Intervention de Stéphanie Robert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 mars 2018 à 9h50
« adapter les règles de l'impôt sur les sociétés au nouveau contexte international et européen » : Audition conjointe de M. Grégory Abate sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises à la direction de la législation fiscale M. Bernard Bacci directeur fiscal du groupe vivendi Mme Béatrice deShayes directrice fiscale du groupe lvmh M. Daniel Gutmann avocat associé du cabinet cms francis lefebvre avocats et de Mme Stéphanie Robert directeur de l'association française des entreprises privées afep

Stéphanie Robert, directeur de l'Association française des entreprises privées (AFEP) :

L'AFEP regroupe 120 grands groupes privés français, ancrés sur le territoire national et très internationalisés. En 2017, les 115 entreprises de l'association représentaient 13 % du PIB français et payaient 19 % des prélèvements obligatoires sur les entreprises, dont 25 % d'impôt sur la production, 16 % d'impôt sur les sociétés et 19 % d'impôt sur les salaires. Il est très important que la France puisse s'appuyer sur ces grands groupes qui non seulement font sa fierté à l'international, mais qui sont aussi source de richesse fiscale.

Mes collègues ont dressé l'inventaire des évolutions contradictoires qui affectent le monde. La réforme fiscale américaine est une bombe dans le paysage fiscal actuel. Déjà en vigueur, elle s'inscrit à rebours des lignes défendues par l'OCDE et des règles sur lesquelles s'appuient un certain nombre de pays émergents, en tirant l'imposition du produit vers les États où il est consommé. La France compte plus de 60 millions d'habitants. Elle peut difficilement rivaliser avec des pays comme le Brésil, l'Inde ou la Chine en matière de consommation. Ne nous y trompons pas. La réforme américaine est très favorable aux entreprises françaises qui bénéficieront d'effets fiscaux attractifs dès lors qu'elles investiront localement. Les investissements risquent de se déplacer aux États-Unis sous l'effet d'un appel d'air immédiat puissant, à savoir la déductibilité totale des investissements réalisés en 2018. Il faut absolument prendre la mesure de cette réforme américaine, stable dans le temps, bipartisane et pensée depuis longtemps. Encore une fois, elle ne pénalise en rien les entreprises européennes, mais leur offre un appel d'air pour localiser leur activité outre-Atlantique.

Certains pays cherchent à tirer parti de la base taxable défavorable à la France en termes de brevets. Depuis le démarrage du projet BEPS, la possibilité de redistribuer le droit d'imposer entre les États fait débat, car certains ont beaucoup à y perdre. Le produit de nos entreprises risque de se répartir différemment. Ce qui ne sera plus taxé au titre de la redevance du brevet sera taxé localement par la Chine, l'Inde ou le Brésil. Pourquoi ces États se sont-ils ralliés à l'OCDE plutôt qu'à l'Organisation des Nations Unies, sinon parce que l'OCDE leur ouvre la possibilité d'une taxation de la consommation ?

La France doit faire entendre sa voix dans cette cacophonie. Les perspectives d'évolution du régime de groupe, du régime des charges financières et des redevances de brevet sont intéressantes. Il faudrait en mesurer les conséquences. L'audition que vous avez organisée est particulièrement bienvenue, car vous avez parfaitement saisi les enjeux de demain en définissant son sujet. La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % en 2022 arrivera trop tard, dès lors que les États-Unis viennent de passer de 35 % à 21 % entre 2017 et 2018. Il nous faut développer une vision commune des évolutions en cours et savoir ce que nous souhaitons taxer : voulons-nous continuer à attirer de la valeur et taxer les incorporels parce qu'ils sont rémunérés et détenus en France ?

Il faut continuer à renforcer la concertation avec les entreprises. La directive anti-évasion ATAD est difficile à mettre en oeuvre : règle de base, clause de sauvegarde, etc. Ces dispositions sont extrêmement compliquées. L'Union européenne fixe la règle. Le législateur national doit la clarifier, la rendre intelligible et intelligente.

Enfin, il convient de définir rapidement l'agenda et le contenu des réformes à mener. La propriété intellectuelle est un sujet majeur, car les États-Unis sont en train de mettre en place un système aspirant. Nous devons clarifier notre dispositif et nous donner la latitude de choisir parmi les grandes lignes tracées par l'OCDE, celles qui sont bonnes pour la France.

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