Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 3 avril 2018 à 14h30
Constitutionnalisation de l'ivg — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de l’Union européenne, la situation des droits des femmes en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse – droits loin d’être homogènes et remis en cause – explique sans doute le débat qui nous est proposé aujourd’hui.

Ainsi, en Pologne, le gouvernement a proposé, voilà quelques semaines, un projet de loi visant à interdire l’IVG en cas de pathologie grave ou de malformation du fœtus.

La situation peut également paraître préoccupante en Italie, où 70 % des gynécologues refusent de pratiquer l’IVG, faisant valoir leur clause de conscience, alors que le nombre d’avortements clandestins ne décline pas.

En revanche, d’autres pays engagent des évolutions. Dans quelques mois, les Irlandais se prononceront ainsi sur la légalisation de l’avortement, dans le cadre d’un référendum dont l’issue reste néanmoins incertaine.

En dressant ce portrait succinct de nos voisins européens, il s’agit de rappeler combien le recours à l’avortement reste un sujet très difficile. D’ailleurs, depuis 2016, c’est la troisième fois que le Sénat en débat.

C’est sur la base de ce constat que nous sommes invités, sur l’initiative du groupe CRCE, à réfléchir à l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, l’objectif affiché étant de prévenir une potentielle remise en cause du droit à l’avortement.

Les professionnels de santé et les responsables associatifs alertent régulièrement sur la persistance de nombreux obstacles pratiques liés à la diminution de leurs ressources et au manque de personnel formé.

Cependant, si nous partageons la volonté de garantir le respect du droit à l’IVG, la constitutionnalisation de ce dernier ne nous paraît pas une solution pertinente, et ce pour plusieurs raisons.

Le droit à l’avortement, s’il était inscrit dans la Constitution, serait érigé au rang de principe fondamental, et sa suppression serait rendue plus difficile, puisqu’elle nécessiterait une révision constitutionnelle. Toutefois, il est probable qu’un tel obstacle ne soit nullement insurmontable pour un gouvernement déterminé à supprimer ce droit. Un candidat élu à l’élection présidentielle sur la base d’une telle promesse n’aurait ainsi aucune difficulté à réviser la Constitution en ayant recours à son article 11, si une telle proposition correspondait à la volonté populaire.

Il semble donc illusoire de penser que l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution garantisse son immuabilité.

Par ailleurs, un tel ajout constitutionnel reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore, puisqu’il serait dès lors très difficile, voire impossible, de justifier la non-inscription dans la Constitution d’autres droits que d’aucuns pourraient juger plus essentiels. Surtout, et c’est là notre principale remarque, l’inscription de l’IVG dans la Constitution ne lèverait en rien les nombreux obstacles pratiques auxquels les femmes se heurtent aujourd’hui et n’aplanirait pas les inégalités d’accès à l’IVG. Cela pourrait même contribuer à affaiblir l’efficacité de l’information sur la contraception et la sexualité.

Aussi estimons-nous que nos efforts – vous serez sûrement d’accord avec nous, mes chers collègues – doivent se concentrer sur l’application réelle de la loi relative à l’avortement, qui, rappelons-le, constitue un recours dans des situations difficiles.

Alors que, dans notre pays, la demande reste stable, plus de 130 établissements de santé pratiquant l’IVG ont fermé au cours des dix dernières années.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion