % du total. L'Asie, elle, représente 28 %. En 2017, nous avons réalisé 40 % de nos profits en France et nous y avons payé 52 % de nos impôts - chiffre un peu accru par les contributions exceptionnelle et additionnelle. Les Chinois constituent 30 % de notre clientèle et nous réalisons 7 % de notre chiffre d'affaires en Chine, et 4 % de nos résultats ; nous y payons 4 % de nos impôts.

Chacun estime aujourd'hui qu'il faut taxer les profits là où la valeur est créée. Ce principe, affirmé par Emmanuel Macron à la Sorbonne, ou par Bruno Le Maire au G20, est séduisant. Encore faut-il savoir comment appréhender la création de valeur. Nous estimons que, chez LVMH, l'essentiel de la création de valeur est fait en France et en Italie, puisque c'est là que l'on trouve nos ateliers, nos créateurs et nos savoir-faire. Cela est reflété par la répartition de notre charge fiscale. Mais les Chinois nous expliquent que les clients contribuent aussi à cette création de valeur, et aimeraient que cela se reflète dans les impôts que nous leur versons. La Chine représente notre troisième plus grand nombre d'employés, car nous y avons de nombreuses boutiques - même si 70 % de nos clients Chinois n'achètent pas en Chine ! La question est donc entière : où est créée la valeur ? Et elle n'a rien à voir avec la fraude fiscale. La France et l'Union européenne ont exacerbé les tensions nées de ces appréciations divergentes de la création de valeur en tentant d'attaquer le numérique.

Les conventions fiscales sont là pour éviter la double taxation. Avec la Chine, la convention n'est pas assortie d'une clause d'arbitrage. Et il n'y a pas de Cour où porter nos contentieux... Avec les déclarations d'activité pays par pays, ou country by country reporting (CBCR), l'administration chinoise aura bientôt sous les yeux nos chiffres, pays par pays, et verra que nous payons l'essentiel de nos impôts en France alors que l'essentiel de nos clients sont chinois.

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