L'article 54 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », prévoyait initialement que le législateur définisse, avant le 1er janvier 2017, un nouveau mode de scrutin pour l'élection des conseillers métropolitains. Cette date a été décalée au 1er janvier 2019 par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
Au regard de l'absence notable de consensus politique, devant les difficultés techniques et alors que le Sénat s'est opposé de manière constante à une élection des conseillers métropolitains distincte des élections municipales, notre collègue Mireille Jouve et plusieurs membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen (RDSE) ont déposé une proposition de loi, dont l'article unique vise à abroger l'article 54 de la loi MAPTAM et tend en conséquence à confirmer le mode de scrutin en vigueur aujourd'hui.
Quelques mots, avant d'examiner plus précisément la proposition de loi, sur la situation actuelle des métropoles, que l'on pourrait qualifier d'objets « mal identifiés »...
La notion de métropole regroupe en effet des entités très différentes les unes des autres. Initialement, les métropoles ont été créées pour permettre à de grandes agglomérations urbaines, insérées dans les réseaux d'échanges européens, voire mondiaux, de renforcer leur attractivité et d'accélérer le développement de leur environnement régional. Rapidement, les critères de création des métropoles ont été élargis et l'ambition initiale altérée. Ainsi, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales prévoyait que seules les agglomérations de plus de 500 000 habitants pouvaient se transformer en métropole ; ce fut un échec, puisqu'une seule métropole, celle de Nice-Côte d'Azur, fut alors créée.
La loi MAPTAM a relancé le processus, en assouplissant les critères et en créant directement plusieurs métropoles. À la suite de cette loi, furent instituées quinze métropoles : outre Nice, huit directement créées par le législateur, trois par la création volontaire résultant de la transformation d'une communauté urbaine ou d'agglomération, la métropole de Lyon dont le statut est particulier puisqu'elle est érigée en collectivité territoriale à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution et deux métropoles dont le régime est spécifique, celles du Grand Paris et d'Aix-Marseille-Provence.
La loi précitée du 28 février 2017 a encore assoupli les conditions de création des métropoles et permis l'apparition de sept établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre supplémentaires. Les métropoles sont donc aujourd'hui vingt-deux, dont 21 EPCI à fiscalité propre et une collectivité territoriale à statut particulier, et comptent entre 215 000 habitants pour la plus petite et plus de 7 millions d'habitants pour la plus grande, la métropole du Grand Paris.
Au-delà des différences de taille, les métropoles exercent également des missions très diverses : outre des compétences obligatoires semblables à celles des communautés urbaines, elles peuvent se voir transférer ou déléguer des compétences relevant des départements et des régions, voire de l'État. Ainsi, le taux d'intégration des métropoles varie sensiblement selon les situations et force est de constater que la plus importante d'entre elles, la métropole du Grand Paris, est aussi la moins intégrée.
En ce qui concerne les organes de décision, les métropoles sont d'abord gérées par un conseil métropolitain, tandis qu'une conférence métropolitaine regroupe les maires des communes membres et qu'un conseil de développement rend des avis sur les orientations.
Comme toutes les assemblées délibérantes des établissements publics des EPCI fiscalité propre, le conseil métropolitain est composé sur la base d'une représentation essentiellement démographique des citoyens, avec au moins un siège par commune et sans qu'une commune puisse à elle seule détenir plus de la moitié des sièges. La composition du conseil peut être aménagée localement dans des proportions limitées. Les métropoles créées depuis 2014 font l'objet de régimes transitoires, mais la composition des futurs conseils métropolitains devra être arrêtée au plus tard le 31 août 2019.
Le mode d'élection des conseillers métropolitains est fixé par la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, la métropole de Lyon ayant un statut particulier. Dans les communes de 1 000 habitants et plus est appliqué un système de fléchage, qui lie les élections municipales et métropolitaines : un même bulletin contient deux listes et le scrutin est proportionnel sans modification de l'ordre de présentation des candidats ou panachage. L'électeur choisit donc, au moment du vote, ses représentants au conseil municipal et ceux au conseil métropolitain. Plusieurs règles s'imposent à la composition des listes, ce qui constitue - il faut bien le dire - un véritable casse-tête : respect de l'ordre de présentation des candidats sur la liste municipale, alternance des candidats de chaque sexe, règles des « têtes de liste » et des « trois cinquièmes »... Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les choses sont plus simples : les conseillers métropolitains sont désignés dans l'ordre du tableau des conseils municipaux.
La proposition de loi qui nous est soumise prévoit de maintenir le système actuel de désignation des conseillers métropolitains. Trois raisons militent en faveur d'une telle décision.
