Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par notre rapporteur, Françoise Cartron, ainsi que celui des auteurs de la proposition de loi, Éric Kerrouche et Monique Lubin.
Quelles solutions opérationnelles pouvons-nous apporter pour assurer l’accès de tous à l’eau, patrimoine commun de la Nation, comme M. le ministre d’État l’a souligné, dans des conditions économiques raisonnables, aussi bien pour les usagers que pour les collectivités territoriales ?
Telle est la question qui sous-tend la proposition de loi destinée à proroger l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, censée s’achever le 15 avril prochain, pour les communes déjà engagées dans l’expérimentation. Moins de cinquante collectivités territoriales et groupements ont été identifiés par décret pour y participer.
Par principe, mon groupe parlementaire est favorable au recours aux expérimentations dans le cadre de l’article 72 de la Constitution. En effet, s’appuyer sur des territoires pilotes avant la généralisation d’un dispositif est plus sage, tout particulièrement dans un secteur, celui de l’eau, qui relève de nombreux domaines de compétences régaliennes. Par ailleurs, nous faisons une confiance totale aux élus locaux, qui connaissent parfaitement la complexité de leur territoire, des enjeux et des solutions qu’il faut apporter.
Tout ce qui peut encourager la liberté d’action des élus locaux doit donc être valorisé, quand bien même l’expérimentation ne nous semble pas systématiquement indispensable. Dans ce cas précis, d’ailleurs, elle soulève un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, la tarification sociale progressive de l’eau rompt partiellement avec le principe d’égalité de traitement des usagers devant le service public.
L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental. Il faut le respecter. Mais il est aussi de notre responsabilité de trouver un mécanisme de solidarité qui ne mette pas à mal le modèle économique de l’eau, notamment en exerçant une forte pression financière sur les collectivités territoriales.
De plus, un certain nombre d’aides qui peuvent être accordées aux ménages en difficulté existent déjà. Je pense à la possibilité d’appliquer une tarification progressive de l’eau pour les immeubles collectifs d’habitation. Je pense aussi à l’aide du Fonds de solidarité pour le logement.
Enfin, selon le rapport d’étape élaboré par le Comité national de l’eau, les collectivités territoriales ont autant recours à une approche dite curative, qui existait avant que l’expérimentation ne soit instituée, qu’à une approche dite préventive. Or la valeur ajoutée de l’expérimentation réside dans la possibilité de créer des aides préventives, malgré les défauts que nous leur connaissons.
Pour ouvrir le débat, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que le prix moyen de l’eau en France est de 3, 65 euros par mètre cube, soit un prix extrêmement bas par rapport à ceux de nos voisins allemands et anglais – 5, 50 euros et 4, 50 euros le mètre cube respectivement.
La raison en est simple : le prix de l’eau en France ne prend pas suffisamment en compte le prix du renouvellement des infrastructures, vieilles et mitées par les fuites d’eau. Le sous-investissement dans notre pays est évalué à 1, 1 milliard d’euros par an, ce qui est très élevé.
C’est une fracture territoriale sans précédent entre villes et campagnes qui nous attend, si nous n’amorçons pas le renouvellement de ces infrastructures vitales ! En effet, avec le principe « l’eau paie l’eau », cette absence d’investissement massif retentira au plan local sur la facture d’eau des Français et des collectivités territoriales, particulièrement dans les secteurs ruraux.
Madame la présidente, mes chers collègues, le principe de l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau peut être approuvé, en dépit des quelques interrogations que j’ai formulées.
Quant aux enjeux plus globaux de l’économie de l’eau, j’espère qu’ils seront abordés lors des assises de l’eau, annoncées par le Président de la République lors du congrès des maires à la fin de l’année dernière et dont nous attendons, monsieur le ministre d’État, le calendrier. Je souhaite que, lors de ces fameuses assises, nous puissions traiter des enjeux stratégiques liés à ce patrimoine commun de la Nation !