Intervention de Roland Courteau

Réunion du 5 février 2009 à 15h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 30

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Bien sûr, il faut lutter contre « les pollutions maritimes, y compris les macro-déchets et déchets flottants, ainsi que les impacts des activités humaines venant du continent, notamment issus des activités portuaires ». Mais il existe aussi les pollutions par hydrocarbures résultant des dégazages et déballastages, parfois effectués en haute mer par des capitaines de navire dénués de tout scrupule.

En janvier 2003, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la création d’une zone de protection écologique, j’avais rappelé quelques chiffres propres à donner le vertige sur les dégazages et déballastages sauvages, ainsi que sur les autres pollutions par rejets de résidus d’hydrocarbures auxquels se livrent ces véritables voyous des mers, dans une mer fragile, de faible étendue et quasiment fermée : la Méditerranée.

À cette époque, on dénombrait en Méditerranée, au minimum, 1 700 déversements intentionnels chaque année. Ainsi, tous les ans, selon certaines études, des centaines de milliers de tonnes d’hydrocarbures ou de résidus pétroliers étaient rejetées, ce qui représente quinze fois la cargaison du Prestige – le mal nommé ! – ou cinquante fois celle de l’Erika, qui avait sombré en 1999 ! Chaque année, monsieur le ministre d’État, était ainsi rejeté l’équivalent de cinquante fois la cargaison de l’Erika dans cette petite mer. La surface polluée était estimée à 150 000 kilomètres carrés. Et, encore une fois, il s’agissait d’actes volontaires, non d’accidents !

L’unanimité s’était donc dégagée ici, au Sénat, en faveur de ce projet de loi qui devait enfin permettre de rendre applicables toutes les mesures coercitives à l’intérieur de la zone de protection écologique, alors qu’auparavant les interpellations ne pouvaient être effectuées que dans la zone des 12 milles marins, c’est-à-dire à l’intérieur des eaux territoriales françaises, ce qui expliquait d’ailleurs que seule une opération illicite sur cent était sanctionnée.

Cinq ans après l’instauration de cette zone de développement écologique, où en sommes-nous ?

Où en sommes-nous quant aux équipements portuaires permettant aux navires de rejeter proprement leurs déchets ? En 2003, à cet égard, c’était plutôt la misère !

Peut-on affirmer que la création de cette zone de protection écologique et l’aspect dissuasif des sanctions encourues – peines d’emprisonnement et fortes amendes – ont permis une réduction sensible des faits de pollution ?

Selon le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, quatorze poursuites ont été engagées, neuf condamnations ont été prononcées et trois dossiers sont en cours d’instruction. Et cela au cours de cinq dernières années ! Le nombre de pollutions signalées aurait, paraît-il, baissé de 30 % à 40 %. Il y a donc une amélioration, mais la situation reste loin d’être satisfaisante.

De nombreuses pollutions se produisent mais ne sont pas signalées. Quant à celles qui le sont, force est de constater qu’elles ne donnent pas lieu dans leur totalité – il s’en faut ! – à l’interpellation des capitaines fautifs.

Bref, on continue sciemment à massacrer la mer Méditerranée !

Selon les informations dont je dispose, les moyens légers ou lourds de surveillance, de détection des pollutions ou de contrôle seraient encore insuffisants, qu’il s’agisse de leur composante aérienne, navale ou même spatiale, pour la détection des déversements d’hydrocarbures.

Un autre sujet d’interrogation concerne le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Méditerranée, le CROSS-MED, et la préfecture maritime de la Méditerranée : bénéficient-ils du renforcement du système d’identification automatique, l’AIS, dans le cadre du programme SPATIONAV ?

Un tel déploiement, je le rappelle, doit s’effectuer en cohérence avec la directive européenne 2002/59/CE, issue du paquet Erika II et relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires, qui prescrit, pour tout navire faisant escale dans un port d’un État membre, l’emport d’un système d’identification automatique.

Bref, monsieur le ministre d’État, à quoi bon créer une zone de protection écologique en Méditerranée et prévoir dans la loi des peines d’emprisonnement et de fortes amendes à l’encontre des voyous des mers s’il n’y a pas les moyens adéquats de détection, de surveillance et de contrôle pour lutter contre les dégazages et déballastages, non seulement dans les ports, mais surtout, vous l’aurez compris, en haute mer ?

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