Lorsque des femmes nous parviennent sans que leur gynécologue leur ait appris qu'elles étaient excisées ni orientées vers une prise en charge réparatrice, elles nous arrivent blessées. Comme si le sachant lui-même se pliait à un tabou. De fait, ce sont souvent les sages-femmes qui nous alertent, à la suite d'un accouchement qui n'a pu se dérouler normalement. Peu de ces femmes sont sous contraception, pour des raisons culturelles. De nombreuses femmes viennent à l'Institut parce qu'elles sont enceintes ou prévoient une grossesse. Pourquoi leur gynécologue ne leur a-t-il pas signalé leur excision ? Cela reste pour nous une interrogation.
Docteur Pierre Foldès. - Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le clitoris, dans l'histoire de la gynécologie, n'existe pas. Les praticiens n'ont donc pas été formés. Chaque fois que je constate qu'un gynécologue n'a rien dit à une femme mutilée, cela me rappelle à ce devoir de formation. Nous mettons en place un plan de formation à l'Institut et comptons beaucoup sur des partenariats pour nous y aider, et essaimer.
J'en viens au problème éthique que soulève la médicalisation de l'excision. Un médecin est fait pour soigner. La bataille est perdue dès lors qu'il envisage seulement de franchir la ligne rouge en pratiquant l'excision. Le problème n'est pas simple, car est également en jeu une question financière : il y a énormément d'argent à gagner...
Ces médecins prétendent pratiquer les opérations a minima, mais quand nous voyons les femmes vingt, trente ou quarante ans après, leur cicatrice a évolué et leur clitoris s'est détaché. De plus, elles auront commencé leur vie sexuelle par un acte criminel traumatique commis avec la complicité de leur famille. Nous sommes donc en opposition frontale avec des corporations de médecins qui gagnent beaucoup d'argent ainsi, en particulier aux États-Unis.
En France, la réparation est prise en charge, depuis 2004, par l'assurance maladie. Je puis vous dire qu'à Bamako, on voit la France comme un pays dont les citoyens sont prêts à payer pour la réparation, et cela donne une grande légitimité à sa parole.