Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 mars 2018 à 17h25
Politique étrangère et de défense — Mission d'observation électorale de l'ap-osce en russie : communication de m. pascal allizard

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Je me suis effectivement rendu avec plusieurs collègues très près de la Sibérie lors d'un récent déplacement dans le cadre des travaux que nous menons sur les routes de la soie. Mais dans le cas présent, je ne suis pas allé plus loin que Moscou.

Le 18 mars dernier a eu lieu l'élection présidentielle en Russie dans un environnement parfaitement contrôlé. Il ne semble pas qu'il y ait eu un vrai débat démocratique ni une véritable compétition entre les huit candidats (une femme et sept hommes, dont le président sortant). Sans évoquer une ambiance de guerre froide, le scrutin s'est déroulé dans un contexte international des plus tendus, à cause notamment de l'affaire de l'ancien espion russe Skripal et de sa fille retrouvés en fort mauvais état dans un parc de Salisbury en Grande-Bretagne, de l'annexion de la Crimée par la Russie, territoire où la France, comme la majorité des pays occidentaux, ne reconnaît d'ailleurs pas le résultat du scrutin, bien que Vladimir Poutine y ait obtenu 92 % des suffrages, et des récentes interventions de ce dernier sur les nouvelles armes invincibles de la Russie et la portée de ses milices balistiques. J'attire cependant votre attention sur le fait que, si notre logiciel de lecture occidental nous conduit à critiquer, à juste titre, certains actes, nos critiques ne font que renforcer, en Russie, la position de Vladimir Poutine.

Il semble que les candidats aient ensuite joui de la liberté de faire campagne. Un débat télévisé les a réunis, à l'exception notable de Vladimir Poutine, dans un jeu de questions-réponses parfaitement préparé, qui ne fut pas exempt de quelques éléments de folklore, à l'instar des échanges d'insultes et des jets de verres d'eau. Certains opposants ont dénoncé une élection, qui en avait l'apparence sans en être réellement une selon les canons démocratiques.

Ces différents éléments de contexte, qui indiquent qu'en réalité l'élection était gagnée pour le président sortant avant même sa tenue, ont été rassemblés par les observateurs de long terme de l'OSCE, arrivés en Russie environ six semaines avant la date de l'élection. L'éviction, pour des raisons judiciaires, du principal opposant au président sortant (Alexeï Navalny), qu'une agence indépendante gratifiait de 2 % des suffrages, en constitue une intéressante illustration. Son résultat aurait pu atteindre, selon les conversations que j'ai pu avoir à Moscou dimanche dernier avec des experts, entre 7 % et 8 % des suffrages, un score quoi qu'il en soit insuffisant pour inquiéter Vladimir Poutine, ce qui conduit à s'interroger sur l'intérêt que le Kremlin pouvait avoir à le faire exclure de la compétition. Il n'y a en réalité aucune opposition crédible au président sortant.

Une commission centrale des élections, qui émane du pouvoir et apparaît donc peu indépendante, a été chargée de l'organisation du scrutin. Elle a pour autant écarté plusieurs responsables de commissions territoriales ou locales soupçonnés de tricherie. En outre, le droit de se réunir et la liberté d'association, ainsi que la liberté d'expression ont été octroyés à géométrie variable selon les régions, selon des problématiques de salle, d'autorisation et de sécurité.

Pour Vladimir Poutine, l'enjeu majeur de cette élection gagnée d'avance était finalement celui du taux de participation, ce qu'avait parfaitement compris Alexeï Navalny lorsqu'après son éviction, il appela les électeurs à ne pas se rendre aux urnes, ce qui lui valut une nouvelle condamnation. La participation devait être la plus élevée possible, notamment pour avaliser la politique du président concernant l'annexion de la Crimée : face aux critiques occidentales, attisées récemment par les tensions entre Londres et Moscou, la Russie, seule contre tous, devait faire front commun et montrer au monde le visage d'un grand pays démocratique. Le pari fut remporté, avec une participation de l'ordre de 67 % à 68 %, soit deux à trois points de plus que lors de la précédente élection présidentielle.

Quant à la journée du vote elle-même, les observateurs de l'OSCE n'ont pu que constater, au regard des 2 500 bureaux de vote contrôlés, sa parfaite organisation. Pour ma part, en binôme avec un député français, j'ai été affecté dans le secteur sud de Moscou à l'observation de treize bureaux de vote entre 7 heures et 22 heures, y compris pour la clôture et les opérations de dépouillement. Si les procédures de vote sont différentes des nôtres, nous n'avons constaté qu'un très petit nombre de problèmes, comme d'ailleurs les autres observateurs, ce que je puis vous affirmer ayant eu la chance d'intégrer un panel de sept à huit observateurs de l'OSCE autour de son ancien président Ilka Kaverna, afin de rendre compte du déroulement de la journée. De l'avis général, la transparence s'est grandement améliorée depuis les élections législatives de 2016 et la fraude est en recul.

Il régnait autour des bureaux de vote une ambiance de kermesse : animations pour enfants, concerts de musique, petits marchés, autant d'attractions pour inciter la population à aller voter.

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