Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 3 avril 2018 à 14h30
Constitutionnalisation de l'ivg — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à remercier Éliane Assassi et Laurence Cohen de leur fidélité à nos combats communs, ainsi que de leur proposition de débat sur la constitutionnalisation de l’IVG.

Évoquer l’interruption volontaire de grossesse aujourd’hui, c’est forcément faire référence à la longue histoire d’un acquis social, à la longue marche des femmes pour leurs droits spécifiques. Ce droit à l’IVG ne s’est pas construit en un seul jour. Il est le fruit d’un parcours difficile, entre aspirations de la société et avancées législatives : le manifeste des 343 en 1971 ; la création du MLAC, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, en 1973 ; puis la belle avancée, portée par Simone Veil et promulguée le 17 janvier 1975, autorisant l’IVG dans un délai de dix semaines, sous la condition expresse du caractère d’exception de ce geste.

La généralisation de cette avancée n’allant pas de soi, il a fallu attendre 1979 pour voir définitivement adoptée la loi autorisant l’IVG en France.

En 1982, les combats féministes et la nouvelle majorité de l’Assemblée nationale permettent le remboursement de l’IVG et l’allongement du délai à douze semaines. Le remboursement de cet acte n’est intégral que depuis 2013.

En 1992, le nouveau code pénal met un terme à la pénalisation de l’IVG. En 1993 est créé le délit d’entrave à l’IVG, renforcé dans son versant numérique en 2017. En 2000, l’IVG médicamenteuse d’urgence est autorisée et dispensée à titre gratuit pour les mineures. En 2014, la mention « situation de détresse » disparaît de la loi.

Cette longue route d’émancipation est donc jalonnée de nombreux petits pas, qui ont permis de faire de l’IVG, en 2018, la liberté fondamentale que l’on connaît dans notre pays.

Aujourd’hui, l’inscription de l’IVG dans la Constitution, au titre des principes fondamentaux déterminés par la loi, constituerait un pas en avant de plus. Pour ma part, je le vois comme un grand pas, qui ne permettrait aucun recul.

En juillet dernier, le président Emmanuel Macron annonçait, lors de son discours d’hommage national, l’entrée de Simone Veil au Panthéon. Nombre d’observateurs ont salué cette grande décision comme un acte hautement symbolique de reconnaissance de l’avancée sociétale qu’elle a permise. Désormais, nous pouvons aller au-delà des symboles, et nous devons inscrire ce droit dans notre Constitution.

Nous le devons, car l’IVG est finalement bien plus qu’un acquis social, bien plus que la rude conquête que je viens de rappeler : l’autorisation de l’IVG en France est un marqueur fort de notre société.

Simone de Beauvoir écrivait : « Il n’y a pas de meilleur indice du degré ou de la nature d’une civilisation, dans quelque pays que ce soit, que la place dévolue à la femme et la nature des relations entre les sexes – que ce soit dans la famille ou en dehors. » Faisons en sorte d’élever encore plus cet indice ! Pour les plus jeunes générations, ce droit, fondamental en France, participe de l’identité de notre pays.

Dans la comparaison avec nos voisins européens, dont les métropoles échangent leurs étudiants et leurs jeunes travailleurs, la question de savoir si l’IVG est autorisée est primordiale. Une réponse positive fait office de modèle, d’exemple à suivre.

L’exemple de nos voisins européens, enfin, nous fait prendre conscience de l’extrême importance de fixer le droit à l’IVG dans la Constitution. Dans certains pays, ce droit est fragile. On observe, depuis une dizaine d’années, de sérieuses menaces. En Pologne, après avoir été légale pendant quarante ans, l’IVG a été fortement restreinte aux grossesses consécutives à un viol, à l’inceste, ou en cas de malformation fœtale. Ce dernier cas de figure, qui correspond à la quasi-totalité des IVG polonaises, pourrait aujourd’hui disparaître sous les coups de boutoir des forces traditionalistes.

Dès lors, chacun comprend la nécessité de continuer à réaffirmer l’importance de ce droit. Lui donner une valeur constitutionnelle, c’est affirmer de nouveau fortement notre attachement à ce droit, c’est éclairer le chemin de nos sœurs de lutte qui prennent en exemple la législation française pour s’émanciper. C’est aussi une manière de le pérenniser, de lui donner une majorité politique forte, constitutionnelle, afin d’avoir l’assurance que nul recul ne sera envisageable dans notre pays.

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