Je suis heureux d'être entendu par votre commission, trois ans après ma nomination, en ce 21 mars, date de la Journée internationale des forêts, sous l'égide des Nations Unies : 650 événements sont organisés en France, autour du bois, de la forêt ou de l'éducation des jeunes à l'environnement, dont 50 à l'initiative de l'ONF et de l'association Terragir. Une exposition organisée par l'ONF et la Ville de Paris est installée sur le parvis de l'Hôtel de ville de Paris.
La forêt française se porte bien. Sa surface progresse chaque année. Elle est gérée durablement depuis des siècles, qu'il s'agisse de la forêt publique, protégée par le régime forestier, ou de la forêt privée, qui met en place des plans de gestion. La forêt couvre un tiers de la superficie de la France métropolitaine, et 90 % de la Guyane. Un quart de la forêt est sous gestion publique, tandis que les trois-quarts relèvent de la propriété privée. Elle est constituée pour les deux-tiers de feuillus et pour un tiers de résineux. Cette répartition, liée à notre sol et nos climats, est durable, même si nos industriels rêvent d'une proportion inverse.
La forêt n'est pas sur-exploitée mais sous-exploitée puisque le prélèvement annuel n'est que de la moitié de la croissance biologique. La forêt domaniale prélève 6,5 millions de mètres cubes, soit l'accroissement annuel ; la forêt des collectivités territoriales prélève un peu moins, tandis que de larges pans de la forêt privée sont inexploités. C'est pour cela qu'avec 25 % des surfaces, la forêt publique produit 40 % du bois. Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 (PNFB) prévoit une augmentation de la production de 12 millions de mètres cubes d'ici à 2026. Notre production de bois se répartit entre du bois d'oeuvre, destiné notamment aux scieries, du bois pour l'industrie, en particulier pour les papeteries qui ont besoin de 8,5 millions de mètres cubes par an, et enfin du bois destiné à produire de l'énergie, grâce à la biomasse forestière. Aucun producteur de bois ne consacre son activité à alimenter des chaudières, de même qu'aucun agriculteur ne plante des pommes de terre pour produire des épluchures ! Le bois-énergie est un sous-produit de l'exploitation forestière qui fournit des grumes à l'industrie ; il est constitué des houppiers, des branches et des bois d'éclaircie issus du dépeçage. Notre forêt méditerranéenne produit peu de bois d'oeuvre ; il est donc plus pertinent qu'elle fournisse du bois-énergie plutôt que d'alimenter les feux de forêt estivaux. La filière forêt-bois n'aura aucun mal à fournir les 850 000 mètres cubes nécessaires pour la nouvelle centrale thermique de Gardanne pas plus qu'elle n'a de difficultés à alimenter à hauteur de 1,1 millions de mètres cubes l'usine à papier de Tarascon.
Le marché du chêne, qu'alimentent à parts égales la forêt publique et privée, connaît actuellement une difficulté conjoncturelle. La demande de cette essence est soutenue par la reprise de la construction, qui entraîne un besoin en bois de menuiserie, tandis que le marché du merrain, pour les barriques et les tonneaux, est porté par la bonne santé des vignobles de Bordeaux, de Cognac et de Bourgogne, et de leurs exportations. Enfin la valeur des exportations de grumes est à son plus haut niveau depuis dix ans portée par une demande mondiale soutenue. La forêt publique met sur le marché 1,1 million de grumes de chêne chaque année, soit la moitié de la production française, elle ne peut faire plus. Il est exact que le volume de chênes récolté en forêt publique a diminué de 27 % entre 1992 et 2017 à cause d'une baisse de disponibilité en forêts. Les forêts sont, en effet soumises à des contraintes qui relèvent de la biologie, non de la chimie. Cette diminution est ainsi la conséquence de la tempête de 1999, des difficultés à mener les régénérations nécessaires à cause des dégâts de gibier ou du déséquilibre sylvo-cynégétique entre la faune et la flore. Toutefois notre volume de production restera stable d'ici à 2020. Les scieries, il est vrai, rencontrent des difficultés objectives et structurelles. La forêt publique s'est engagée dans un dispositif destiné à préserver la filière-chêne européenne grâce à la création d'un label « transformation Union européenne ». Les acheteurs qui y adhérent s'engagent à ce que le chêne soit transformé dans l'Union européenne et ce dispositif a été reconduit jusqu'à la fin de l'année. Les allégations selon lesquelles l'ONF vendrait du chêne en Chine sont donc fausses. L'ONF met à disposition par ailleurs 100 000 mètres cubes dans le cadre d'un contrat avec des industriels. Les exportations françaises de grumes vers la Chine s'élèvent à environ 360 000 mètres cubes par an, soit 15 % de la récolte nationale et concernent essentiellement des bois de qualité inférieure contrairement à l'idée reçue, ces chênes ne reviennent pas en France sous forme de produits finis : les importations françaises de parquet chinois s'élèvent à 18 000 mètres cubes, soit 0,3 % du volume des parquets commercialisés en France ! La campagne actuelle, qui tend à faire croire à nos concitoyens d'ores et déjà réticents à la coupe des bois, surtout en zone péri-urbaine, que nos productions partiraient directement à l'étranger est désastreuse ; c'est également un révélateur du manque de solidarité de la filière. C'est pourquoi le ministre de l'agriculture a confié à Jean-Yves Caullet, président du conseil d'administration de l'ONF, maire d'Avallon, une mission pour unifier la stratégie et rapprocher les trois associations des interprofessions : France-bois-forêt, qui regroupe l'amont forestier, dont la Fédération nationale du bois et l'ONF, France-bois-industries-entreprises, qui regroupe l'aval de la filière, et enfin France-bois-régions, qui regroupe les interprofessions régionales soutenues par les conseils régionaux. Le ministre réunira la filière demain après-midi.
