Intervention de Christophe Bigot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 avril 2018 à 18h10
Fausses informations « fake news » — Diffusion d'un message et audition

Christophe Bigot, avocat :

Je m'en tiendrai à une analyse juridique et commencerai par rappeler l'existant, qui est déjà assez significatif mais n'est pas utilisé. En France, deux textes sanctionnent les fausses nouvelles. La loi de 1881 sur la liberté de la presse punit la fausse nouvelle qui trouble la paix publique et le code électoral celle qui a pour effet de porter atteinte à la sincérité des scrutins. Or les décisions judiciaires s'appuyant sur ces deux textes se comptent sur les doigts d'une main.

On voit tout de suite qu'entre ces deux textes, il existe un vide : la fausse nouvelle qui ne porte pas un trouble à la paix publique et qui est de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin, mais sans qu'on ait la démonstration d'un effet réel.

N'oublions pas, par ailleurs, l'action en diffamation : la diffamation est une allégation fausse de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. Ainsi, pendant la campagne présidentielle, l'allégation selon laquelle Emmanuel Macron aurait eu un compte offshore au Panama. La loi permet déjà au juge de statuer dans les 24 heures en période électorale. Inutile, donc, d'adopter un texte supplémentaire pour faire intervenir un juge des référés.

En somme, cette proposition de loi est largement inutile : à mon avis, c'est purement et simplement une posture politique.

Le modèle français en matière de liberté d'expression ne consiste aucunement à sanctionner la mal-information, au contraire ! La loi de 1881 pose le principe de liberté et il s'agit pas d'aller chercher qui s'exprime de manière bienveillante et qui s'exprime de manière malveillante. L'idée est de déterminer des incriminations précises, en dehors desquelles on est libre de dire ce qu'on veut, même lorsqu'on est malveillant. D'ailleurs, la communication politique elle-même est souvent malveillante en période électorale !

Nous ne voulons surtout pas changer de modèle et commencer à décréter ce qu'est la bonne ou la mauvaise information : ce serait ouvrir une boîte de Pandore.

Bref, votez une loi inutile si cela vous amuse...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion