Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 4 avril 2018 à 14h30
Expérimentation de la tarification sociale de l'eau — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi visant à proroger l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, initialement mise en œuvre par la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes.

L’article 28 de cette loi prévoit que, en application du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, une expérimentation visant à favoriser l’accès à l’eau peut être mise en œuvre pour une période de cinq ans. Cette expérimentation prendra donc fin le 15 avril prochain.

L’objectif était d’offrir aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de définir des tarifs sociaux tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, ou de prévoir un soutien financier au paiement des factures d’eau, afin de favoriser l’accès à l’eau.

Or la mise en place de ce dispositif expérimental a été retardée, compliquée même, pour certaines communes. En effet, les collectivités volontaires ont dû travailler en liaison étroite avec les services sociaux et les départements, ce qui ne se fait pas sans un laps de temps suffisant. Par ailleurs, l’expérience prouve que les services sociaux sont plus ou moins coopératifs sur le territoire national.

Les collectivités territoriales concernées, ainsi que le Comité national de l’eau, réclament le prolongement de l’expérimentation. Pourquoi devrions-nous le leur refuser ?

De plus, cette prorogation est rendue nécessaire par le manque de recul que nous avons par rapport à l’évaluation de l’expérimentation.

Vous n’êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que toute expérimentation doit être accompagnée de rapports d’évaluation, afin que l’on puisse juger de la pertinence d’une pérennisation législative du dispositif. Or, dans ce cas précis, deux rapports n’ont pas été remis : le rapport d’évaluation et de proposition qui devait être remis avant la fin de l’année dernière par le Comité national de l’eau et le rapport d’évaluation final qui doit être remis par le Gouvernement au Parlement avant l’expiration de la durée fixée par la loi.

Il a pu être allégué que l’expérimentation menée jusqu’ici n’était pas probante, seules quarante-sept communes s’y étant engagées. Cette objection ne nous semble pas pertinente, puisque, comme l’a rappelé notre rapporteur, Françoise Cartron, dont je salue chemin faisant l’excellent travail, ces communes couvrent un bassin de population de 10 millions d’habitants, pour 1, 12 million de personnes potentiellement concernées par la tarification sociale de l’eau. Ce n’est pas rien ; c’est même suffisamment signifiant pour nous permettre de tirer des leçons utiles de l’expérimentation en cours.

Au demeurant, cette expérimentation est une marque de confiance envers les collectivités territoriales, que nous représentons. Leur capacité d’innovation doit être à la base de notre travail, ce dernier devant s’inspirer et se nourrir de l’expérience du terrain.

Mes chers collègues, vous l’aurez donc compris : nous voterons en faveur de la prorogation du dispositif de la loi Brottes jusqu’au 15 avril 2021. S’appliquant uniquement aux communes volontaires déjà engagées, cette prolongation leur donnera, in fine, les moyens de poursuivre l’expérimentation dans de bonnes conditions.

Toutefois, cette prorogation reporte la question que nous aurons à nous poser avant la fin de l’expérimentation : quel dispositif pérenne devrons-nous prévoir en matière d’accès à l’eau ?

L’objectif visé par la loi Brottes et par cette expérimentation, faciliter l’accès à l’eau, fait singulièrement penser à un texte que nous avons examiné voilà un an. Je pense à la proposition de loi relative au droit à l’eau potable et à l’assainissement, discutée le mercredi 22 février 2017 au Sénat, qui prévoyait la création d’une allocation forfaitaire permettant aux ménages les plus nécessiteux de s’acquitter de leur facture d’eau.

Or ce droit à l’eau, si nécessaire puisse-t-il être, ne doit pas être un poids pour nos collectivités territoriales. La charge de l’accès à l’eau pèse pourtant soit sur le département via le Fonds de solidarité pour le logement, lorsque la consommation d’eau est facturée dans les charges du logement, soit sur la commune via son centre communal d’action sociale, lorsque la facture d’eau est individualisée.

La multiplication des charges pesant sur les collectivités territoriales, sans cesse accrues et jamais, ou rarement, compensées, se ressent au bout du compte dans la qualité du service public. Il est du devoir de notre Haute Assemblée de dire : stop !

Au demeurant, rien ne nous garantit qu’un tel droit à l’eau, concrétisé par une tarification sociale ou une aide pécuniaire, soit de nature à siphonner effectivement les besoins actuels en aide curative. Il s’agit là d’une des interrogations auxquelles l’expérimentation, une fois prorogée, devra répondre.

Ainsi donc, s’il est nécessaire de proroger l’expérimentation afin d’avoir un véritable recul et de démontrer empiriquement le bien-fondé ou l’inutilité de cette mesure, nous ne devons pas être naïfs quant à la suite des choses. C’est pourquoi nous voterons la proposition de loi, en demeurant vigilants pour que les charges que le dispositif pérenne créera ne pèsent pas, une fois de plus, sur les collectivités territoriales !

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