Intervention de Jean-Claude Fontaine

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 21 mars 2018 à 14h15
Table ronde d'associations de l'« entente gendarmerie »

Jean-Claude Fontaine, président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG) :

La Fédération nationale des retraités de la gendarmerie représente environ 12 000 adhérents.

Je vais revenir tout d'abord sur la question des suicides. Il faut bien se rendre compte que l'incompréhension, la douleur que suscitent toujours ces actes autodestructeurs, même au-delà de l'entourage immédiat du militaire ayant mis fin à ses jours, amènent aussi - et c'est bien compréhensible - beaucoup de doutes, et parfois des mises en cause sur des dysfonctionnements institutionnels, réels ou supposés. La nature même du fait, qui touche forcément à la vie professionnelle et familiale d'un homme ou d'une femme, donne lieu à une enquête judiciaire et fait obstacle à toute mise sur la place publique (secret de l'enquête, mais aussi protection de la vie privée) et à des explications suffisamment détaillées, même si elles sont connues, ce qui loin d'être toujours le cas. À défaut, les formules génériques lapidaires d'un suicide qui ne serait pas en rapport avec le cadre professionnel laissent le plus souvent perplexes ou sceptiques.

Les gendarmes ont-ils le moral ? Il y a beaucoup d'inquiétudes qui sont liées à la crise et à l'impact qu'elle peut avoir sur la pérennité des acquis. Nombre de gendarmes estiment aussi que les difficultés de l'exercice du métier de gendarme sont sous-estimées et que les autorités manquent de volonté devant l'urgence de corriger la carte des implantations des unités.

D'autres personnes sont ébranlées par la fragilisation du métier, notamment en raison du déficit d'attractivité du travail des brigades territoriales et du défaut de reconnaissance des militaires les plus exposés au danger.

Le gendarme est en grande difficulté face à des outils en constante évolution et ne comprend plus les décisions des autorités, dont l'action a fait reculer son efficacité sur le terrain. Il est quotidiennement confronté à sa propre perte d'autorité. Il vit une crise identitaire et craint de voir sa condition, déjà difficile, s'affaiblir davantage.

Les gendarmes sont inquiets de voir leur institution tomber sous son seuil de crédibilité budgétaire ; le manque de marge financière les touche de plus en plus fortement dans leurs activités quotidiennes et entraîne un déficit de sécurité pour leurs missions.

Ils constatent des restrictions opérationnelles, alors que la culture du résultat reste présente, et subissent une dégradation de leurs conditions de logement - ils sont mal entretenus -, ce qui pénalise aussi leurs familles. L'ambiance générale est morose, le moral des militaires continue à se dégrader et cela se traduit par du silence et de la résignation.

En ce qui concerne la gendarmerie mobile, il y a une multiplication des déplacements, ce qui a forcément des conséquences sur la vie de famille.

La chaîne de concertation mise en place n'arrive pas à convaincre tous les gendarmes, qui voient en elle un effet placébo, permettant seulement de tempérer les ardeurs des plus remontés et de « noyer le poisson ». Si les inquiétudes semblent remonter sans distorsion du terrain vers les décideurs, cela n'entraîne aucune mesure concrète visant à faciliter le quotidien des unités, qui ne rechignent pas à la tâche.

En conclusion, pour cet état des forces de sécurité intérieure, il y a beaucoup à dire. Il y a du bon, du moins bon et du très mauvais. Pour ce qui est de la gendarmerie, nous sommes en pointe dans bien des domaines et aussi dans des projets à court et moyen terme. Nous avons de grandes qualités professionnelles. Cette machine, assez exceptionnelle et enviée par bien des pays, donne le meilleur d'elle-même, mais à quoi bon si son action n'est pas relayée comme il se doit, notamment dans le domaine judiciaire avec une magistrature parfois hors-sol et des règles de procédures d'un autre âge.

Le domaine du casernement est une véritable catastrophe et certaines situations sont inadmissibles. Il en est de même pour une bonne partie du matériel courant, comme les véhicules. On nous demande des résultats, alors que le matériel adéquat est très peu disponible. Le ministre de l'intérieur a fait des annonces d'amélioration budgétaire, mais c'est en grande partie en supprimant d'autres lignes ou en les imputant de façon inadmissible. Nous sommes donc repartis dans une spirale, que les anciens ont déjà connue. Il y a des annonces, de l'affichage, mais le terrain souffre et ce n'est pas parce qu'un ministre visite une brigade que le quotidien va mieux.

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