Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne peux qu’appuyer les interventions des collègues qui m’ont précédée.
Cette proposition de loi déposée par le groupe socialiste et républicain répond à de véritables enjeux sociaux et écologiques, ainsi qu’en matière de développement durable. La prorogation de l’expérimentation est nécessaire et doit permettre une plus grande efficacité des dispositifs mis en œuvre.
Les collectivités locales retenues ont pris du retard. Cela résulte du temps consacré à l’élaboration de leur projet. Il est évident que nous nous devons de laisser ces expérimentations se poursuivre.
L’eau constitue un véritable poste de dépense pour le budget des ménages. Grâce à la loi Brottes, les collectivités choisies peuvent expérimenter des pistes diverses en aide aux familles à faibles revenus : modulation tarifaire, écrêtement de la facture ou encore « chèque eau ». En effet, le prix de l’eau est bien un facteur d’inégalités. Comme vous le savez, ce coût varie selon les lieux, dans la mesure où il dépend des investissements, des coûts nécessaires à son exploitation, à sa distribution et au traitement des eaux usées. En Martinique, le prix du mètre cube s’est élevé à quatre fois celui du mètre cube dans l’Hexagone.
Il est donc nécessaire d’aider l’ensemble des collectivités retenues à mettre en œuvre ce droit inaliénable et universel d’accès à l’eau.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui pose de véritables questions de solidarité et de progrès.
Ce que l’on appelle le « seuil d’acceptabilité » est évalué à 3 % : il s’agit du pourcentage des revenus consacré au paiement des factures d’eau et d’assainissement. Aujourd’hui, ce seuil est dépassé pour plus de deux millions de personnes. Il s’agit bien entendu d’aider ces foyers en difficulté en amont, mais aussi de lutter contre la précarité hydrique. Le droit à l’eau est inscrit dans la loi.
Si nous avons la chance de disposer de bons services publics de l’eau et de l’assainissement en France, il est nécessaire de faire progresser le cadre réglementaire pour l’accès à l’eau. Il s’agit d’enclencher tous les leviers pour la mise en œuvre du droit de l’humain à l’eau potable. Cette tarification sociale s’inscrit dans les objectifs de développement durable, les fameux ODD, qui sont au nombre de dix-sept, et correspond plus exactement à l’objectif n° 6. Ces ODD forment l’essentiel de l’Agenda 2030 et sont complémentaires de l’accord de Paris sur le climat.
Au travers de l’examen de ce texte, nous devons par ailleurs regarder la réalité telle qu’elle s’annonce : l’eau potable va coûter de plus en plus cher, car le coût de l’assainissement va augmenter. En effet, nos ressources en eau – je rappelle qu’il s’agit de moins de 1 % de l’eau disponible sur Terre – sont de plus en plus polluées et le coût des traitements pour maintenir une eau potable de qualité ne cesse de s’envoler.
Aujourd’hui, en France, la moitié des eaux de surfaces ne sont plus potables. Cette dégradation s’explique par la présence de pesticides, de métaux, de mercure – souvenons-nous à cet égard de la catastrophe pour l’humanité que fut Minamata au Japon et des conséquences terribles du mercure sur la santé –, de déchets médicamenteux et autres molécules artificielles non dégradables naturellement.
Les trois quarts des nappes phréatiques contiennent des nitrates et la question de la mise en œuvre de politiques publiques de diminution des pollutions résiduelles a déjà été soulevée. Quels traitements devrons-nous imaginer dans l’avenir et quelles répercussions auront-ils sur le prix de l’eau ? La réponse à ces questions légitime d’autant plus la démarche qui est à l’origine de cette proposition de loi.
Je poursuivrai sur un aspect fort de ce texte : l’objectif d’écologie responsable. Au cours de l’expérimentation, certaines collectivités locales ont assorti le projet d’une véritable politique de sensibilisation et d’incitation. Il a ainsi été possible de réduire les prélèvements sur la ressource.
Je vois dans ces expérimentations une responsabilisation de l’usager. La sensibilisation à l’économie de la ressource en eau est symbolisée par l’exemple du mécanisme « éco-solidaire » mis en place dans le Dunkerquois. L’idée selon laquelle « moins l’on consomme, moins l’eau est chère » a permis une baisse générale de la consommation. La prise de conscience par chacun de son « empreinte eau » et l’adoption d’un comportement responsable sont donc au cœur de la proposition de loi que nous examinons.
Dernier point que je souhaite évoquer : l’aspect expérimental de la démarche.
Comme le disait Léonard de Vinci : « Détourne-toi des préceptes de ceux qui spéculent sur le monde, mais dont les raisons ne sont pas confirmées par l’expérience. L’expérience ne se trompe jamais, ce sont nos jugements qui se trompent. »
L’intérêt de ce texte est certain : il permettra non seulement de mettre en œuvre des mécanismes différents selon les acteurs, les territoires et les usagers concernés, mais aussi d’engager des politiques responsables dans un but social et écologique. Des lignes très prometteuses émergent d’ores et déjà.
« Expérimenter, c’est imaginer », disait Nietzsche. C’est bien le mot d’ordre des collectivités locales retenues pour ce projet, qui ont pu mettre en place cette tarification selon différents modes, souvent en l’assortissant d’une politique de sensibilisation.
Les résultats de ces expérimentations seront donc précieux. Cette proposition de loi est un vecteur ambitieux et audacieux. Il l’est d’abord par sa visée sociale. Comment d’ailleurs un bien inaliénable peut-il encore être vecteur d’inégalités ?