Tout d'abord, l'article 54 de la loi MAPTAM repose sur une véritable ambiguïté. Cela tient notamment au fait qu'à l'époque, l'Assemblée nationale était favorable à l'élection des conseillers métropolitains par un scrutin distinct des élections municipales, tandis que le Sénat y était fermement opposé, si bien que la commission mixte paritaire a abouti à un compromis peu clair : une clause de revoyure et la remise d'un rapport du Gouvernement. Sur la forme, cette clause est ambiguë, parce qu'elle n'engage pas le législateur. Seule la tradition républicaine de ne pas changer un mode de scrutin dans l'année qui précède une élection, en l'espèce avant mars 2019, s'impose en pratique. Sur le fond, l'article 54 de la loi MAPTAM ne prévoit pas les modalités du nouveau mode de scrutin, alors même qu'il est généralement considéré que le fléchage constitue bien une élection au suffrage universel direct. La seule difficulté ne concerne donc, éventuellement, que les communes de moins de 1 000 habitants, dont ne sont issus qu'un peu plus de 4 % des conseillers métropolitains. Je note, en outre, que certaines métropoles n'ont aucune commune de moins de 1 000 habitants parmi leurs membres comme les métropoles de Bordeaux, Brest ou Toulon.
Ensuite, il n'existe pas réellement d'alternative crédible au système actuel. Le Gouvernement a publié en janvier 2017 un rapport qui présente trois scénarii, dont aucun ne remplit l'ensemble des conditions requises. Ces conditions sont au nombre de quatre : garantir la représentation de toutes les communes dans le conseil métropolitain - je rappelle qu'il s'agit d'un principe constitutionnel découlant de l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ; répartir les sièges sur une base essentiellement démographique, principe découlant de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2014 Commune de Salbris ; fixer un mode de scrutin intelligible pour les citoyens ; permettre que se dégagent des majorités stables au sein des conseils métropolitains.
Le premier scénario du Gouvernement prévoit la coexistence de deux collèges distincts au sein d'un même conseil métropolitain : l'un composé d'un élu par commune ; l'autre regroupant des représentants élus directement par les citoyens. Plusieurs difficultés apparaissent : le premier collège n'aurait pas de base démographique ; le second distinguerait les élections municipales des élections métropolitaines, ce qui pourrait créer un hiatus entre une majorité municipale et les représentants de la commune au sein du conseil métropolitain. En outre, la légitimité des deux collèges reposerait sur des fondements tout à fait différents.
Dans le deuxième scénario, les conseillers métropolitains resteraient élus dans des circonscriptions communales, mais les élections municipales et métropolitaines seraient dissociées : l'élection se déroulerait au scrutin majoritaire dans les communes disposant de moins de trois sièges au conseil métropolitain et au scrutin proportionnel dans les autres. Les mêmes écueils apparaissent : élection séparée des conseillers municipaux et métropolitains ; problème de stabilité politique, puisque la prime majoritaire serait calculée au niveau communal et non métropolitain.
Enfin, le troisième scénario est proche du scrutin que nous connaissons pour les conseils régionaux : le conseil métropolitain serait élu, à la représentation proportionnelle avec une prime majoritaire, dans une circonscription unique, mais avec des sections électorales communales. Ce scénario, qui semblait avoir la préférence du gouvernement de l'époque, est extrêmement complexe : pour la métropole du Grand Paris, les listes devraient présenter au moins 209 candidats répartis en 131 sections communales ! Lors de mes auditions, on m'a d'ailleurs indiqué que, si le scrutin régional avait été déclaré conforme à la Constitution à l'époque, il n'est pas certain que ce serait toujours le cas aujourd'hui... En outre, chaque liste métropolitaine devrait comporter des candidats de chacune des communes membres, ce qui pourrait être problématique.
En conclusion, le système actuel pour l'élection des conseillers métropolitains présente nombre d'avantages. Dans ces conditions, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, identique à un texte déposé par notre collègue Sophie Joissains, a le mérite de stabiliser ce mode de scrutin et de ménager une pause, souhaitée par les élus locaux, dans les réformes de l'organisation territoriale.
Surtout, une dissociation des élections municipales et métropolitaines reviendrait à assimiler les métropoles à des collectivités territoriales de plein exercice, ce qui poserait de grandes difficultés : question de la suppression des départements, émergence d'un nouveau niveau de collectivité, qui serait contraire à l'objectif de simplification et de réduction du « millefeuille » territorial... Il convient de réaffirmer notre opposition à cette évolution et de conforter le principe selon lequel la commune est et doit demeurer la cellule de base de la démocratie locale. Je vous propose en conséquence d'adopter cette proposition de loi sans modification.
- Présidence de M. François Pillet, vice-président -