Chers collègues, nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle rédaction des propositions n° 1 à 3, afin de prendre en considération les remarques et les inquiétudes que vous avez exprimées lors de la trop rapide réunion du 28 mars dernier.
L'affaire dite Lactalis a montré que l'information sur l'existence des procédures de retrait et de rappel ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre avaient donné lieu à des défaillances. C'est indéniable. Elle a également mis en lumière une situation de fait, chez le fabricant, qui est bien à l'origine de la contamination.
Prises dans leur ensemble, nos propositions ne ciblent naturellement pas exclusivement un acteur de la chaîne agroalimentaire. Elles procèdent d'un souci d'équilibre entre les différents acteurs : producteurs, distributeurs ainsi que, j'insiste, les autorités de contrôle.
Plusieurs d'entre vous l'ont souligné la semaine dernière : notre pays dispose probablement de l'un des dispositifs de surveillance sanitaire les plus performants en Europe, voire au monde. Des investisseurs étrangers viennent s'installer en France précisément pour bénéficier de cette expertise. C'est pour notre industrie un avantage compétitif majeur. Le protéger de toute contre-publicité, comme celle faite par l'affaire Lactalis, c'est renforcer ce facteur d'excellence.
Par conséquent, il est indispensable que des mesures soient prises dès le stade de la production et tout au long de cette chaîne, sachant que, bien évidemment, le risque zéro n'existe pas, hélas.
Ce qu'ont montré nos auditions, c'est que Lactalis avait connaissance de l'existence de certains éléments pathogènes potentiellement dangereux pour la santé dans l'environnement de production de son usine de Craon, dont il y a tout lieu de penser qu'ils sont à l'origine de la contamination. Notre sentiment est que, si l'information avait été partagée avec l'autorité administrative, une gestion différente de cette circonstance aurait été possible. Sans être médiatisée, cette information partagée aurait peut-être permis une évaluation commune des risques et probablement une meilleure attention de l'industriel sur la totalité des lots concernés.
C'est pourquoi nous avions formulé trois propositions, destinées à favoriser la circulation d'informations entre le producteur et l'autorité administrative, sans que les données en cause aient un caractère public et sans que la communication de ces informations à l'administration conduise inévitablement à la fermeture d'une unité de production. Ce faisant, nous entendions respecter le principe établi par la réglementation communautaire en matière de sécurité des produits alimentaires selon lequel le producteur est responsable de la sécurité des produits qu'il fabrique et, à ce titre, le premier à devoir déterminer les actions qui doivent être entreprises pour que cette sécurité soit complète. L'autorité administrative n'agit ainsi que de manière supplétive, efficacement, c'est-à-dire aussi promptement que possible.
Il ne s'agit en aucun cas de surtransposer le droit européen, et encore moins d'alourdir les contraintes qui pèsent sur nos entreprises agroalimentaires. Nous cherchons simplement des voies d'amélioration, au bénéfice non seulement des consommateurs mais aussi des industriels. Il en va en effet de leur crédibilité commerciale, que nos propositions visent justement à renforcer.
Dans cet esprit, nous avons précisé les trois premières propositions. Nous n'en sommes en effet qu'au stade des propositions : il ne s'agit pour l'heure que de décrire l'objet et le périmètre de la mesure, pas de proposer une rédaction à insérer immédiatement dans un texte législatif ou réglementaire...
Proposition n° 1 : « rendre obligatoire l'information de l'autorité administrative sur les autocontrôles positifs réalisés par le fabricant qui concernent des prélèvements dans l'environnement de production, lorsque ceux-ci font apparaître, après contre-analyse, une situation présentant un risque pour la santé humaine, ainsi que sur les éléments correctifs apportés. ».
Il nous semble indispensable de conserver le principe d'une information de l'autorité administrative, non seulement des autocontrôles positifs sur les produits, mais également des autocontrôles concernant l'environnement. Cette communication serait toutefois limitée aux hypothèses où elle est pertinente pour la santé, c'est-à-dire lorsque ces autocontrôles font apparaître une situation préjudiciable à la santé humaine. Surtout, cette obligation n'interviendrait qu'après contre-analyse, c'est-à-dire en cas de risque avéré -l'expérience montre qu'il ne l'est pas, heureusement, dans la très grande majorité des cas.
