C’est un sujet prioritaire pour le Gouvernement. À ce titre, je reprendrai les propos du ministre d’État Nicolas Hulot : « Voyons comment on peut remettre le ferroviaire au cœur de la mobilité durable sur deux priorités : le confort du transport quotidien et […] le transport du fret ferroviaire ».
D’abord, je tiens à partager avec vous un constat : la situation actuelle n’est tout simplement pas satisfaisante.
Confronté aux réalités économiques du pays, le fret ferroviaire est en difficulté depuis de nombreuses années ; c’est une réalité que l’on ne peut pas nier. Son poids dans l’ensemble des transports de marchandises a décliné, passant de plus de 16 % de part de marché en 2000 à 10 % en 2016, en connaissant un niveau plancher à moins de 9 % en 2010. Cette part modale s’est stabilisée autour de 10 % depuis 2011 ; vous en conviendrez, c’est trop faible. À titre de comparaison, la part modale du fret est de 40 % en Autriche et de 20 %, soit le double de la France, en Allemagne.
Trois facteurs doivent être pris en compte pour expliquer les difficultés que le fret ferroviaire rencontre en France.
Premier facteur : la faible densité industrielle dans notre pays – elle est, par exemple, trois fois moindre que celle de l’Allemagne – et la répartition inégale des sites industriels sur l’ensemble de notre territoire.
Deuxième facteur : la moins grande compétitivité des ports français par rapport à leurs concurrents européens et la desserte ferroviaire insuffisante de leur hinterland ; nous avons pris des mesures récentes pour changer cela.
Troisième facteur : la crise économique de 2008, qui a entraîné une contraction de la demande de transport de fret et accéléré la désindustrialisation dans beaucoup de secteurs, en particulier les secteurs qui utilisent fréquemment le mode ferroviaire.
Le niveau de l’ensemble des transports de marchandises en 2016 était ainsi encore inférieur de 20 % à celui de l’année 2007, année précédant la crise économique, dont les effets se font encore malheureusement sentir.
Depuis une dizaine d’années, l’activité de fret ferroviaire connaît une difficulté structurelle face à la concurrence féroce du mode routier. Ce dernier offre plus de souplesse et de réactivité que le mode ferroviaire. Il est aussi moins onéreux, depuis la baisse du prix du gasoil de 40 % en trois ans et la contraction des prix de main-d’œuvre en raison d’opérateurs des pays de l’Est extrêmement compétitifs. Mais je reviendrai sur la compétitivité du pavillon français dans la suite de mon intervention.
Il est par ailleurs indispensable de mener des actions coordonnées et ambitieuses pour contrer les tendances que je viens de décrire.
Le fret ferroviaire est pleinement pris en compte dans les travaux en cours depuis plusieurs mois au sein du ministère chargé des transports. Je pense d’abord à la stratégie des mobilités et à la future loi d’orientation sur les mobilités, qui comprendra un volet important fret. Je pense aussi au rapport du Conseil d’orientation des infrastructures qui intègre bien des investissements en faveur du fret ferroviaire à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros : liaisons Serqueux-Gisors, Dijon-Modane, désaturation des nœuds ferroviaires, etc. Permettez-moi à cette occasion de saluer devant vous l’engagement de certains de vos collègues, notamment Hervé Maurey, président de votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Gérard Cornu et Michel Dagbert, dont les travaux nous ont beaucoup aidés et inspirés. Je pense enfin aux réflexions et discussions en cours avec le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.
Les actions en faveur du fret ferroviaire, qui, vous le voyez, sont essentielles aux yeux du gouvernement actuel, s’articulent autour de cinq priorités.
Première priorité : améliorer la qualité de service de SNCF Réseau et donner de la visibilité sur la tarification du réseau.
La relance du fret ferroviaire passe en premier lieu par la disponibilité et la qualité des sillons, préalables à l’amélioration de sa fiabilité.
La ministre Élisabeth Borne a donc souhaité l’organisation de la « Conférence nationale sillons fret », qui s’est tenue le 6 février dernier. Ce moment d’échanges a permis de confirmer une évolution positive de la qualité des sillons et une meilleure rencontre entre l’offre de SNCF Réseau et les demandes des entreprises ferroviaires. Ainsi, SNCF Réseau a pu indiquer le lancement de nouvelles actions concrètes visant à améliorer encore l’anticipation et la qualité de service, comme la mise en œuvre d’un réseau ferroviaire de fret de haute qualité de service, représentant près de 80 % du trafic fret en trains-kilomètres.
Le Gouvernement a en outre confié une mission au Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD, pour améliorer la qualité de service offerte aux entreprises de fret ferroviaire par le gestionnaire d’infrastructure, de façon à rendre le système plus compétitif et à déterminer la juste trajectoire des péages et des aides publiques visant à compenser les prix des sillons, dans le contexte de concurrence directe, avec le mode routier ; nous y reviendrons.
Deuxième priorité : garantir une bonne irrigation des territoires avec les lignes capillaires de fret.
L’irrigation ferroviaire des territoires est indispensable. Depuis trois ans, l’État a financé des aménagements de ces petites lignes à raison de 40 millions d’euros par an, ce qui a permis de traiter près de 800 kilomètres de lignes.
Dans le cadre du projet de loi d’orientation sur les mobilités, le Gouvernement propose de pérenniser ce dispositif. Un nouveau référentiel adapté à la maintenance des lignes capillaires a d’ailleurs été publié à l’automne 2016. Sur les lignes capillaires de fret, le Gouvernement devrait vous proposer d’aller plus loin que les préconisations du Conseil d’orientation des infrastructures. Je suis certaine que cela vous intéresse, messieurs les députés !