Cela fera l'objet de prochaines discussions avec le ministre, Stéphane Travert. Il faut investir dans les scieries pour les moderniser et garantir leur pérennité. L'État peut y pourvoir mais aussi les conseils régionaux. Pour ces derniers, mon expérience me fait dire que les Régions doivent investir dans l'aval forestier plutôt que dans l'amont. Par exception, l'ONF n'est copropriétaire que d'une scierie, à La Réunion, et cela n'a pas été un succès : à chacun son métier.
Outre-mer, nous sommes également présents en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte. Nous intervenons aussi dans la seule forêt boréale française, à Saint-Pierre et Miquelon. Au conseil d'administration, un comité consultatif des forêts d'outre-mer a été créé, qui assure des rencontres régulières entre l'ONF, la FNCOFOR et les élus d'outre-mer. Les situations sont diverses. Aux Antilles, il s'agit de préserver les forêts de l'urbanisation, sachant que dans ces deux îles, en passe de devenir des conurbations, la forêt littorale est menacée et que la production de bois étant inexistante, elle ne saurait être un moyen de financement. Ailleurs, l'effort va plutôt à la préservation de la biodiversité, cofinancée par les collectivités. L'Office fait des prélèvements minimes dans l'énorme forêt tropicale de Guyane - pas plus de cinq arbres à l'hectare - et se heurte à des difficultés assez considérables, puisque les pistes forestières que l'on ouvre ne durent qu'un an - après quoi la végétation les envahit - ce qui exige des investissements importants. Autant dire que l'exploitation de cette forêt est pour nous sévèrement déficitaire. Sans compter les débats, que l'on ne saurait méconnaître, sur la gestion de cette forêt tropicale, dont certains estiment qu'il ne faudrait pas trop l'exploiter, par un rapprochement audacieux avec la forêt amazonienne, effectivement surexploitée. A La Réunion, avec notre filiale Sciages de Bourbon, qui a connu des heurs et des malheurs, nous mettons en place une filière destinée à exploiter des plantations de cryptoméria. Tout ceci pour dire que je suis sensible aux problématiques diverses de l'outre-mer, d'autant que j'ai été directeur de cabinet du ministre Louis Le Pensec.
Monsieur Daniel Gremillet a évoqué l'enjeu de la replantation. Comme pour la rémunération des aménités positives, il faut que l'État, les collectivités territoriales, l'aval de la filière s'en saisissent. La régénération naturelle est le mode traditionnel, en France, de renouvellement de la forêt : c'est le mécanisme le moins onéreux. Le chêne produit des glands de manière erratique - c'est ce que l'on appelle le masting du chêne - et il suffit de les laisser pousser, de prélever le chêne lorsqu'il atteint 180 ans et de « dépresser » ce qui pousse, c'est à dire d'en réduire la densité, pour obtenir le même résultat 180 ans plus tard. Mais cela suppose qu'il n'y ait pas de déséquilibre sylvo-cynégétique. Or, par exemple dans le grand quart nord-est, tel n'est pas le cas. Dans la forêt domaniale du Donon, qui aurait dû être classée forêt d'exception, nous n'exploitons pas les bois car si nous le faisions, elle disparaîtrait : les chevreuils et les cerfs abroutissent les jeunes plants, c'est à dire les consomment, interdisant à la forêt de se régénérer. Avec nos amis chasseurs, nous dialoguons dans le cadre des programmes régionaux de la forêt et du bois, en cours d'élaboration. Dans le nord-est, les 17 partenaires de la filière interpellent le préfet de région et les fédérations de chasseurs : la filière amont et aval, tant privée que publique ne pourra pas durablement s'engager si l'on ne résout pas ce problème. Il y a eu des plans de chasse dans les années 1970, à une époque où le cerf était menacé, mais tel n'est plus le cas aujourd'hui. Dans les Alpes, on voit même des cerfs à 1500 mètres d'altitude, alors que cette espèce ne s'y rencontrait jamais auparavant.
Sans rétablir le Fond forestier national, il faudrait que l'État investisse dans la plantation, que les collectivités y contribuent, en associant les partenaires privés. Le chiffre de 70 millions de plants par an est ridiculement faible, alors que notre pays peut compter sur sa belle filière pépiniériste privée et que l'Office dispose d'une pépinière de chênes en Seine-Maritime.
