rapporteur spécial (logement, urbanisme, politique de la ville). - Je remercie la Cour des comptes pour son enquête. Nous avons souvent parlé du programme « Habiter mieux » en commission des finances, notamment en 2015-2016, alors que les financements de l'ANAH n'étaient plus certains ou correctement assurés.
C'est parce que nous avions intuitivement senti que ce programme était intéressant que nous avons demandé à la Cour de s'y pencher et de nous donner son avis. Je note avec satisfaction son appréciation positive.
Ce programme a plus de sept ans. L'actuel Gouvernement a décidé de le maintenir et prévu des crédits dans le grand plan d'investissement (GPI) pour compenser la fin des engagements du PIA : 1,2 milliard d'euros sont annoncés sur le quinquennat, mais seuls 110 millions d'euros sont prévus en 2018.
Contrairement aux dépenses fiscales comme le CITE ou la TVA à 5,5 %, le programme « Habiter mieux » repose sur le versement de primes, équivalant à des subventions, qui complètent les aides supportées par le budget de l'ANAH.
Le Gouvernement s'était fixé l'objectif ambitieux de parvenir à la rénovation de 300 000 logements d'ici à 2017. Le programme a beaucoup évolué au cours des années, les règles ayant été modifiées de façon très importante, ce qui a perturbé les acteurs. Le programme a également connu des difficultés de financement, ce qui a conduit l'ANAH à interrompre l'instruction des dossiers.
L'enveloppe du PIA consacrée au FART, initialement fixée à 500 millions d'euros, a atteint 696 millions d'euros en décembre 2016, à la suite de plusieurs redéploiements de crédits.
Le programme « Habiter mieux » enregistre globalement de bons résultats puisqu'il a atteint son objectif social - aider les ménages modestes et très modestes à rénover leurs logements - mais aussi son objectif écologique ; alors que le gain énergétique attendu devait être de 30 % en moyenne, il aura finalement été de 41 % en 2015. Toutefois, seuls 243 000 logements ont été rénovés entre 2010 et 2017, soit seulement 80 % de l'objectif initialement fixé. Dès lors, comment l'objectif de 75 000 rénovations pourra-t-il être atteint, dont 10 000 dans les copropriétés fragiles ?
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2018, tout en me félicitant du maintien du programme et des moyens qui lui étaient alloués, je m'étais interrogé sur le réalisme d'un tel objectif. L'objectif de 75 000 logements financés dès 2018 est-il atteignable ? Ces objectifs trop ambitieux ne risquent-ils pas d'être contre-productifs ?
Le programme « Habiter mieux » repose également sur une procédure et sur des modalités de gestion efficaces. L'instruction des dossiers, les contrôles a posteriori, les évaluations réalisées auprès des ménages bénéficiaires et des opérateurs permettent de s'assurer de la bonne dépense publique.
L'enquête met également en évidence l'effet déclencheur du programme. Un grand nombre d'opérations ne seraient pas réalisées sans ces aides. En outre, l'effet d'aubaine est finalement très limité.
Quels enseignements tirer de ce constat pour les dépenses fiscales, dont l'effet déclencheur reste incertain, et que l'effet d'aubaine est souvent mis en évidence notamment en l'absence de plafond de ressources ? Plus spécifiquement, que retenir pour la réforme à venir du CITE, que le Gouvernement envisage de transformer en prime ?
L'enquête constate l'efficacité de la territorialisation de ce type de politique publique, qui s'appuie sur les collectivités territoriales ayant la qualité de délégataires d'aides à la pierre. La Cour des comptes indique ainsi que « cette gestion de proximité facilite le respect des objectifs du programme et permet la mobilisation des acteurs pour sensibiliser et accompagner les bénéficiaires des subventions ».
Concrètement, comment encourager ces délégations accordées aux collectivités territoriales ? Quels sont les obstacles à leur généralisation ? Une décentralisation complète de cette politique publique serait-elle envisageable ?
La mise en oeuvre du programme « Habiter mieux » connaît également des critiques, principalement l'instabilité de son enveloppe financière - les quotas carbone sont largement en cause -, mais aussi les changements fréquents des règles relatives à l'attribution des aides. Il est pourtant indispensable que le régime applicable soit suffisamment stable et lisible afin que les ménages cibles soient en confiance pour présenter des dossiers et que ne se créent pas des « trous d'air » au cours de la mise en oeuvre du programme.
Face à ce besoin de stabilité, en quoi le GPI sera-t-il plus efficace que le PIA ? Les leçons de la situation un peu chaotique que nous avons connue au cours des années passées ont-elles été tirées ?
Le fait que les aides de l'Agence reposent toujours très largement sur le produit des cessions de quotas carbone est-il susceptible de constituer un obstacle à l'atteinte des objectifs ambitieux fixés par le Gouvernement ?
L'aide allouée par l'ANAH doit également s'inscrire dans un véritable plan de financement pour que les propriétaires soient en mesure de couvrir l'ensemble de la dépense engendrée par les travaux. Ainsi, les dossiers mis en avant par la Cour des comptes font état d'une couverture de 50 %, voire plus, par les aides de l'agence. Par ailleurs, les collectivités territoriales continuent pour beaucoup de servir des aides complémentaires.
La réduction des dotations des collectivités territoriales et la contractualisation imposée aux plus grosses d'entre elles auront-elles un impact sur l'efficacité du programme ? Les écarts se sont-ils accentués entre les collectivités en capacité de maintenir une politique publique en faveur de la rénovation thermique des logements privés et les autres ?
Par ailleurs, comment les ménages parviennent-ils à financer le reste à charge, au-delà d'une éventuelle épargne ?
À ce sujet, la loi de finances initiale pour 2018 a supprimé les aides personnelles au logement « accession ». Seules 10 % des personnes éligibles à ces aides y ont désormais accès. Or cette aide contribue à solvabiliser les ménages les plus modestes. Des dossiers sont d'ores et déjà abandonnés.
Ma question s'adresse à la fédération Soliha : avez-vous identifié cette conséquence de la suppression des aides personnelles au logement « accession » ? Les dossiers jusqu'à présent portés à l'aide de cette prestation risquent-ils d'être impossibles à boucler financièrement ? Quelles autres solutions pourraient être envisagées ?
Enfin, l'ANAH vient de décider du lancement d'une procédure simplifiée, prenant la forme d'une aide de 7 000 euros à 10 000 euros, afin de permettre la réalisation plus rapide de certains travaux. Madame la directrice générale de l'ANAH, pouvez-vous nous en dire davantage sur cette procédure simplifiée ? Quel budget lui est-il attribué ? Est-elle d'ores et déjà mise en oeuvre ?
Comme la Cour des comptes, j'insiste sur la nécessité de garantir le maintien d'un diagnostic préalable efficace sur l'état du logement et les solutions à mettre en oeuvre, dans la phase d'octroi de cette aide, même pour une procédure simplifiée. Le risque n'est-il pas qu'il y ait moins de contrôles ? Comptez-vous tenir compte de la recommandation de la Cour des comptes ?