Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent débat, que je remercie le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir inscrit à notre ordre du jour, précède l’examen d’une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
Je veux introduire mon propos en rendant hommage à Simone Veil, qui déclarait : « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? […] C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »
Les mots du député Henry Berger, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, rapporteur du projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse en 1974, sont toujours d’actualité : le problème posé est grave, il suscite passions et réactions, déchaîne les controverses.
Était-il, mes chers collègues, véritablement nécessaire de relancer un débat ayant déjà déchiré notre société par le passé et brillamment résolu par cette loi du 17 janvier 1975, portée par Simone Veil ?
Il n’existe aucun fondement recevable pour inscrire I’IVG dans la charte suprême : ni l’objet de cette loi ni le cadre de la Constitution ne s’y prêtent.
Faut-il rappeler l’esprit de cette loi et l’intention qui était celle de Simone Veil pour bien comprendre qu’il s’agissait d’apporter une réponse à une grave situation et non de proclamer symboliquement un droit fondamental ou de légaliser cette pratique ?
L’objectif des auteurs du texte répondait alors à plusieurs soucis : permettre, limiter et contrôler.
L’avortement, aujourd’hui permis par le droit, doit surtout être considéré comme la possibilité de faire un choix. Un choix déchirant. Simone Veil le qualifiait d’« échec ». Permettez-moi de la citer de nouveau : « si le projet […] tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Elle terminait son discours en demandant que l’on fasse confiance aux jeunes générations pour conserver à la vie sa valeur suprême. Nous avions vingt ou trente ans à l’époque, parfois même bien moins. Il nous appartient, comme elle le souhaitait, de préserver cet héritage et de veiller à ce que l’esprit de cette loi soit conservé.
Ce serait une déviance de vouloir faire de l’IVG un droit fondamental en s’appuyant sur l’argument donné dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi constitutionnelle, mes chers collègues : mon corps, mon choix. Oui, il s’agit bien de son corps, mais aussi de celui d’un autre, de celui d’un être vivant. Il est essentiel de garder cela à l’esprit.
Nous vivons dans une étrange société, qui trouve des preuves de vie sur Mars et non dans l’embryon humain…
L’avortement ne doit en aucun cas être banalisé, encore moins encouragé. Il ne doit pas être vu comme un moyen de contraception.
La réponse adaptée au problème des grossesses non désirées serait plutôt de renforcer la prévention, l’information et l’accès à la contraception.
Avec le refus de la contraception classique et le retour de solutions alternatives dites naturelles, avec la banalisation de l’IVG ou l’immaturité et l’inconscience face aux conséquences de l’acte, nombreux sont les praticiens témoignant de situations pour le moins étonnantes.
En fin de semaine dernière, un médecin me disait que des jeunes filles, des femmes viennent se faire avorter régulièrement, comme une jeune fille de quinze ans qui se présentait pour la quatrième fois, sans véritablement prendre conscience de ses actes.
L’article unique de la proposition de loi que nous aurons à examiner vise à insérer l’interruption volontaire de grossesse après le dix-septième alinéa de l’article 34 de la Constitution et à en faire ainsi un principe fondamental. Or les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ne sont pas nécessairement inscrits dans la Constitution. Il s’agit de principes dégagés par le Conseil constitutionnel ou par le Conseil d’État, notamment, qui leur donnent valeur constitutionnelle, justement parce qu’ils n’y figurent pas.
Il n’y a pas de sens à ajouter le droit à l’IVG à l’article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi, c’est-à-dire les compétences du législateur.
Même s’il en était fait mention ailleurs dans la Constitution, ce serait inscrire une mesure bien trop précise dans un texte de portée générale, ce qui n’est ni nécessaire ni opportun.
Les piliers du bloc de constitutionnalité, comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sont des textes clairs, généraux et largement applicables. Rédigés à la fin du XVIIIe siècle, ils sont encore très actuels, précisément parce qu’ils ont évité l’écueil d’un niveau de détail excessif.