Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 5 avril 2018 à 15h00
Élection des conseillers métropolitains — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, bien que récentes, les métropoles créées par vagues successives suscitent des questions, parfois d’ordre identitaire, voire existentielles, tant sont grandes leurs difficultés à trouver leur place dans l’architecture institutionnelle de la décentralisation.

La proposition de loi de notre collègue Mireille Jouve et de plusieurs membres du groupe du RDSE vise à abroger l’article 54 de la loi MAPTAM du 24 janvier 2014, qui prévoit que le législateur définisse avant le 1er janvier 2019 un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers métropolitains. Une proposition de loi identique a été déposée par notre collègue Sophie Joissains.

Force est de constater que ces propositions de loi sont pleines de bon sens et de sagesse. En effet, l’application de l’article 54 de la loi MAPTAM, lequel pourrait paraître accessoire à la première lecture, entraînerait des conséquences sur la nature réelle des métropoles et, surtout, sur la place de la commune, cellule de base de la démocratie locale, comme l’a toujours affirmé le Sénat. Qui plus est, il n’existe à l’heure actuelle ni consensus politique ni solution technique acceptable pour faire droit à l’incantation de l’article 54.

Les métropoles constituent aujourd’hui des objets mal identifiés, qui nécessitent selon nous une véritable évaluation. Initialement, leur création avait pour objet de permettre à quelques grandes agglomérations urbaines de renforcer leur attractivité et leur dynamisme économique dans un réseau d’échanges à vocation européenne, voire internationale. Cette dimension première ne devait concerner que quelques grandes aires urbaines. Elle a rapidement été dépassée, au bénéfice d’intercommunalités de projet, voire de gestion fortement intégrée.

Aujourd’hui, les vingt-deux métropoles regroupent des entités très distinctes, à raison de leur taille – Paris regroupe plus de 7 millions d’habitants et 131 communes, contre moins de 215 000 habitants et 8 communes pour Brest –, de leurs compétences – l’éventail est très large, allant des compétences stratégiques à des compétences de guichet, en passant par la gestion de services publics du quotidien –, de leur statut, puisque la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à part entière au sens de l’article 72 de la Constitution, tandis que les autres sont des EPCI à fiscalité propre, dont deux à statut particulier, la métropole du Grand Paris et celle d’Aix-Marseille Provence.

Les assouplissements successifs des critères de création d’une métropole ont fortement altéré le concept. Un premier bilan de cette métropolisation accélérée est nécessaire. La mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale installée par la commission des lois pourrait s’atteler à ce travail, sous l’égide de son rapporteur, notre collègue Mathieu Darnaud.

Concernant l’élection des conseillers métropolitains, la proposition de loi soumise à notre examen nous invite raisonnablement au statu quo. L’ambiguïté de l’article 54 de la loi MAPTAM, l’absence d’alternative crédible et notre volonté de réaffirmer la place centrale de la commune nous conduisent à soutenir clairement l’initiative du groupe du RDSE.

L’article 54 de la loi MAPTAM est en effet le fruit d’un compromis arraché en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale étant favorable à l’élection directe des conseillers métropolitains et le Sénat y étant fortement opposé. Il comporte une clause de revoyure ambiguë et prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement avant le 30 juin 2015. Ce rapport a finalement été rendu au mois de janvier 2017.

L’ambiguïté porte tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, car l’obligation de légiférer avant le 1er janvier 2019 n’engage que le législateur. Au Gouvernement ne s’impose que le respect de la tradition républicaine, qui veut que l’on ne modifie pas un mode de scrutin dans l’année qui précède l’élection concernée. Pour les élections municipales et communautaires, la date butoir est donc fixée au mois de mars 2019.

Sur le fond, car l’article 54 de la loi MAPTAM prévoit le recours au suffrage universel direct, mais n’en précise pas les modalités.

Hormis la métropole de Lyon, où la désignation directe des conseillers métropolitains est liée au statut de collectivité territoriale, les autres métropoles recourent au suffrage universel direct via le mode de scrutin dit du « fléchage » pour les communes de plus de 1 000 habitants.

Lors de l’examen du projet de loi NOTRe, le constat semblait largement partagé par Mme la ministre, alors sénatrice du Loir-et-Cher, qui précisait que « les élus communautaires sont d’ores et déjà élus au suffrage universel direct par fléchage ».

Pour les communes de moins de 1 000 habitants, la désignation des conseillers métropolitains se fait selon l’ordre du tableau.

Aujourd’hui, 96 % des conseillers métropolitains sont élus suivant le principe du fléchage sur les listes municipales, selon les règles de représentation proportionnelle avec répartition des restes à la plus forte moyenne. Au moment du vote, l’électeur est en mesure d’identifier les candidats aux fonctions municipales et les candidats aux fonctions métropolitaines. Il s’agit donc bien d’une élection au suffrage universel direct.

L’absence d’alternative crédible est soulevée dans le rapport remis par le Gouvernement au mois de janvier 2017. Relevant qu’il n’existe aucun consensus au sein même des métropoles, ce rapport analyse trois scenarii distincts alternatifs au scrutin existant.

Le premier repose sur l’existence de deux collèges, l’un composé des représentants des communes, l’autre de conseillers métropolitains élus directement.

Le deuxième conçoit l’élection de l’assemblée métropolitaine dans des circonscriptions communales, chaque commune étant une circonscription dont les sièges seraient attribués au scrutin majoritaire s’ils sont moins de trois, à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire sinon.

Le troisième scenario prévoit, à l’image du mode de scrutin régional, l’élection de l’assemblée métropolitaine au sein d’une circonscription unique, chaque commune étant une section électorale.

Aucun de ces modes de scrutin ne permet de respecter les quatre principes clefs : garantir la représentation des communes, essentielle dans un EPCI, aucune collectivité territoriale ne pouvant, en vertu de l’article 72 de la Constitution, exercer sa tutelle sur une autre – c’est le fondement même de la coopération intercommunale ; répartir les sièges sur une base essentiellement démographique, conformément à la décision bien connue du Conseil constitutionnel Commune de Salbris du 20 juin 2014 ; assurer l’intelligibilité et la lisibilité du mode de scrutin pour l’électeur ; permettre l’émergence de majorités stables de gouvernement des métropoles.

Devant l’absence de solutions alternatives crédibles, il convient donc de maintenir le système actuel. Nous rejoignons ainsi notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui, au moment du vote de l’article 54 de la loi MAPTAM, avait précisé que « la loi fixera les modalités des élections de 2020, qui pourront être les mêmes qu’aujourd’hui ».

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