Au-delà, la question de l'acceptabilité sociale est récurrente. Sur le territoire de mon Président, maire d'Avallon, un « commando » a éradiqué les Douglas plantés dans sa forêt communale, au motif que cet arbre était une espèce invasive venue des États-Unis. Pourtant, j'ai toujours vu de très beaux Douglas dans mon Beaujolais d'origine, qui se vendent très bien et alimentent la transformation...
M. Daniel Gremillet a également souligné la nécessité des préoccupations économiques. Je suis violemment critiqué pour parler de l'ONF comme d'une entreprise publique plutôt que comme d'un établissement public. En dehors du débat sur l'utilité de l'entreprise - cette querelle qui dure depuis 30 ans me semble avoir été surmontée en France - je m'efforce de faire entendre à mes collaborateurs que l'on doit contribuer à l'économie de ce pays - après tout, les financements publics, ce sont les impôts des Français - et être un partenaire de la filière, non plus dormant, comme l'ONF l'a trop longtemps été pour l'interprofession, mais actif. Nous le sommes désormais, dans une filière qui mérite d'être mieux structurée. Ni nos concitoyens ni l'État ne sont prêts à en revenir à un ONF gardien de la nature. Je dois préciser que le syndicat majoritaire des fonctionnaires de l'Office, qui recueille 40 % des voix aux élections porte une vision différente. Il défend d'abord une transformation de l'Epic en établissement public administratif, qui n'emploierait que des fonctionnaires, avec des ouvriers forestiers devenant des ouvriers d'État, comme dans les arsenaux. Autre revendication : passer de la tutelle principale du ministère de l'Agriculture à celle du ministère de la Transition Écologique, afin de se concentrer sur le respect de la biodiversité, à l'aube de l'extinction des espèces, le financement étant principalement assuré par des dotations publiques, que la vente de bois viendrait accessoirement compléter. Je vous laisse juges. Je ne suis qu'un fonctionnaire qui met en oeuvre une politique et à ce titre, la question est pour moi tranchée. À ma connaissance, ni le Président de la République ni le Premier ministre ni le ministre de la Transition Écologique même n'ont l'intention de souscrire à cette ligne de conduite. J'ajoute que le gestionnaire que je suis reçoit, comme tout gestionnaire, des injonctions contradictoires - tout comme les maires, me fait observer la Présidente Sophie Primas. On demande à l'Office de faire de l'économique, au bénéfice de la filière, de l'environnement, en protégeant la biodiversité, du social, en organisant un accueil et une éducation à l'environnement gratuits en forêt, et tout cela en lui disant de se débrouiller avec son modèle économique. Ce n'est pas simple. Un exemple : le Gouvernement et le Parlement ont décidé de créer le onzième parc national, un parc forestier de plaine entre Bourgogne et Champagne, sur les départements de la Côte-d'Or et de la Haute-Marne. Cette décision, issue du Grenelle de l'environnement, consiste donc à créer un parc dont 85 % de la surface sera forestière, une forêt productive de feuillus, dont des chênes, qui vont manquer à la production de bois. Cela suppose de créer une réserve biologique de 3000 hectares, qui va instantanément faire disparaître 20 000 mètres cubes de production et 30 000 mètres cubes à terme. On me dit qu'un jour l'ONF sera compensé de cette perte. Mais qui compensera la perte des scieurs ? Quand je parle d'injonctions contradictoires... J'ajoute que ce parc doit se mettre en place à la fin de l'année prochaine et l'on ne sait pas qui le gèrera et quel sera le rôle de l'ONF.
À Madame Denise Saint-Pé, je répondrai que le label n'est pas trop cher : ce n'est pas lui qui amène les producteurs à vendre à l'exportation en Chine, à Singapour ou au Vietnam. En forêt publique, il faut adhérer au label pour participer aux ventes de l'ONF, et c'est une bonne mesure, qui réserve des bois à nos industriels. En forêt privée, la décision est libre.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, il y a eu des difficultés entre l'ONF et l'institution patrimoniale du Haut-Béarn, qui sont aujourd'hui réglées dans un accord passé sous l'autorité de la sous-préfète. Vous me permettrez, dans ces conditions, de maintenir ma confiance au directeur régional de l'Office.
En réponse à Monsieur Alain Duran, l'ONF dispose bien d'une comptabilité analytique : la Cour des comptes nous demandait seulement de l'améliorer, ce qui a été fait, et cela figure dans la partie du rapport de la Cour concernant le suivi de ses recommandations.
