Je me réjouis également que nos deux commissions se soient associées, par souci d'efficacité, en amont de l'examen des propositions de loi organique et ordinaire de l'Assemblée nationale relatives à la lutte contre les fausses informations. Si ces textes sont d'initiative parlementaire, ils se trouvent en réalité largement d'inspiration gouvernementale et seront défendus par la ministre de la culture.
J'estime regrettables l'utilisation du terme « fake » pour qualifier le phénomène et, surtout, l'erreur de l'avoir traduit par « faux », qui ne permet pas d'insister sur l'aspect relatif à la manipulation de l'opinion, à la désinformation et à la perversion de l'information au travers des réseaux sociaux. Nous devrons, pour ne pas nous tromper de combat ni d'analyse, nous montrer attentifs à cette dimension. Prenons garde à ne pas réformer aveuglément le droit de la presse, compte tenu des risques encourus en matière de liberté d'expression, exigence démocratique s'il en est ! Le think tank Renaissance numérique a d'ailleurs mis en exergue les nuances entre fausse nouvelle, désinformation, mauvaise information et sous-information.
Notre vigilance à viser au plus juste le phénomène que nous souhaitons combattre est d'autant plus essentielle que la manipulation de l'opinion par l'entremise des réseaux sociaux a pris une dimension nouvelle depuis les révélations afférentes à la campagne présidentielle américaine. Souvenez-vous qu'en décembre 2016, lors de l'Agora numérique organisée au Sénat dans le cadre du partenariat pour un Gouvernement ouvert, Lawrence Lessig, professeur à Harvard, candidat malheureux à la primaire démocrate et auteur de la désormais célèbre formule Code is law, nous avait annoncé, plusieurs mois avant que n'éclate le scandale, la manipulation des élections américaines à travers les réseaux sociaux. Notre débat est également empreint de celui que nous venons d'achever s'agissant de la transposition, en droit français, du règlement général de l'Union européenne sur la protection des données personnelles (RGPD) et de la récente révélation du détournement de millions de données d'internautes de Facebook par Cambridge Analytica, avec la complicité de Palantir, dont le co-fondateur n'est autre que le conseiller numérique du président Trump. Il convient de mesurer si le texte qui nous est proposé permettra effectivement de répondre à ces enjeux de démocratie. Il en va de l'honneur du Sénat, qui n'a jamais cessé de défendre les libertés fondamentales.
Nous entamons nos échanges par la diffusion d'un message enregistré de Mme Mariya Gabriel, commissaire européenne à l'économie et à la société numériques.