Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 5 février 2009 à 15h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 32

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Mon intervention vaudra pour les articles 32 à 40.

La prise en compte par la France du thème de la santé environnementale est une avancée nécessaire pour ne pas réduire l’action publique en matière de santé à l’organisation du système de soins. Rappelons que deux cancers sur trois sont d’origine environnementale. En vingt ans, leur nombre a augmenté de 63 % et, pour certaines maladies dues à une dégénérescence neurologique, de forts soupçons pèsent sur l’environnement.

On ne peut que regretter que ce thème d’investigation, qui figurait dans le plan national santé environnement, n’ait pas été correctement appliqué et que des sommes significatives affectées au volet « recherche prospective » n’aient pas été consommées et aient ensuite disparu. J’ai interpellé Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur ce sujet, mais elle n’a pas dû retrouver la trace de ces crédits puisqu’elle ne m’a toujours pas répondu !

Le Grenelle vient à point nommé pour reprendre le flambeau.

Les articles 32 à 40 du projet de loi permettent une avancée, mais ce à deux conditions.

D’une part, les propositions des comités opérationnels ne doivent pas avoir été grignotées par une sorte d’érosion dans le texte présenté aux parlementaires, ceux-ci ayant toute légitimité pour arbitrer, avant leur vote. Or tel n’est pas le cas, puisque certaines d’entre elles ont d’ores et déjà disparu du projet de loi.

D’autre part, le contenu du Grenelle doit constituer une réelle avancée, et non l’habillage a posteriori de mesures que l’Union européenne attend de tous ses membres et pour lesquelles nous avons parfois pris du retard.

Parmi les molécules que vous proposez de ne plus utiliser ou dont vous suggérez de réduire les rejets, je prendrai simplement l’exemple du mercure.

Le mercure est un grave neurotoxique pour l’homme. Le mercurochrome, qui a conservé son nom d’origine, n’en contient plus depuis longtemps pour des raisons de toxicité.

L’écotoxicité sur la vie sauvage prend différentes formes : inhibition de la croissance des algues et des champignons, ainsi que des pontes des poissons, et moindre succès pour la reproduction des oiseaux aquatiques.

Dans le sol, le mercure est transformé par les bactéries et rendu bio-assimilable. Une simple pile-bouton au mercure – c’est l’exemple que l’on donne aux écoliers – peut polluer un mètre cube du sol pour cinq cents ans. Le mercure n’est ni biodégradable ni dégradable.

En mer, trois facteurs aggravent la contamination des poissons. Les plus touchés sont ceux qui mangent d’autres poissons, ceux qui vivent longtemps et près du fond : il s’agit des thons, des espadons, des sabres, des grenadiers et des empereurs. Avis pour vos menus à venir, mes chers collègues !

L’homme, de par sa position haute dans la chaîne alimentaire, fait partie des espèces les plus touchées. Une femme en âge de procréer sur douze a un taux de mercure dans le sang assez élevé pour mettre en danger le développement neurologique du fœtus. J’évoquerai à cet égard des pollutions chroniques comme celle de Minamata, qui a fait 900 morts et plus de 10 000 victimes.

Si nous nous félicitons de voir la pollution au mercure figurer dans ce texte, nous devrions cependant examiner dans quel contexte elle y est mentionnée.

L’Union européenne avait déjà défini en 2005 une stratégie communautaire de réduction des rejets et de prévention visant à diminuer l’impact du mercure.

La Commission européenne a confié à la France la rédaction d’un argumentaire en vue de réviser éventuellement la classification du mercure dans le cadre de la directive 67/548/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives sur la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses.

L’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, a restreint l’étude à la seule classification CMR – cancérogène, mutagène, reprotoxique –, qui peut se traduire par une interdiction de vente du mercure en Europe pour un usage grand public.

En novembre 2005, l’avis de l’AFSSET a été soumis aux responsables de la classification et de l’étiquetage pour l’Union européenne, lesquels ont demandé plus de détails sur la toxicologie du mercure. Ce travail a été réalisé par l’INRS, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, et l’INERIS, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques.

En juin 2007, le Parlement européen a voté à Strasbourg un règlement interdisant l’exportation et l’importation de mercure.

À la mi–2007, les députés européens ont voté l’interdiction des thermomètres au mercure non électriques.

Chaque État membre doit traduire la directive dans son droit national dans un délai d’un an à compter de son entrée en vigueur.

Depuis le 1er janvier 2008, la Norvège a interdit l’utilisation du mercure.

Le 12 février 2008, la Commission a recommandé la participation de la Communauté européenne aux négociations en vue de l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant pour le mercure.

C’est dire si la question est grave ! Nous avons raison de mettre la France en règle par l’adoption du deuxième alinéa de l’article 32. Mais une telle disposition ne correspond pas à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, c’est le simple rattrapage du retard pris par notre pays dans ce domaine. Nous attendons donc de votre part, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de l’examen des articles 32 à 40, un peu plus de courage, pour prendre des décisions à propos des molécules que nous souhaitons surveiller.

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