Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 mars 2018 à 17h25
Politique commerciale — Proposition de résolution européenne de m. jean-claude requier en vue d'un accord de libre-échange entre l'union européenne et le mercosur : rapport de mm. pascal allizard et didier marie

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Qu'en est-il des exigences sanitaires et phytosanitaires strictes de l'Union européenne sur la qualité et la sûreté des produits entrant sur son territoire ? Des contrôles permettent d'évaluer la conformité sanitaire des produits finis par rapport aux normes européennes pour les consommateurs. Certes, ils ne permettent pas de déterminer que les conditions de production sont conformes à celles imposées aux producteurs français. C'est cet écart dans les pratiques agricoles de part et d'autre, indépendamment de la qualité sanitaire du produit fini exporté qui a un effet-prix important, en défaveur des producteurs français. Cet accord devra prévoir l'engagement des filières exportatrices à aligner progressivement leurs pratiques sur les nôtres.

En amont, sur le territoire du pays exportateur, c'est la Commission, à travers sa Direction générale Santé, qui procède régulièrement à des audits sanitaires et phytosanitaires auprès de la filière exportatrice, avant d'en certifier la conformité aux standards européens et de délivrer un agrément. Ensuite, comme pour toutes les viandes importées depuis des pays tiers, les lots font l'objet d'un contrôle documentaire systématique à leur arrivée au sein de l'Union européenne, réalisé par les services vétérinaires de l'État membre.

La filière bovine française, durablement fragilisée, enregistre un déficit commercial de 230 millions d'euros, seule dans ce cas parmi les filières bovines des autres États membres. L'ouverture commerciale, par la succession d'accords de libre-échange déjà négociés et à venir, ne doit pas faire de cette filière la variable d'ajustement en fin de négociation. En même temps, il serait dommageable que des opportunités commerciales pour de nombreux autres secteurs, y compris agricoles, s'en trouvent bloquées. Nous pensons qu'il serait souhaitable que les pouvoirs publics engagent, conjointement avec la filière, une stratégie d'adaptation à une ouverture commerciale équilibrée, comportant un soutien public conditionné à des engagements de la filière elle-même.

La conclusion récente de certains accords de libre-échange peut aussi procurer des opportunités à l'export : le récent accord conclu avec le Japon a permis d'ouvrir un contingent de 48 000 TEC de viande bovine exportables dans le pays. Enfin, la récente décision de levée par la Chine de l'embargo sur la viande bovine française, institué à la suite de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), pourra également constituer une opportunité forte lorsqu'elle sera opérationnelle, ce qui pourrait advenir dans l'année en cours. Sur ces grandes questions, il faut trouver des solutions sans pénaliser les autres.

Les principaux ajouts que nous proposons au texte de Jean-Claude Requier et de nos collègues du RDSE, outre quelques aménagements de formes, répondent aux principales préoccupations suivantes : rappeler que l'Union européenne et la France ont de nombreux intérêts offensifs à faire valoir, pour les secteurs industriels et ceux des services, mais aussi agricoles et agro-alimentaires ; réaffirmer la nécessaire définition par la Commission européenne d'une enveloppe globale de concessions soutenables. Cette notion d'enveloppe globale est apparue en 2008, dans le cadre des négociations sur le volet agricole à l'OMC. La Commission s'était alors engagée à ne pas ouvrir le marché européen à hauteur de plus de 4 % de la consommation européenne pour chaque produit sensible. La consommation européenne de viande bovine s'élevait en 2016 à 10,3 millions de TEC. La base de travail d'un seuil de 4 % correspondrait alors à des contingents totalisant 412 000 TEC ; rappeler que les filières exportatrices de ces pays vers le marché européen sont tenues d'ores et déjà de respecter la totalité du corpus règlementaire exigé par l'Union en matière sanitaire et phytosanitaire ; donner à la Commission la possibilité de renforcer encore ses capacités d'audit et de contrôle et ses moyens de lutte contre la fraude commerciale ; inscrire dans l'accord l'engagement des pays partenaires à orienter progressivement leurs filières exportatrices vers des modes de production et de pratiques agricoles comparables aux nôtres ; proposer un mécanisme de stabilisation sur les prix qui permettrait à la Commission, par la mise en oeuvre d'un système d'alerte, de suspendre les tarifs contingentaires préférentiels dans le cas où le niveau des prix sur le marché intérieur atteindrait un niveau manifestement trop bas ; rappeler enfin l'intérêt offensif majeur de la France quant à la reconnaissance et la protection des indications géographiques - sujet que nous retrouvons quasiment à chaque fois dans ces accords.

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