J'ai entendu des critiques sur le fait que nous faisions des prévisions à 2070. Je l'ai dit, nous ne prétendons pas prévoir le futur ! Néanmoins, le système de retraite est comme un paquebot : les évolutions sont très lentes et leurs effets ne sont parfois perceptibles qu'à très long terme... Nous faisons aussi des projections sur des durées plus courtes. C'est au lecteur, au législateur, de prendre les éléments qui l'intéressent et lui semblent pertinents. Je ne crois pas que nous devions a priori réduire l'horizon de ces projections, même si elles vont au-delà de ma propre espérance de vie...
J'ai aussi entendu des remarques critiques sur l'utilisation des moyennes. Le COR peut aussi s'exprimer sur la dispersion des retraites, mais il nous faudra beaucoup plus de temps que ce matin... Aujourd'hui, les inégalités entre les retraités sont moins importantes que celles qui existent entre les actifs. En effet, le système est largement contributif - en cela, il reproduit les inégalités de la vie active -, mais il est aussi solidaire, ce qui réduit ces inégalités : je peux par exemple citer le plafonnement des cotisations et des pensions ou encore les nombreux mécanismes qui rehaussent les petites retraites (minimum contributif, ASPA, avantages pour les femmes...). Ainsi, pour les actifs, le rapport entre les revenus du premier et du dernier décile s'élève à 3,9 ; il est de 3,5 pour les retraités. Des éléments de solidarité l'emportent donc, malgré de forts aspects anti-redistributifs.
Vous m'avez interrogé sur les comparaisons internationales. Une personne qui commence sa carrière à 22 ans partira en retraite à 65 ans en France avec une pension complète, lorsque toutes les réformes seront en vigueur, ce qui est un ou deux ans de moins que dans les autres pays. En France, les gens partent donc plus tôt en retraite.
De son côté, le rapport entre le niveau de vie des plus de 65 ans et celui de l'ensemble de la population est sensiblement plus favorable en France pour les ainés que dans les autres pays : ce rapport y atteint 103, tandis qu'il dépasse tout juste 80 en Belgique ou au Royaume-Uni, un niveau proche de celui qui sera atteint en France dans plusieurs années dans le droit actuel. Les comparaisons avec les États-Unis sont moins fiables, parce que beaucoup de retraités travaillent.
Le système de retraite français est donc plus généreux que dans les autres pays, tant en termes d'âge que de niveau des pensions, ce qui explique que sa part dans le PIB est aussi plus élevée. En Allemagne, cette part du système de retraites dans le PIB est inférieure d'environ 4 à 5 points, dont un point s'explique par une convention statistique liée à la manière de prendre en compte les régimes complémentaires.
Les réformes déjà faites aboutissent à une relative et lente normalisation par rapport aux autres pays. Je note que prélever de la CSG supplémentaire sur certaines retraites revient finalement à baisser les pensions. Tout est affaire de convention statistique...
Nous avons publié en novembre 2017 un rapport présentant le bilan des retraites, régime par régime. Vous y trouverez donc des éléments sur les travailleurs indépendants.
En ce qui concerne les régimes spéciaux et l'étude de l'Ifrap qui conteste non pas les conclusions du COR, mais celles de la Drees, le service statistique des ministères sociaux, je rappelle que celle-ci a réalisé une simulation, visant à appliquer aux fonctionnaires les règles du secteur privé afin d'évaluer les éventuelles iniquités.
Sur l'âge, il est évident que de nombreux fonctionnaires (policiers, pompiers, aides-soignants...) devraient dans ce schéma partir plus tard en retraite, parce qu'ils sont actuellement classés en catégorie active et partent donc aujourd'hui plus tôt. En revanche, certaines femmes fonctionnaires partiraient plus tôt si les règles du privé s'appliquaient à elles, parce que la majoration de durée d'assurance y est plus importante : deux ans contre six mois.
Sur le niveau des pensions, la Drees conclut qu'il serait globalement similaire si les règles du privé s'appliquaient aux fonctionnaires. Il s'agit évidemment d'une moyenne, mais les fonctionnaires qui ont peu de primes gagneraient plutôt à se voir appliquer les règles du privé et ceux qui en ont beaucoup et sont dans la limite du plafond y perdraient.
Ces résultats me paraissent solides. L'Ifrap a fait le même exercice, mais sur un échantillon plus petit et en ne prenant pas en compte les primes, ce qui n'est guère convaincant. Sincèrement, je fais confiance aux services statistiques de mon pays et je ne jette pas la suspicion du simple fait que les études sont réalisées par des fonctionnaires... Le débat est toujours intéressant, mais il doit reposer sur des bases saines de discussion.