Intervention de David Ginocchi

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 5 avril 2018 : 1ère réunion
Table ronde « responsabilité pénale des élus et déontologie »

David Ginocchi, responsable du pôle juridique et études de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique :

Nous avons nécessairement une vision très tronquée du sujet, pour deux raisons : premièrement, nous n'intervenons que sur les questions déontologiques, et les questions relatives à la responsabilité pénale ne nous concernent pas ; deuxièmement, les obligations déclaratives issues de la loi de 2013 ne concernent pas tous les élus locaux, certains n'entrant pas dans le champ de compétences de la Haute Autorité.

Outre cette mission de contrôle du patrimoine, nous avons trois missions de conseil auprès des élus soumis à déclaration, en particulier les élus locaux.

Premièrement, une mission générale de prévention des conflits d'intérêts : en plus de la déclaration de patrimoine, les élus locaux font une déclaration d'intérêts auprès de la Haute Autorité. Ces déclarations d'intérêts nous permettent avant tout de repérer si des intérêts déclarés peuvent interférer avec les fonctions et de signaler dans ce cas à l'élu concerné que son activité professionnelle ou le mandat qu'il détient dans telle association peut soulever un conflit d'intérêts, voire constituer une prise illégale d'intérêts.

Comme les élus peuvent solliciter notre avis sur toute question déontologique, nous faisons les préconisations qui s'imposent en matière de publicité des intérêts, en matière de déport.

Notre deuxième mission, beaucoup moins connue, bien qu'elle soit importante, est une mission de contrôle du pantouflage. Depuis 2013, une partie des élus locaux, notamment les exécutifs territoriaux, entrent dans le champ de l'article 432-13 du code pénal, qui interdit à un élu, après la perte de son mandat, de travailler dans une entreprise avec laquelle il avait des relations. Par ailleurs, les autorités territoriales doivent saisir la Haute Autorité lorsqu'un élu veut reprendre une activité privée dans un délai de trois ans après la cessation du mandat.

C'est l'occasion pour nous de vérifier si l'élu local ne va pas se rendre coupable d'une prise illégale d'intérêts. Un avis d'incompatibilité de la Haute Autorité lui évite d'enfreindre l'article 432-13 et de s'en apercevoir deux ans plus tard.

Notre troisième mission de conseil est plus institutionnelle : nous sommes régulièrement saisis par des collectivités sur des questions déontologiques en général. Par exemple, nous avons été saisis il y a quelques mois par un président de conseil départemental qui voulait savoir comment gérer la question des déports des élus représentant le département dans des organismes extérieurs, au regard de la prise illégale d'intérêts. Autre exemple : nous sommes sollicités par des collectivités qui souhaitent moderniser leur dispositif déontologique, adopter une charte ou nommer un référent déontologique, mais qui ne savent pas comment s'y prendre.

Alors que nous exerçons ces missions de conseil depuis quatre ans, quel bilan tirons-nous ? Nous dressons deux constats principaux.

Premièrement, il y a un véritable besoin d'accompagnement des collectivités territoriales sur ces sujets de déontologie. Beaucoup d'élus locaux ne sont pas conscients des risques pénaux qu'ils encourent. Il m'est arrivé très fréquemment d'être face à des élus locaux qui ne savaient pas que chaque fois qu'ils votaient une subvention en faveur d'une association dans laquelle ils siégeaient, ils commettaient un délit pénal.

De la même manière, en matière de pantouflage, des élus ayant perdu leur mandat et repris une activité professionnelle se sont retrouvés à travailler dans une entreprise qui, quatre ans auparavant, avait reçu une subvention de la part de la région. Ils ont commis là un délit de prise illégale d'intérêts au sens de l'article 432-13 du code pénal.

Nous avons reçu 4 ou 5 demandes d'avis en 2014; nous sommes passés à 30 ou 40 en 2017.

À côté de ce besoin d'accompagnement, nous percevons une réelle volonté des collectivités de s'emparer de ce sujet, notamment en adoptant un dispositif déontologique pour prévenir, par exemple, les conflits d'intérêts. De plus en plus de collectivités nous saisissent sur des projets de charte. Pour autant, elles ne sont généralement pas très à l'aise avec ce type de sujet. Quand une collectivité veut rédiger une charte de déontologie ou nommer un référent, elle ne sait pas trop comment procéder, comment articuler un dispositif de prévention des conflits d'intérêts avec le respect de la vie privée des élus par exemple.

Les collectivités ont probablement besoin de s'adresser à un guichet unique pour trouver des réponses à ces questions.

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