Dans le cadre d'un principe de responsabilité du producteur, les éléments correctifs apportés par ce dernier devraient également être mentionnés afin que l'autorité administrative ait connaissance de l'ensemble de la situation. Il s'agit là encore de mieux faire circuler l'information, son partage avec l'administration pouvant faciliter ou valider l'adoption des mesures les plus pertinentes pour faire cesser le trouble. À nouveau, la cessation de la production est une mesure corrective parmi d'autres, mais elle ne doit pas être écartée dans toute circonstance. Elle peut être justifiée au regard de la nature du risque, mais également pour des raisons d'image commerciale.
M. Laurent Duplomb s'interrogeait sur le périmètre retenu pour les autocontrôles d'environnement de production. Les contrôles visés sont ceux qui sont le plus susceptibles d'entraîner une contamination des produits en raison de leur position dans la chaîne de production. Il ne s'agit pas de transmettre des autocontrôles positifs constatés sur le parking de l'usine. Ce périmètre sera à apprécier au cas par cas. Il pourrait être défini par les autorités sanitaires, avec les industriels, lors de l'agrément de l'usine de production, qui analyse spécifiquement chaque étape de la chaîne de production.
Proposition n° 2 : « prévoir un contrôle par l'autorité administrative, selon une périodicité à déterminer, des informations figurant dans les registres que doivent tenir les fabricants en application du règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ». Cette proposition refondue vise la communication du registre que tout fabricant doit tenir à la disposition de l'autorité administrative, en application du droit européen. La périodicité devra être fixée après concertation avec les industriels et l'autorité administrative. Comme dans notre rédaction initiale, il s'agit de fluidifier la circulation de l'information. Aucune information nouvelle n'est donc exigée des entreprises. Nous voulons juste nous assurer qu'entre deux contrôles sur place, dont on a vu qu'ils étaient parfois très espacés dans le temps, l'autorité administrative dispose d'informations pertinentes.
Proposition n° 3 : « imposer aux laboratoires indépendants mandatés pour réaliser des analyses pour le compte des producteurs de signaler à l'autorité administrative les résultats non conformes à la réglementation applicable au produit, confirmés par une contre-analyse ». Cette nouvelle proposition n° 3 prévoit que les laboratoires indépendants chargés de pratiquer des autocontrôles signalent les contrôles positifs à l'autorité, mais seulement, comme dans la proposition n° 1, lorsqu'il a été procédé à une contre-analyse.
D'autres questions portaient sur le deuxième axe de nos propositions, relatif à la fiabilisation de l'information aux consommateurs en cas de procédure de retrait et de rappel des produits. M. Jean-Pierre Moga a proposé de ne faire figurer sur la liste unique recommandée dans la proposition n° 8 que les produits concernés par une procédure de retrait pour risque sanitaire. C'est bien l'objectif de cette proposition, qui ne vise que les produits concernés par des procédures de rappel, c'est-à-dire des produits dangereux pour la santé ou la sécurité des consommateurs -à l'exclusion par exemple des produits à l'étiquette ou à l'emballage non conforme à la réglementation. La liste unique ne concernera pas les produits concernés par les retraits.
M. Laurent Duplomb nous avait aussi interrogés sur la proposition n° 10, qui vise à mettre en place une procédure standardisée et graduée d'alerte dédiée aux rappels. Nous proposons un principe très clair : aux crises les plus graves doivent répondre les moyens de communication les plus efficaces. Le recours à la procédure de type « Alerte Enlèvement » serait strictement cantonné aux produits alimentaires contaminés, manifestement très dangereux pour les consommateurs et nécessitant d'agir urgemment. Ce ne serait pas la procédure normale d'alerte -comme ne l'est pas non plus « Alerte enlèvement » pour les disparitions d'enfants.