Je vous remercie de nous avoir expliqué ce que nous avions pressenti lors de notre visite de votre institut, le 5 février. Vous avez mis l'accent sur la libération de la parole, dont nous mesurons tout le prix pour avoir entendu le silence poignant de certaines femmes qui n'en sont pas encore à ce stade.
Merci à notre délégation d'avoir relancé ce sujet essentiel pour l'égalité entre les hommes et les femmes. L'excision est la marque par excellence d'une domination de l'homme sur la femme, le déni de tout désir sexuel. J'ai été impressionnée, Docteur Foldès, par votre rappel du poids des siècles. Vous avez dit, Madame Martz, que ces femmes ne conçoivent pas d'être seules, malgré les souffrances endurées. On se trouve face à des situations si complexes qu'il faut inlassablement informer, former, y compris en se tournant vers les conjoints : on a besoin d'impliquer les hommes aussi.
Dans une lettre d'information de février 2016 de l'Observatoire national des violences faites aux femmes, vous dites avoir constaté, Docteur Foldès, malgré la criminalisation de ces violences, l'apparition de nouvelles formes de mutilations, soulignant « une inventivité terrifiante dans les crimes contre les femmes ». Dans une interview parue dans Le Monde en juillet 2017, vous estimez qu'avec les printemps arabes, on a vu resurgir des mutilations disparues. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Docteur Pierre Foldès. - Nous sommes face à des phénomènes géopolitiques terrifiants. L'Islam n'a jamais revendiqué la mutilation, mais après les printemps arabes, de nouvelles formes de domination des femmes ont été recréées dans certains pays dotés de nouvelles charia. Des imams isolés ont pu revendiquer la mutilation des femmes. On l'a ainsi vu réapparaître dans des pays où elle n'avait pas cours, comme la Tunisie, avec le même sens symbolique. On voit aussi aujourd'hui l'excision pratiquée sur les femmes, non pas par des exciseurs, mais par des criminels armés de baïonnettes, coupables de mutilations plus graves encore. C'est une réalité qu'il ne faut pas méconnaître. Les rapports de l'Unicef soulignent que malgré le travail des ONG, les chiffres ne baissent pas, et que l'on voit apparaître de nouvelles formes d'excisions dans de nouveaux pays, comme l'Inde.
Plus grave encore, on assiste à une médicalisation de ces pratiques. Dans certains pays, des professionnels de santé en viennent à pratiquer l'excision au prétexte que s'ils ne le font pas, c'est l'exciseuse de village qui s'en chargera, tandis que leur intervention sera mieux faite et entraînera moins de complications. Pour avoir réparé 200 à 300 femmes ainsi excisées, je puis vous dire que paradoxalement, ces excisions peuvent prendre des formes plus graves, car un chirurgien maîtrisant mieux le saignement peut couper plus profondément. Et cela rapporte de l'argent ! Chez les Guinéennes que l'on reçoit en consultation en France, on voit ainsi apparaître de nouvelles formes de mutilation préoccupantes. Cette utilisation de la médecine dans des pratiques criminelles pose un problème éthique terrifiant.