Intervention de Hervé Brusini

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 avril 2018 à 18h10
Fausses informations « fake news » — Diffusion d'un message et audition

Hervé Brusini, directeur délégué au numérique, à la stratégie et à la diversité au sein de la direction de l'information de France Télévisions :

Je suis au coeur de la tempête, comme tous les journalistes qui ont subi cette dévastation de la confiance. Le phénomène n'est pas nouveau : en 1897 on a interrogé les Français sur la responsabilité des journalistes. Qu'avaient-ils fait de leur pouvoir ? Les plus belles signatures - Zola, Jaurès et d'autres - ont répondu à ce qui était déjà un débat national sur le déficit de confiance. La revue Le temps des médias donne un texte datant de 1700 sur la fabrication des fausses informations dans la fameuse Gazette de M. Renaudot, qui était pourtant un brave homme...

Dans la constitution d'un corpus nécessaire à l'éducation à l'information, les journalistes ont un rôle très important. L'éducation aux médias, actuellement, est en pièces détachées : son corpus est loin d'être rassemblé, pertinent et efficace et il serait bien difficile de trouver en librairie le grand livre qui nous permettrait de faire correctement ce travail.

La démocratie passe par l'éducation et, donc, par l'éducation aux médias. Comme le service public est un des responsables - j'allais dire un des coupables - en la matière, il nous incombe aussi de constituer le corpus de l'éducation aux médias, notamment avec l'éducation à l'image. Il y a quelques mois, a circulé une image des pyramides couvertes de neige. Le monde entier - y compris des habitants du Caire - a repris cette image sans aller voir ce qu'était la météo au Caire ce jour-là. En l'espèce, il n'y avait pas de malveillance.

Je trouve significatif qu'on soit obligé de faire une clarification du concept qui nous rassemble. De quoi parlons-nous ? De fausses nouvelles, de « fake news », de désinformation, de mal-information ? La précision du concept est essentielle.

Nous devons aux Français, qui ont la gentillesse de payer leur redevance, un vrai travail de journaliste, et nous devons rendre des comptes. La régulation est donc bienvenue. Nous avons été tellement secoués par un certain nombre de scandales, comme la fausse mort de Martin Bouygues, que la moindre des choses est de mettre en place des procédures garantissant une information de qualité, c'est-à-dire vérifiée. Déjà, nous nous astreignons à ne sortir une information qu'après une vérification puissante. Cela dit, on peut toujours nous critiquer. L'information n'est pas scientifique, c'est une activité humaine. Et pour cette raison, les contraintes doivent être d'autant plus fortes.

Pour le service public, cela signifie d'abord la promotion de l'éducation aux médias. Le service public ne peut pas déroger à sa responsabilité d'aller au contact des écoles ; il doit produire des modules de formation, y compris parfois en jouant avec le feu, c'est-à-dire en permettant aux élèves de fabriquer de la fausse information pour qu'ils comprennent comment tout à coup l'un de leurs camarades peut devenir un personnage épouvantable, chassé par tout le monde. Et, à l'antenne, nous devons absolument faire apparaître la transparence de nos procédures. Cette pédagogie de l'information au moment même de sa diffusion aide à lutter contre la fausse information.

Bref, les journalistes de France Télévisions s'interrogent beaucoup sur ces propositions de loi. Pourquoi ne pas garder l'arsenal existant ? En 1881, ce fut une bouffée d'oxygène extraordinaire pour l'information, et cette loi eut même un retentissement mondial. Les propositions de loi dont nous parlons peuvent avoir le même impact, mais comme textes liberticides...

J'étais ce matin à Radio France devant près de 400 jeunes filles venues des quartiers. La plupart savaient ce que sont les Illuminati. C'est une alerte incroyable !

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