À la question de Monsieur Pierre Cuypers, je réponds qu'en Ile-de-France, il y a effectivement du bois et des urbains mais pas de scierie. Si l'on convainc les urbains de faire un bon usage du bois, cela ouvre un marché formidable. Je rappelle que l'urbanisation haussmannienne, que l'on croit totalement basée sur l'usage de la pierre, s'est faite à 40 % en bois. Il s'agit, et le conseil régional s'y attelle, de persuader nos concitoyens de demander plus de bois dans la construction et dans le design. Il faut ensuite augmenter le prélèvement en forêt, en étant attentif à la sensibilité des urbains, que j'ai évoquée. Nous avons fait évoluer notre sylviculture, prouvant ainsi que l'ONF n'est pas immobile, en passant de la futaie « régulière » à la futaie « irrégulière », afin d'éviter les coupes claires que nos concitoyens ne supportaient pas, et d'opérer des prélèvements sans bouleverser le paysage. Le rapport de M. Kurt Salmon remis par le Conseil économique, social et environnemental régional contient une série de propositions dont l'une relative à la communication. Je pense qu'implanter une scierie en Ile-de-France restera difficile, mais structurer l'amont de la filière pour approvisionner des scieries dans des régions proches est faisable. Surtout, il faut convaincre nos concitoyens de la nécessité de renouveler les forêts. Si l'on échoue en Ile-de-France, cela ne sera pas un bon signal pour les autres grandes métropoles. Or, ce n'est pas inéluctable. Rouen a une ceinture forestière remarquable, classée forêt d'exception, qui entretient des relations optimales avec cette métropole. La population de Rouen a compris que la forêt domaniale qui enserre la ville contribue à sa qualité de vie, une forêt multifonctionnelle qui remplit une mission à la fois économique, sociale et environnementale.
Le label ISO, Monsieur Jean-Pierre Decool, a servi à l'Office à se moderniser, mais il s'agit d'une procédure interne : le label le plus opérationnel est le PEFC, label mondial d'origine européenne et notamment française. Les forêts domaniales sont à 100 % sous label PEFC, les forêts communales à 70 %. Ce label garantit la bonne gestion des forêts, et c'est pourquoi on a abandonné ISO, qui témoigne seulement que les collaborateurs de l'ONF ont bien lu les normes... Nous avons, en outre, entrepris une double certification PEFC et FSC dans deux forêts normandes, sur 7000 hectares parce que des industriels de l'aval de la filière veulent aussi cette labellisation d'origine anglo-saxonne très reconnue mondialement, au point que certains de leurs clients ne veulent que du bois FSC. Ils ont tort, mais en économie libérale, le client est roi. De même, 8000 hectares de forêt ont été labellisés FSC par l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France, ainsi que la forêt communale d'Autun. Cela dit, nous n'abandonnerons jamais le label PEFC, et nous ne procéderons à la double labellisation que si les industriels le demandent.
Monsieur Jean-Pierre Moga, le soutien de l'Office à la filière passe par les contrats que j'ai évoqués. Vous vous étonnez que l'on vende les bois en amont, alors que la valorisation est supérieure en aval de la filière. Cette question du partage de la valeur ajoutée se pose de la même manière que dans la filière agricole. L'amont forestier considère que l'aval capte l'essentiel de la valeur ajoutée. Mais encore une fois, les prix des bois sont à un niveau historiquement bas et s'ils augmentaient, nous irions tous mieux.
À M. Jean-Claude Tissot, je réponds qu'ONF-Énergie structure 25 % de la filière. Nous sommes, grâce à cette entreprise conjointe entre l'ONF et la FNCOFOR un acteur majeur de ce secteur, mais nous n'en sommes pas l'acteur unique. Cette filiale, que je préside, est bénéficiaire, preuve que l'on peut tout faire dans l'administration...
L'ONF, Monsieur Alain Chatillon, est structuré comme un Epic : ce n'est pas tout à fait une entreprise, mais plus du tout une administration. Nous avons, bien entendu, une direction des ressources humaines, gérée par un salarié de droit privé, une direction commerciale, bref, une organisation pertinente que nous avons fait l'effort, l'an dernier, d'adapter à la nouvelle carte des régions instituée par la loi NOTRe, si bien que nous sommes passés de neuf à six directions territoriales. Nous avons 51 agences départementales ou pluridépartementales. L'Office a sans doute des problèmes, mais son organisation fonctionne.