Avec un prix de 45 euros en moyenne par mètre cube de bois, les propriétaires forestiers publics ou privés ne peuvent pas équilibrer durablement leurs comptes, alors que l'on a toujours estimé que le bois devait payer l'entretien de la forêt, selon l'adage « le bois paie la forêt ». Ils ne peuvent pas investir suffisamment ni replanter, ce qui explique le taux historiquement bas de plants en France, -70 millions contre un milliard en Pologne- et alors que la Chine a mobilisé l'armée pour planter l'équivalent de la surface de l'Irlande...Il appartient au législateur de développer un cadre normatif favorable à l'augmentation de la part du bois français dans la construction surtout dans la structure des bâtiments, davantage qu'en façade, notamment à partir du hêtre qui est une ressource abondante en France, vendue à des prix faibles, autour de 40 euros par mètre cube. Le XXIe siècle doit être le siècle du bois, comme le XXe siècle a été celui du béton et le XIXe celui du métal. Cependant, pour l'instant, le développement de la construction en bois en France profite plus aux importations de résineux autrichiens ou de mélèzes russes qu'au bois français. La ressource existe en France, utilisons-la !
Par ailleurs, je rappelle que l'action de l'ONF est encadrée par le contrat d'objectifs et de performance (COP), signé par les trois ministères de tutelle, la Fédération nationale des communes forestières et l'Office en mars 2016, pour la période 2016-2020. L'Office est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) à statut particulier puisqu'il peut accueillir des fonctionnaires, qui représentent 58 % de son effectif. Le COP prévoit que l'ONF doit mettre sur le marché 15 millions de mètres cubes, augmenter la part de bois façonné par rapport au bois vendu sur pied, en particulier par un contrat avec des industriels et simplifier les documents de gestion appelés aménagements. L'Etat et les communes forestières se sont engagés, en contrepartie, à maintenir leurs engagements financiers au niveau antérieur et ce volet a été respecté. La situation économique de l'ONF est toutefois difficile car les recettes issues de la vente de bois des forêts domaniales stagnent depuis 2016 à 260 millions d'euros alors que le COP a prévu une augmentation de 50 millions d'euros sur la période. Elles demeurent inférieures aux recettes dégagées en 2014, de 272 millions d'euros.
La rémunération des 10 000 salariés de l'ONF, qui représentent 8762 équivalents plein temps (EPT), s'élève à 478 millions d'euros, soit 90 % de la valeur ajoutée de l'ONF, ce qui est supérieur à la moyenne constatée dans l'industrie, où ce taux n'est que de 70 %. Le COP prévoit la stabilisation des effectifs - après 14 ans d'une baisse continuelle qui a vu la suppression d'un quart des effectifs entre 2002 et 2016 - et de la masse salariale jusqu'en 2020, grâce à un recours accru aux salariés de droit privé pour des missions qui ne sont pas de police. À qualification et ancienneté égales, un fonctionnaire coûte 20 % plus cher à cause des cotisations qui doivent alimenter le compte d'affectation spéciale (CAS) « pensions ». Comme l'avait préconisé la Cour des comptes, l'Office remplace les 200 fonctionnaires qui partent en retraite chaque année par 70 % de fonctionnaires et 30 % de salariés de droit privé. Cette situation explique les difficultés avec les six syndicats de fonctionnaires de l'Office qui vivent douloureusement cette substitution même progressive.
Par ailleurs les organisations syndicales de salariés s'inquiètent de l'aboutissement, en avril ou en mai, de la négociation sur la convention collective nationale des salariés de l'Office : celle-ci se substituera aux 14 conventions collectives des ouvriers existantes et je précise qu'il y en avait 62 auparavant, car les conventions ont historiquement été faites par département puis par région. Il fallait aussi englober les techniciens et agents de maîtrise et les cadres dans le champ de cette négociation. Pour ma part, j'ai confiance en l'implication de tous les personnels dans le processus de transformation entamé depuis 2015 afin de garantir l'avenir de notre bel établissement.