Intervention de Christian Dubreuil

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 mars 2018 à 9h30
Audition de M. Christian duBreuil directeur général de l'office national des forêts onf

Christian Dubreuil, directeur général de l'Office national des forêts (ONF) :

Après 41 ans de carrière au service de l'État, j'assume mes responsabilités. Mais elles sont celles du directeur général de l'ONF, pas du ministre de l'agriculture, du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de l'action et des comptes publics, ni de gestionnaire de la filière forêt-bois ou de gestionnaire de la forêt privée. Si bien que sur beaucoup de sujets, je pourrai vous donner mon opinion, mais pas m'engager sur des décisions qui ne relèvent pas directement de l'ONF.

Faut-il tout remettre sur la table ? Le Gouvernement répond : il faut appliquer le contrat d'objectifs et de performance, tout le contrat, rien que le contrat. Ce contrat court jusqu'au 31 décembre 2020. Après les élections municipales, de nouvelles négociations seront engagées avec la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) : elles se poursuivront jusqu'à l'automne 2020, et devraient conduire à un neuvième contrat d'objectifs et de performances, pour la période 2021-2026. Tel est le paysage de la mission que m'a confiée le gouvernement. Et je crois qu'il a raison, non seulement parce que je suis loyal, mais parce que je me souviens de la situation conflictuelle qui a présidé, entre 2014 et 2015, aux discussions sur le COP, parce que l'État souhaitait porter de 30 à 50 millions d'euros la contribution forestière. Nous avons renoué, depuis, de bonnes relations avec la Fédération des communes forestières et les 11 000 communes concernées, dont 4 000 en sont adhérentes. Il ne faut pas remettre le sujet sur la table avant 2020, et ce sera alors votre responsabilité d'élus d'émettre un avis si l'État souhaite de nouveau augmenter la contribution des communes. Il n'y aura donc aucune modification statutaire de l'Office : c'est un Epic, gestionnaire unique de la forêt publique - celle de l'État et des communes - mettant en oeuvre le régime forestier dans une situation dérogatoire où il accueille des fonctionnaires, majoritaires - et qui le resteront encore longtemps - et des salariés.

Mme Anne-Catherine Loisier s'est inquiétée de la situation des communes forestière. Tout le monde défend le régime forestier et vise à l'étendre aux surfaces qui doivent en relever, y compris dans les Landes. La production forestière représente, pour les communes, une recette d'environ 250 millions d'euros par an. Le financement du régime forestier, qui coûte quelque 170 millions d'euros, est assuré à 80 % par l'État et 20 % par les communes forestières, soit 30 millions d'euros. Ce ratio va rester stable jusqu'en 2020, comme prévu dans le contrat. L'État paye, annuellement, 140,4 millions d'euros, qui correspondent à sa part dite « versement compensateur ».

Je rappelle aussi que l'ONF a un réseau très dense dans le monde rural : 320 unités territoriales, dans chacune desquelles exercent sept ou huit « techniciens forestiers territoriaux » - je tiens à cette appellation contre celle que l'on voit encore fleurir de « garde forestier », qui n'est pas très honorable pour des gens qui sont tous, aujourd'hui, bac+2, voire au niveau licence, ou celle, retenue naguère, d' « agent patrimonial », parce que le qualificatif d'agent, dans la fonction publique territoriale, s'applique à la catégorie C, alors que les techniciens de l'ONF sont de catégorie B, et que le mot « patrimonial » me paraît mal prendre en compte le fait que la forêt n'a pas qu' une vocation économique, comme l'ont souligné nombre d'entre vous.

Je comprends que des interrogations s'élèvent sur la gestion des forêts communales, mais le dialogue a bien lieu : tous les mois, au sein de la commission nationale pour la forêt communale mais aussi du conseil consultatif de la forêt communale constitué au sein du conseil d'administration. J'ajoute que le président de la FNCOFOR est le premier vice-président de l'ONF. Comme il le dit lui-même : « la confiance est revenue ».

Le regroupement de l'offre communale figure, il est vrai, dans le COP. Il a beaucoup progressé, mais l'offre des communes reste émiettée, alors que la demande des industriels est globale. Un tel regroupement pourrait conduire à offrir, sur des massifs forestiers, du bois issu à la fois des forêts domaniale, communale et privée.

J'en viens à la question sociale. La conflictualité est consubstantielle à l'ONF, depuis sa création : il en est ainsi des milieux « rugueux », où le conflit est de tradition. À quoi j'ajoute que le dialogue social est toujours difficile en France en période de réforme. L'Office, durant un certain temps, n'a pas fait évoluer ses organisations et ses méthodes, et un retard s'est accumulé dans ce domaine.

Je suis sensible à ce que vous ont dit les organisations syndicales, dont je suis très respectueux pour avoir longtemps été inspecteur du travail et moi-même syndiqué. Mais il faut garder à l'esprit que les syndicats ne représentent pas l'ensemble du personnel de l'établissement. Sur les 10 000 salariés et fonctionnaires de l'Office, seuls 10 % ont fait grève lors du dernier mouvement, en décembre dernier. De deux choses l'une, soit on considère que ces 10 % de grévistes témoignent d'un problème majeur, soit on estime que l'existence de 90 % de non-grévistes indique que la situation sociale de l'Office ne correspond pas exactement à ce qui est décrit dans les tracts que vous avez reçus.

Se pose, ensuite, ce problème bien français de la division syndicale. Il y a onze organisations syndicales à l'Office, six de fonctionnaires et cinq de salariés, porteurs de visions différentes. Après quatorze ans, entre 2002 et 2016, de baisse des effectifs, à hauteur de 100 à 150 emplois chaque année, on pouvait comprendre qu'il y ait matière à discussion. Mais depuis, l'ONF est le seul établissement placé sous la double tutelle du ministère de l'agriculture et du ministère de la transition écologique dont les effectifs ne baissent pas. Il y a eu, certes, des difficultés lors des discussions sur le COP, auquel les syndicats se sont opposés, estimant qu'il n'offrait pas assez de garanties sur l'avenir économique de l'Office, mais il est difficile de comprendre, alors qu'aucun emploi ni aucun de nos 2000 sites ne sont supprimés, que l'on en vienne à un tel point de crispation.

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