Intervention de Daniel Gutmann

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 mars 2018 à 9h50
« adapter les règles de l'impôt sur les sociétés au nouveau contexte international et européen » : Audition conjointe de M. Grégory Abate sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises à la direction de la législation fiscale M. Bernard Bacci directeur fiscal du groupe vivendi Mme Béatrice deShayes directrice fiscale du groupe lvmh M. Daniel Gutmann avocat associé du cabinet cms francis lefebvre avocats et de Mme Stéphanie Robert directeur de l'association française des entreprises privées afep

Daniel Gutmann, avocat associé du cabinet CMS Francis Lefebvre :

Nous n'avons pas attendu l'Europe pour lutter contre l'évasion fiscale. Dès le début des années 1980, nous avons adopté des instruments anti-abus sans équivalent en Europe, notamment en matière d'impôt sur les sociétés ou de taxation des profits. Mais nous avons besoin de l'Europe pour lutter contre l'évasion fiscale, et surtout contre la fraude fiscale, qui nécessite une coopération internationale des administrations fiscales. Les directives communautaires vont dans ce sens.

Même pour lutter contre la sous-imposition des GAFA, qui fait consensus, il faut de la coopération internationale. En France, un dispositif adopté il y a quelques années pour imposer des établissements stables fictifs avait été censuré par le Conseil constitutionnel ; s'il avait été promulgué, les avocats l'auraient immédiatement contesté comme contraire aux conventions fiscales conclues par la France : mieux vaut s'accorder avec nos voisins que d'adopter, seuls, des dispositifs généreux mais sans portée réelle.

L'idée de lier le CIR au fait que les produits de la recherche soient exploités en France peut sembler séduisante, mais j'y apporte deux bémols. D'abord, il est par nature difficile de prévoir le résultat de la recherche - et a fortiori, l'exploitation qui pourra en être faite ! Ensuite, le cadre européen nous incite plutôt à faire bénéficier du taux réduit les produits retirés de la recherche. Évidemment, cela altèrera notre compétitivité : l'arbitrage est complexe.

Je n'ai pas à défendre la position du CPO sur le taux réduit pour les PME. Selon les économistes, les arguments traditionnels en la faveur de ce taux réduit sont discutables. Le premier est le besoin de fonds propres des PME, mais il n'y a plus de lien avec le taux réduit, puisque de nouveaux instruments de financement sont apparus. On allègue aussi leur capacité contributive inférieure : cet argument est démenti par les faits. Elles auraient, aussi, de moindres marges d'optimisation fiscale : là aussi, l'expérience ne confirme pas cet argument. Un récent rapport du CPO montre que leur taux réel d'imposition ne diffère guère de celui des grands groupes. Enfin, comme tout avantage fiscal, le taux réduit peut être instrumentalisé ; de fait, on observe un décrochage assez curieux à l'approche du seuil correspondant à la fin du taux réduit.

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