Intervention de Yannick Moreau

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 mars 2018 à 9h35
Audition de M. Pierre-Louis Bras président du conseil d'orientation des retraites cor et de Mme Yannick Moreau présidente du comité de suivi des retraites csr

Yannick Moreau, présidente du Comité de suivi des retraites (CSR) :

Le COR a été créé dans un contexte historique particulier. Après la réforme de 1993, puis les mouvements sociaux de 1995, la reprise du dialogue fut difficile. Le rapport de Jean-Michel Charpin au Premier ministre pour le commissariat général au plan, commis en 1999 après huit mois de travaux auxquels les syndicats ont été associés dans des conditions discutables, fut ainsi l'occasion d'un désaccord profond sur les chiffres. Le rapport réalisé par René Teulade pour le Conseil économique et social, publié en janvier 2000, annonce d'ailleurs, à rebours de celui de Jean-Michel Charpin, qu'il n'est nul besoin de financement supplémentaire pour le système de retraite. Il est alors apparu nécessaire de disposer d'un organisme permanent chargé de réaliser un diagnostic partagé et des projections banalisées et dépolitisées, indépendamment des études demandées par l'exécutif. Le COR a parfaitement rempli cette mission, malgré des désaccords en son sein sur les solutions à apporter. Pourquoi, dès lors, créer le CSR ?

Lorsque j'ai piloté la commission en charge de la préparation de la réforme des retraites de 2014, à laquelle il était demandé d'établir trois scénarii permettant de réaliser, à court terme, 8 milliards d'euros d'économies, ainsi que de dresser des perspectives de long terme, j'ai réalisé, en m'entretenant notamment avec Didier Blanchet, un expert émérite, à quel point le système de retraite était dépendant de la croissance économique. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait, à juste titre, prévu un rythme quinquennal de réforme des retraites, qui, en réalité, ne correspond pas forcément au temps politique. Les réformes ont donc été réalisées de manière plus erratique. Les régimes spéciaux - on l'oublie trop souvent - ont ainsi été réformés par décret en 2007, et ce pour la première fois. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dans un contexte de crise économique, visait ensuite à répondre à un besoin de financement, qui apparaissait alors considérable. Mais, si une réforme d'envergure n'intervient pas tous les cinq ans, des ajustements, sur les avantages familiaux ou les pensions de réversion par exemple, devraient pouvoir être réalisés facilement, via notamment le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tel n'est malheureusement pas le cas, les politiques ne faisant pas montre d'un goût immodéré pour réformer au long cours les retraites : lorsqu'ils réussissent à imposer une réforme, ils n'ont guère envie d'y revenir.

Le COR est chargé d'apporter des données fiables au débat - son moteur de recherche est d'ailleurs de grande qualité -, mais les partenaires sociaux qui composent une partie de son collège ne veulent pas en faire pour autant un instrument d'alerte ni de proposition de mesures. Ils préfèrent en effet dialoguer directement de ces questions avec l'exécutif. Seuls les experts, à condition qu'ils demeurent à leur place, peuvent jouer le rôle d'alerte du Gouvernement ; tel est le rôle du CSR et la raison de sa création. Il s'appuie sur les données, par nature légitimes, publiées dans le rapport annuel du COR sur les indicateurs fixés en fonction des objectifs assignés au système de retraite par la loi de 2014. Si les indicateurs apparaissent préoccupants, le CSR fait une recommandation au Gouvernement, qui se doit alors d'agir. Pendant quatre ans, il a estimé qu'il n'y avait pas motif à recommandation, sauf s'agissant des régimes de retraites complémentaires, qui dépendent des partenaires sociaux, point qu'il a signalé au Gouvernement. En revanche, en 2017, en raison de la modification des hypothèses démographiques de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), que le COR prend comme base à raison, le rapport du COR a fait apparaître de nouveaux besoins de financement, conduisant le CSR à faire une recommandation au Gouvernement, assortie néanmoins de larges marges de manoeuvre s'agissant du calendrier et des solutions à apporter.

Notre avis a été rendu en juillet 2017 alors que le nouveau Gouvernement venait d'entrer en fonction en annonçant une vaste réforme des retraites. Formuler une recommandation précise nous est alors apparu hors de propos.

Le Gouvernement doit, désormais, suivre notre recommandation ou expliquer son choix s'il venait à préférer l'immobilisme. Au-delà de cette recommandation, le CSR s'est senti libre également de transmettre certaines observations, sans qu'elles n'aient toutefois de valeur juridique. Le CSR aurait en réalité pu se nommer « comité de pilotage », mais le Président de la République de l'époque ne souhaitait pas heurter les partenaires sociaux. Quoi qu'il en soit, nos travaux représentent la première version d'un pilotage nécessaire du système de retraite.

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