Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le 15 avril prochain, nous arriverons à l’échéance de l’expérimentation prévue dans le cadre de la loi Brottes, loi qui a été promulguée en avril 2013 et qui avait pour objectif de garantir l’accès à l’eau potable et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau.
Je remercie nos collègues du groupe socialiste et républicain de leur initiative indispensable pour prolonger cette expérimentation importante. Il était plus que temps de légiférer ! L’effectivité du droit à l’eau représente en effet un enjeu fort, un symbole indéniable. Il s’agit d’un indicateur de la réalité de la cohésion de nos sociétés et de la protection des plus faibles.
Un consensus existe pour considérer que le coût de la facture d’eau est excessif lorsqu’il dépasse 3 % des revenus. Le constat est édifiant : environ un million de ménages font face à une facture démesurée. Ces ménages ne sont parfois plus en mesure de payer leur facture, ce qui entraîne des réductions du débit de l’eau, voire des coupures brutales. Il s’agit là de difficultés quotidiennes qui sont intolérables pour certaines familles. Aujourd’hui, de nombreux exemples font d’ailleurs la une des médias.
Cette situation est inacceptable. Face à cette réalité, plusieurs communes ou groupements de communes ont pris leurs responsabilités en expérimentant la tarification sociale de l’eau sur leur territoire. Le dispositif leur permet de définir des tarifs sociaux en tenant compte de la composition ou du revenu des foyers. Les collectivités peuvent également prévoir un soutien financier au paiement des factures d’eau en identifiant les solutions les plus adaptées aux différentes situations de précarité. Cette expérimentation permettra de mesurer les coûts de gestion de ces différents dispositifs.
Néanmoins, un retard important a été enregistré dans la mise en œuvre de ces expérimentations : seuls vingt-six projets ont été lancés depuis 2015 ; le retour d’expérience n’est donc pas encore suffisamment établi.
Il existe quand même un rapport d’étape intéressant sur la mise en œuvre de l’expérimentation, qui a été établi par le Comité national de l’eau en avril 2017. Ce rapport donne une idée des difficultés rencontrées. Ainsi, malgré une vaste campagne d’information, Nantes Métropole signale que seuls treize ménages ont demandé à être intégrés au processus de tarification solidaire. Cet exemple montre, disons-le sans langue de bois, qu’il existe un vrai risque d’empilement des dispositifs, au-delà des difficultés à informer les principaux intéressés.
De même, Bordeaux Métropole, qui a aussi développé une approche préventive par l’utilisation du « chèque eau », souligne dans sa note de synthèse que le développement du dispositif reste très lié localement à l’engagement des équipes de travailleurs sociaux. Le travail d’information et de reconnaissance du dispositif se poursuit d’ailleurs encore auprès de ces équipes. Ces constats prouvent qu’il est primordial de faire bénéficier ces collectivités d’un support légal pendant trois années supplémentaires. Cette prorogation permettra d’évaluer pleinement les dispositifs.
Cependant, la tarification sociale de l’eau n’est que l’un des aspects de cette vaste question de l’accès à l’eau et à l’assainissement.
J’ai eu la tentation – je vous l’avoue, madame la rapporteur – d’utiliser ce texte pour restaurer, par un ensemble d’amendements, la proposition de loi « visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement », texte dont j’étais le rapporteur il y a tout juste un an. Le souvenir reste douloureux pour certains d’entre nous – ils se reconnaîtront !