Intervention de Romain Sèze

Commission d'enquête menace terroriste après chute de l'Etat islamique — Réunion du 27 mars 2018 à 14h15
Audition de M. Romain Sèze chargé de recherches à l'institut national des hautes études de la sécurité et de la justice inhesj

Romain Sèze, chargé de recherches à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) :

Je vous remercie de votre invitation qui m'honore.

Votre première préoccupation est la suivante : comment expliquer la radicalisation ? Afin que vous puissiez mieux apprécier les limites de mes éclairages, je souhaiterais faire trois remarques préliminaires.

Il est déjà important de garder à l'esprit que la « radicalisation » n'est pas initialement une catégorie du discours scientifique, mais de l'action publique. Lorsque l'on parle de terrorisme, on désigne une infraction qu'on réprime. Mais dès qu'on décide de s'investir dans la prévention, on s'interroge forcément sur ce qui se joue avant le passage à l'acte. C'est à ce moment qu'émerge le discours sur la « radicalisation » qui ne renvoie donc en aucun cas à un phénomène homogène. Dire qu'une personne est « radicalisée » est très commode dans le langage courant, mais c'est aussi trompeur - il ne s'agit pas d'une maladie - de même que parler d'une « population radicalisée » ne veut pas dire grand-chose.

En dépit de cela, on peut s'efforcer de cerner ce qui, dans le parcours d'un individu ou au sein d'un groupe ou bien encore dans la conjoncture nationale ou internationale, favorise la violence d'inspiration politico-religieuse. Chacun s'y emploie au moyen de sa propre discipline - sociologie, science politique, philosophie, histoire, psychologie... - avec ses propres enquêtes, son « objet », son cadre théorique, etc. Autrement dit, on ne peut jamais apporter que des éclairages ponctuels et discutables. Je ne pourrai faire davantage.

En sciences sociales, il n'existe pas de définition consensuelle de la religion ni de la culture. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement de la radicalité ou de la radicalisation. Ce peut être frustrant pour les professionnels et les décideurs publics qui ont besoin de repères stables, mais le débat est inévitable. Il est aussi le signe que les recherches sur le sujet vivent.

Que peut-on dire des processus de radicalisation ? Les recherches que j'ai conduites, à partir de campagnes d'entretiens biographiques avec des personnes incarcérées pour faits de terrorisme, de sources juridiques et policières, en favorisant une focale microsociologique, pour m'intéresser avant tout à des trajectoires de vie, font apparaître des faits récurrents. Parmi les faits récurrents, il s'agit par exemple de personnes (re)venues tardivement à l'islam - ce sont des born again ou des convertis - dans un mouvement à la fois de rupture générationnelle et de « responsabilisation », c'est-à-dire de quête d'un cadre de vie normé à l'entrée dans l'âge adulte. Si leur apprentissage religieux est souvent solitaire et autodidacte dans un premier temps, il se poursuit toujours au contact de pairs, plus rarement par la fréquentation de mosquées.

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